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(Brent) #1

MONDE


Rashida Tlaib, jeudi à Wixom (Michigan).PHOTO PAUL SANCYA. AP

Israël: l’élue américaine Rashida Tlaib


ne veut pas être «réduite au silence»


Finalement
autorisée vendredi
par l’Etat hébreu
à se rendre
en Cisjordanie,
la députée
démocrate
a renoncé,
ne voulant pas
«s’incliner devant
ses politiques
racistes».

D


a n s u n p r e m i e r
temps, les autorités is-
raéliennes avaient
autorisé la visite de deux dé-
putées démocrates américai-
nes, Ilhan Omar et Rashida
Tlaib, en Israël et en Cisjorda-

plus tard, nouveau rebondis-
sement : Tlaib annonce, sur
Twitter, qu’elle refuse de se
rendre en Israël dans ces
«conditions oppressives»,ac-
cusant l’Etat hébreu de vou-
loir l’«humilier»,de la«forcer
à [s]’incliner devant ses politi-
ques racistes»,de la«réduire
au silence et de [la] traiter en
criminelle».

«Pression».Les deux dépu-
tées, premières femmes mu-
sulmanes du Congrès élues
en novembre lors des élec-
tions de mi-mandat, figures
de l’aile gauche du Parti dé-
mocrate et farouches oppo-
santes à Donald Trump, se
sont distinguées à plusieurs
reprises de l’establishment
démocrate par leurs positions
propalestiniennes.«L’autori-
sation, par Israël, de la visite
des représentantes Omar et

Tlaib serait un grand signe de
faiblesse. Elles détestent Israël
et le peuple juif, et il n’y a rien
qui puisse être dit ou fait qui
les fera changer d’avis»,avait
tweeté le président améri-
cain, peu avant l’annonce du
revirement de l’Etat hébreu
jeudi, à propos de ses deux
bêtes noires. Mi-juillet, il
avait intimé à ces citoyennes
américaines issues des mino-
rités de«rentrer dans leur
pays».Pour l’élue du Minne-
sota Ilhan Omar, pas de
doute : cet«affront»du Pre-
mier ministre israélien,
Benyamin Nétanyahou, a été
décidé«sous la pression de
Donald Trump»,affirme-t-
elle dans un communiqué.
La décision des autorités
israéliennes de barrer l’accès
à des élus du Congrès des
Etats-Unis, premier allié
d’Israël, était inédite. L’Etat

hébreu accueille régulière-
ment des délégations améri-
caines – 72 députés, dont
41 démocrates, y étaient cette
semaine –, symbole de la
proximité entre les deux
pays.«Israël est ouvert aux
visites à une exception près,
celle de gens appelant et mili-
tant pour son boycott»,avait
rétorqué Benyamin Nétanya-
hou en pleine campagne,
à un mois des élections légis-
latives. Selon le Premier
ministre israélien, leur itiné-
raire (Bethléem, Hébron,
Ramallah, ou encore l’espla-
nade des Mosquées, à Jérusa-
lem)«révélait que l’unique ob-
jectif de leur visite était de
renforcer le boycott contre [le
pays] et de contester la légiti-
mité d’Israël».Le ministère
de l’Intérieur avait justifié sa
décision sur la base d’une loi
votée l’an dernier à la Knes-

set, le Parlement du pays,
permettant d’interdire l’en-
trée sur le sol israélien aux
partisans du mouvement
BDS, que le gouvernement
assimile à une menace straté-
gique. L’ambassadeur améri-
cain en Israël, David Fried-
man, a soutenu la décision,
affirmant que le pays«avait
tous les droits de protéger ses
frontières»contre les promo-
teurs de boycotts.

«Revirement».Le veto
israélien a pourtant été très
vivement critiqué aux Etats-
Unis.«Aucune démocratie ne
devrait refuser l’entrée sur
son territoire à des visiteurs
en se basant sur le contenu de
leurs idées,écrit sur Twitter
l’ancien vice-président Joe
Biden, l’un des favoris des
primaires démocrates pour
l’élection de 2020.Et aucun
leader du monde libre ne de-
vrait encourager [un pays] à
agir ainsi.»La speaker de la
Chambre des représentants,
la démocrate Nancy Pelosi,
a qualifié dans un communi-
qué le«revirement»israélien
de«triste et profondément dé-
cevant». «Le racisme de
Trump et la dépendance de
Né t a nya h o u n o u s o n t
conduits jusqu’ici : Israël
manque de respect au
Congrès et semble avoir peur
de dialoguer avec des Améri-
cains qui sont en désaccord
avec lui»,écrit dansThe
Atlanticl’ancien ambassa-
deur américain en Israël pen-
dant les années Obama, Da-
niel Shapiro.
Plusieurs organisations juives
américaines ont également
déploré la décision israé-
lienne. Refuser l’accès au ter-
ritoire à Omar et Tlaib«ne
peut que durcir leurs posi-
tions actuelles, tout en insul-
tant le Congrès américain,
exacerbant les divisions parti-
sanes à propos d’Israël, et en
créant un dangereux précé-
dent»,a regretté le Israel
Policy Forum. Même le
lobby américain pro-israélien
Aipac, traditionnellement
aligné ave c Trump, a
condamné sur Twitter la dé-
cision de l’Etat hébreu. Rap-
pelant son opposition au
«soutien pour le mouvement
anti-israélien et anti-paix
BDS»des élues, le lobby
affirme que«tout membre du
Congrès devrait être en me-
sure de se rendre chez notre
allié démocratique Israël pour
le découvrir en personne».•

nie. Avant de changer d’avis,
jeudi, et de leur interdire l’en-
trée sur le territoire, les accu-
sant«de provocations et de
promotion du BDS»(Boycott,
désinvestissement et sanc-
tions), cette campagne inter-
nationale appelant au boy-
cott économique, culturel ou
scientifique d’Israël pour pro-
tester contre l’occupation des
Territoires palestiniens.
Vendredi, le ministre de l’In-
térieur israélien annonçait
finalement qu’il allait autori-
ser la venue de Rashida Tlaib,
d’origine palestinienne et qui
devait rendre visite à sa fa-
mille en Cisjordanie, pour
motif«humanitaire».Selon
un communiqué du minis-
tère, la députée du Michigan
a«promis de ne pas faire
avancer la cause du boycott
contre Israël durant son sé-
jour».Mais quelques heures

Par
ISABELLE HANNE,
Correspondante à New York

Echec des négociations salariales
entre les footballeuses américaines
et leur fédérationBien meilleures que
leurs homologues masculins et pourtant bien moins payées.
Voilà comment résumer caricaturalement le combat que
mènent les 28 footballeuses de l’équipe nationale américaine
contre leur fédération depuis mars.Réunies cette semaine pour
trouver un terrain d’entente, les deux parties n’ont pas réussi
à s’entendre, renforçant l’éventualité d’un procès.PHOTO AFP

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10 u Libération Samedi^17 et Dimanche^18 Août^2019

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