SUD OUEST bassin d\'Arcachon du Lundi 12 Août 2019

(Marcin) #1

SUD OUESTLundi 12 août 2019


Il y a vingt ans, le gros mi cmac du McDo de Millau


sud ouest.fr
McDo, Burger King, KFC... : les fast-foods s’engagent
enfin à trier leurs déchets

« Sud Ouest » Vingt années
ont passé, vous pouvez l’avouer :
avez-vous enfin mangé chez McDo?
José Bové Jamais! Pas la peine d’en
manger pour savoir que ça n’a d’au-
tre goût que celui de l’agriculture in-
dustrielle et standardisée. Suffit de
regarder les compositions, deux
seules variétés de patates pour faire
les frites à travers toute la planète,
quant à la viande hachée, c’est tou-
jours exactement la même propor-
tion de muscle et de gras. C’est
d’ailleurs pour cela que ça marche,
et que ça ne coûte pas cher. Le pire,
c’est que les gens de McDonald’s
m’ont proposé d’écrire dans le livre
qu’ils consacraient au trentième an-
niversaire de leur arrivée en France.
Même pour en dire du mal, ils
étaient prêts à me faire un chèque,
histoire d’avoir ma signature
comme trophée.

Lorsque vous fomentez le démon-
tage du McDo, un soir d’apéro, imagi-
nez-vous que cela deviendra une
caisse de résonance mondiale?
Pas à ce point. Pour nous, cette ac-
tion s’inscrivait dans un combat en-
gagé depuis les années 1980, avec le
bœuf aux hormones. Au-delà de
McDo, il s’agissait de montrer la con-
tradiction entre l’agriculture indus-
trielle et nos produits d’appella-
tion – cette fois le roquefort – pris en
otage par les Américains. Personne
ne pouvait se douter que le démon-
tage d’un seul restaurant aurait un
tel écho. Mais, passée l’opération, il y
a eu mon incarcération, le refus de
me libérer... et toute la France qui
se prend de passion pour le sujet au
cœur de l’été. Puis, finalement, le
monde entier, lorsqu’un syndicat
d’éleveurs bovins du Texas décide
de payer ma caution. Une prise de
conscience planétaire pour toute
une génération. À l’automne sui-
vant viendra d’ailleurs la première
manifestation mondiale contre l’Or-
ganisation mondiale du commerce
(OMC), lors du sommet de Seattle.

Au terme « démontage », beaucoup
préfèrent celui de saccage...
Je maintiens ma version monsieur
le juge... Le mot « saccage » avait été
écrit dans la dépêche AFP, et le jour-
naliste s’en est ensuite excusé. Le gé-
rant du McDo, le maire de Millau et
la préfète de l’Aveyron s’en sont en re-
vanche bien servis. Sans parler de la
jeune juge d’instruction, qui s’est
crue intelligente en allant chercher
les copains à 6 heures du matin

pour les mettre en prison. C’était to-
talement disproportionné.

En vous incarcérant à votre tour, elle
aura pourtant bien servi votre statut
de martyr?
Lorsqu’elle m’a renvoyé derrière les
barreaux, je lui ai demandé si je pou-
vais lui serrer la main... Ce qu’elle a
fait sans comprendre. Je l’ai alors re-
merciée de nous avoir fait gagner
dix ans.

Aujourd’hui, McDo n’a jamais eu au-
tant de restaurants, et la France est
même le deuxième pays qui rapporte
le plus à la firme. Un constat d’échec?
Si McDo continue de progresser,
comme leurs avatars KFC ou Burger
King, je suis per-
suadé que le
combat contre
cette malbouffe
va retrouver de la
vigueur avec la
question du ré-
chauffement cli-
matique, dont les
destructions cau-
sées par l’agricul-
ture industrielle sont en partie à
l’origine. On le voit déjà dans les pays
nordiques, et malgré la signature de
nouveaux traités de libre-échange,
la nouvelle génération est en train
de se remobiliser autour des idées
que nous portions il y a vingt ans.

Que pensez-vous du combat, pour
beaucoup anachronique, que mène
un maire de l’île d’Oléron contre l’arri-
vée de McDo?
Je le trouve très sympathique,
comme lorsque l’on s’opposait à la
construction d’un McDo au bord de

la plage de Six-Fours, dans le Var. Bien
sûr, pour un projet abandonné, des
dizaines d’autres voient le jour par le
biais d’élus qui succombent à une
impression de modernité...
Comme dans les années 1970, avec
ces supermarchés qui ont depuis
désertifié nos centres-villes. Mais là
aussi, le mouvement va bientôt s’in-
verser.

Certains font aussi le rapprochement
entre la révolte de 1999 et les gilets
jaunes. Ce que vous n’assumez pas
totalement...
La désobéissance civique doit rester
une arme non-violente. Même si
l’action est illégale, il faut à la fois as-
sumer ses actes, à visage découvert
donc, et leurs conséquences
comme un procès, une amende,
voire la prison. L’autre nuance que
j’apporte au mouvement des gilets
jaunes, est qu’il donne parfois l’im-
pression de n’avoir aucun but pré-
cis ou atteignable, si ce n’est deman-
der la démission du président.

Jean-Pierre Petit, l’ancien PDG de
McDo France, estime pourtant que
votre action de Millau a permis –
idéologiquement au moins – l’atten-
tat meurtrier d’un McDo breton quel-
ques mois plus tard...
Lorsque cet attentat a eu lieu, je me
souviens très bien que j’ai imposé
une minute de silence dans le mee-
ting auquel je participais. Dire que
l’on a ouvert les vannes est un amal-
game infect, et les communicants
de McDo ont vite compris qu’il fal-
lait arrêter ce cinéma contre-pro-
ductif. Je vous rappelle d’ailleurs
qu’à mon procès, McDo n’était
même plus partie civile...

Dans sa maison de Montredon, sur le plateau du Larzac. PHOTO AFP

JOSÉ BOVÉ Pour
le syndicaliste paysan,
le coup de Millau est
à l’origine d’une prise
de conscience planétaire

« La nouvelle génération


est en train de se remobiliser »


« Je remercie
encore la juge
de m’avoir
mis en prison.
Elle m’a fait
gagner
dix ans »

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