L’Officiel Paris N°1036 – Août 2019

(Darren Dugan) #1

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Photo Jason Lloyd Evans

L’OF F IC I E L BE WELL


Comment la passion du
maquillage s’est-elle impo-
sée à vous?
Charlotte Tilbury : J ’ai
passé mon enfance et mon
adolescence à Ibiza. Mon
père est artiste et ma mère
travaillait dans la production
avec de nombreuses marques
de luxe. Mes parents étaient
très bohèmes, et j’ai toujours
été entourée de personnes
créatives, des peintres, des
comédiens, des musiciens.
J’ai eu l’occasion de côtoyer
des artistes célèbres, comme
les Rolling Stones ou Roger
Taylor, le batteur de Queen,
que mon père connaissait
bien. Cet univers stimulant et
inspirant m’a aidée à créer ma
propre vision de la beauté ; dès
mes plus jeunes années j’ai eu
une fascination pour le maquil-
lage, et l’empowerment qui en
découle.
Après des années passées
backstage et au service
de marques cosmétiques,
qu’est-ce qui vous a déci-
dée à créer votre propre
marque?
J’ai commencé ma carrière
très tôt en tant que make-up
artist, il y a maintenant près de
vingt-sept ans. J’ai collaboré
avec de nombreuses marques
dont Helena Rubinstein et Tom
Ford en tant que directrice
créative, puis, en 2013, j’ai
ressenti que c’était le moment
pour moi de créer ma propre
maison. J’ai eu un parcours


très complet, j’ai connu toutes
les facettes du maquillage et de
la mise en beauté. J’ai travaillé
aussi bien pour les plus grands
magazines que sur des défilés
de mode et des tapis rouges.
Vous figurez parmi les
make-up artists incontour-
nables des grandes cérémo-
nies du 7e art, de Cannes aux
Golden Globes en passant
par les oscars. Comment
vous êtes-vous imposée à
Hollywood?
J’ai toujours entretenu des
relations privilégiées avec les
célébrités, j’arrive en un coup
d’œil à identifier ce qui les met
le plus en valeur, et je crois que
c’est quelque chose qu’elles
apprécient. Ma marque de
fabrique, c’est avant tout une
peau éclatante, c’est aussi ce
qui a rendu ma Magic Cream
si célèbre. Une peau glowy, c’est
pour moi l’étape fondamentale
pour un look réussi. Je crois
aussi que ma liberté de créa-
tion et le fait que j’ai toujours
navigué entre plusieurs univers
sans ne rien sacrifier parlaient
aux artistes. Les tapis rouges ne
m’ont jamais empêchée de réa-
liser des looks couture dingues
pour Jean Paul Gaultier ou
Alexander McQueen.
Quelles ont été les inspi-
rations majeures qui ont
nourri l’identité de votre
gamme de produits?
Ibiza avant tout, je rends
hommage à cette île que j’adore
sur certains packagings de mes

produits, où apparaît Tanit,
la déesse de l’île blanche. J’ai
aussi mis à l’honneur l’argile,
notamment dans mon Goddess
Skin Clay Mask. J’ai appris
à découvrir ses vertus infi-
nies à Ibiza, où nous allions
récolter la boue sur la plage de
S’Espalmador, pour concoc-
ter nos propres onguents de
beauté et nos remèdes médi-
cinaux maison. J’ai également
baptisé mes célèbres Beach
Sticks d’après mes spots locaux
fétiches comme Es Vedra et
Las Salinas.
Qu’est-ce qui vous a donné
envie d’étendre votre savoir-
faire au skincare?
Il est essentiel de com-
prendre la complémentarité
du soin et du maquillage. La
base même d’un make-up
réussi, c’est une peau saine et
éclatante. Je suis aussi fascinée
par les solutions technologiques
de pointe, les interférences
avec l’univers scientifique
qu’implique mon métier. J’ai
donc eu à cœur de développer
des produits qui me permettent
d’avancer en âge avec grâce
et harmonie. Ma volonté
première, c’est de transposer
l’expertise des spas à nos salles
de bains. Nous vivons tous une
vie à 200 à l’heure, dans des
villes polluées. J’ai donc élaboré
des produits qui permettent de
prendre suffisamment soin de
sa peau sans avoir nécessaire-
ment à en passer par la méde-
cine esthétique.

Comment est née la Char-
lotte’s Magic Cream, l’un de
vos best-sellers?
Grâce à mon expérience
backstage. Mon défi consistait à
apporter de l’éclat à l’épiderme
de mannequins épuisés par
le jet-lag et le rythme infernal
des fashion weeks. Obtenir un
rendu healthy et glowy était un
vrai challenge! J’ai donc eu
envie de créer une crème qui
fonctionne pour la majorité
des types de peaux, qui donne
un effet rebondi, éclatant et
radieux. Au départ, seuls des
artistes et mannequins que je
connaissais m’en réclamaient,
et puis c’est devenu viral, avec
un succès incroyable.
Les maquilleurs se voient
aujourd’hui starifiés par une
génération bercée à YouTube
et Instagram. Quel regard
portez-vous sur cette révolu-
tion digitale?
Pour moi, c’est juste une
autre façon d’interagir avec
mon audience, extrêmement
ludique et instantanée. Je reste
une amoureuse des magazines
et du papier, j’ai toujours eu
l’habitude de les collection-
ner. Mais pour communiquer
sur mes nouveautés et sur les
événements de ma marque, les
réseaux sociaux permettent une
force de frappe extraordinaire.
C’est également une vraie
source d’inspiration, qui me
permet de me tenir au courant
des tendances dans le monde
entier en quelques clics!


  1. CHARLOTTE FOREVER


À l’occasion de l’arrivée en France de sa marque de maquillage, Charlotte Tilbury,
make-up artist star anglaise, nous confie son parcours et ses influences.

Par Mélanie Mendelewitsch
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