liber170819

(Brent) #1
Rarement un homme poli-
tique aura autant été mo-
qué sur les réseaux so-
ciaux. Le 13 août, Eric
Woerth, président de la
commission des finances
de l’Assemblée nationale,
poste une photo sur Twit-
ter. On le voit couché sur la
pente, les pointes de ses
chaussures bien enfon-
cées dans la neige, escala-
der l’aiguille d’Argentière,
sommet majeur du massif
du Mont-Blanc (3901m).
Sur la photo, la pente a l’air
raide. Si raide que des cen-
taines d’internautes accu-
sent dans la foulée l’ancien
ministreduBudgetpuisdu
Travail d’avoir trafiqué la
photo. D’autant qu’à l’arriè-
re-plan, deux personnes
semblent se tenir debout.
Parmi ceux qui se sont dé-
chaînés contre Woerth,

des responsables politi-
ques, des militants, des
journalistes. L’espace
d’une journée, tout le
monde –ou presque– s’y
est mis pour accuser Eric
Woerth d’être un «fake
alpiniste», montages hu-
moristiques à l’appui.
Pourtant, tout était vrai, ou
presque. Contacté parLi-
bération,l’Office de haute
montagne confirme que
cette photo est«tout à fait
cohérente»:«L’angle et
la lumière, tout est
cohérent avec la photo de
M. Woerth. C’est une voie
qui est encore parcourue
en ce moment, une pente
à 45° à 50°, où il vaut
mieux en effet se tenir sur
les crampons. Tout est
normal.»
Egalement contactée, la
personne qui a pris la fa-

meuse photo, Jean-Franck
Charlet, guide de haute
montagne à Chamonix,
qui accompagnait ce
jour-là Eric Woerth, ra-
conte:«On est en train de
descendre l’aiguille d’Ar-
gentière. La pente n’est
pas du tout anodine, je
suis donc en train de l’as-
surer pendant qu’il des-
cend. La photo peut pa-
raître un peu trompeuse,
mais c’est le grand-angle
qui accentue un peu la
pente.»
C’est en effet le seul petit
péché de Woerth dans
cette affaire : l’angle de
la photo, qui accentue
encore la pente, déjà
bien raide. Comme le
confirme notre correspon-
dant à Grenoble, François
Carrel, spécialiste de la
montagne et lui-même
alpiniste et photographe:
«C’est un défaut ultraclas-
sique en photo de monta-
gne : le photographe, lui-
même en pleine pente, a
tendance à se pencher du
bon côté au moment de la
prise de vue pour ne pas
risquer la glissade !»
FABIEN LEBOUCQ

La photo d’Eric


Woerth en train


d’escalader l’aiguille


d’Argentière est-elle


truquée?


nMacron à Boulouris
(Saint-Raphaël), jeudi.
CAPTURE D’ÉCRAN BFM TV
nLa photo postée par
Eric Woerth lundi.PHOTO COMPTE
TWITTER D’ÉRIC WOERTH
nAu Pôle Emploi de Clichy-sous-
Bois (Seine-Saint-Denis).
PHOTO VINCENT NGUYEN. RIVA PRESS
nA Biarritz, le 17 mai, lors
de la préparation du G7 d’août.
PHOTO IROZ GAIZKA. AFP
nLa bombe lacrymo en question,
lors de la manifestation à Nantes
du 3 août contre les violences
policières.PHOTO SERGE D’IGNAZIO

Des couilles sur une bombe lacrymo? C’est
ce qu’ont pu observer certains manifestants,
le 3 août lors d’une manifestation organisée
à Nantes contre les violences policières. Cet
autocollant, pas vraiment d’origine sur
l’équipement des forces de l’ordre chargées
du maintien de l’ordre, a été repéré par un
photographe parisien présent ce jour-là,
avant d’être partagé dans certains groupes
de gilets jaunes sur Facebook.
Que distingue-t-on sur cet autocollant? Une
citation,«Cette année aux Français offrez

des couilles»,entourant le dessin d’une paire
de testicules tricolores. D’où vient ce visuel?
A l’origine, en 2002, ilillustrait une BD anti-
féministe intituléeles Vaginocrates.Mais
ces dernières années, cette même image
–créditée sur Internet à «La P’tite Française
se rebelle», une page Facebook à caractère
xénophobe et islamophobe– est surtout uti-
lisée par l’extrême droite.
Contactée au sujet de la bombe lacrymo, la
préfecture de Loire-Atlantique nous a ren-
voyé vers le service d’information et de com-

munication de la police nationale, qui ne
nous a pas répondu.
En mai 2018,Libérations’était déjà penché
sur une polémique relativement similaire,
quand un CRS arborait, cette fois-ci sur sa
tenue, un insigne d’extrême droite. Le minis-
tère de l’Intérieur expliquait alors que le rè-
glement de la police nationale prohibait«le
port sur la tenue d’uniforme de tout élément,
signe ou insigne en rapport avec l’apparte-
nance à une organisation politique, syndi-
cale, confessionnelle ou associative».F.Lq

«Des couilles


aux Français» :


d’où vient


l’autocollant


sur la lacrymo


d’un policier


à Nantes?


Pas de G7 à cause du G20. A quelques
jours du sommet entre les sept plus gran-
des puissances mondiales à Biarritz, une
radio allemande proche de la gauche al-
ternative accuse la France de restreindre
lalibertédelapresse.Le8août,l’undeses
pigistesa été arrêté par la police près de
Dijon, puis expulsé en Allemagne. Au mi-
cro, l’intéressé, qui devait couvrir les ma-
nifestations anti-G7, raconte avoir«passé
près de vingt-quatre heures dans une

cellule car [il a] été reconnu comme étant
un militant d’extrême gauche».Contacté,
l’Intérieur confirme son expulsion –«Il fai-
sait l’objet d’une interdiction administra-
tive de territoire»– et indique être en pos-
session d’une liste de suspects fournie par
des services étrangers en vue du G7.
Dans un document du tribunal adminis-
tratif de Paris publié par le média alle-
mandTelepolis,«l’interdiction de séjour-
ner sur le territoire français jusqu’au
29 août»est justifiée par le ministère par
le fait que l’homme«est défavorablement
connu en raison de son activisme au sein
de la mouvance d’ultragauche alle-
mande».Il est«soupçonné»d’avoir parti-
cipé aux violences du G20 à Hambourg
en 2017 et avait été contrôlé en fé-
vrier 2018 à Bure, dans la Meuse, avec des
militants opposés au projet d’enfouisse-
ment de déchets nucléaires.
JACQUES PEZET

Pourquoi un


Allemand a-t-il


été expulsé en


prévision du G


en France?


Libération Samedi 17 et Dimanche 18 Août 2019 http://www.liberation.fr ffacebook.com/liberation t@libe u 19

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