liber170819

(Brent) #1

Libération Samedi 17 et Dimanche 18 Août 2019 http://www.liberation.fr ffacebook.com/liberation t@libe u XIII


SUMMER OF FREEDOM /SUMMER OF FREEDOM / ÉTÉ


VIBRO, C’EST TROP


Banalisé, décliné
pour tous les goûts...
le gode en a fait,
du chemin, depuis
l’époque victorienne.
Faut-il pour autant
qu’il compte
nos calories
et se connecte
au Bluetooth?


«F


1S est un masturbateur
pour homme. Le prin-
cipe est simple: mon-
sieur insère son pénis
en érection dans ce merveilleux tube
où des délices incomparables l’atten-
dent. Des délices que nulle main ex-
perte ne saura reproduire, à moins
d’une main à la douceur exception-
nelle, ondoyante, vibrante, connec-
tée et dotée de quelques technologies

où mamie achetait ses chemises
de nuit). Aujourd’hui, il déclenche
plutôt un relatif franc-parler, son
usage s’étant largement banalisé et
officialisé. Au point que des soirées
style Tupperware sont fréquem-
ment organisées avec des filles et
des garçons euphoriques et parfai-
tement décomplexés du cul.

Point G.Ainsi, la boutique Passage
du désir propose-t-elle des«réu-
nions Air Désir: sex-toys, jeux, linge-
ries, cosmétiques intimes, accessoi-
res coquins vous seront proposés par
l’une de nos ambassadrices Air Désir
dans une atmosphère sympathique,
confidentielle et décontractée». La
chose n’est pas nouvelle, on l’avait
déjà testéeun jour de 2002le temps
d’une rafraîchissante soirée Tup-
pergodeavec, entre autres, une
mère et sa fille épargnées manifes-
tement par la psychanalyse. Bref,
on a fait du chemin depuis l’époque
victorienne qui vit la naissance
du premier vibromasseur, la main
du docteur Joseph Mortimer Gran-
ville se fatiguant de soulager ces da-
mes, comme il est narré dans le film
Oh My God !diffusé dimanche soir
sur Arte.
Dans la vraie vie, le bon docteur
avait en effet mis au point un outil
vibrant destiné à atténuer les dou-
leurs musculaires masculines –la
jouissance féminine n’ayant lieu
d’être, en 1880, que dans les bordels
et chez les maîtresses officielles.
Ledildoa fait du chemin depuis,
se déclinant, je cite, en vibreurs
point G, clitoridiens, «rabbit», «bul-
let», contrôlés par télécommande
(très marrant ça, pour se faire un
petit bonheur au restaurant entre
amoureux par exemple), les boules
de geisha, et un mystérieux«niveau
d’entrée Pico Bong»dont je ne vais
certainement pas chercher à quoi ça
sert. Pour ces messieurs, nous avons
donc l’objet connecté susdit, F1S
parce que connecté, ça fait viril et
c’est tendance, des masseurs pros-
tatiques, des plugs anaux, des an-
neaux péniens vibrants, des déve-
loppeurs de pénis, des vibrateurs
anaux, le doigt vibrant «canaille de
lapin», les gammes s’étoffent, de
plus en plus techniques, mais on va
éviter au lecteur la lancinante liste
de tout ce qui se fait pour couple, si
tout le monde est d’accord.
Une effarante technologie connec-
tée est aujourd’hui présente dans
quasiment tous les objets, qui nous
promet de l’intelligence artificielle
dans les poupées gonflables et les
vibros: sur le modèle de l’enceinte
Google Home, les techniciens du
sex-toy nous préparent«des appa-

reils sexuels de toutes formes capa-
bles d’apprendre à cerner nos dé-
sirs et plaisirs pour nous satisfaire
parfaitement»,explique l’enthou-
siaste communiqué de la boutique
Lelo,«en se basant sur vos données
biométriques comme les battements
de votre cœur, votre respiration...
Un accessoire intelligent apprendra
à découvrir ce que vous aimez sans
que vous ayez besoin de l’exprimer».
On a hâte, oui, ça s’appelle pas un
humain, ça?

Burger bacon.Enfin notre pré-
féré, le Queen G-Spot, connecté en
Bluetooth via une application mo-
bile (très tendance, les applis) qu’on
contrôle à distance et qui chauffe
pour intensifier les sensations, mais
surtout, surtout, il compte les calo-
ries à chaque utilisation. Si tu en as
marre d’aller à la piscine, par exem-
ple, ou pour faire passer un burger
bacon... Au fond (arrête, j’essaie
d’écrire ça sans pouffer comme
une hyène), le gode suit l’époque,
s’il n’en n’est pas le reflet, tiens
(le Bourdieu du sex-toy, je suis):
hyper high-tech, ultra-connecté,
compteur de calories comme les ac-
cessoires de sport (la masturbation
est-elle un sport, vous avez deux
heures) et évidemment bio, végan,
soucieux du bien-être des animaux
(qui n’en n’ont rien à branler en l’oc-
currence), avec l’idée, chez Passage
du désir qui organise des confé-
rences sur le thème de l’éco-or-
gasme (sic), d’optimiser sa santé
sexuelle. On attend les vibros pour
animaux...
EMMANUÈLE PEYRET

Les sex-toys, les hommes les préfèrent connectés, question de virilité, semble-t-il.
PHOTO EMMANUEL PIERROT. VU


A VOIR
SUR ARTE

Passez un bel été sur Arte
avecLibération.

nCe dimanche à 20 h 55
Hysteria – Oh My God!
de Tanya Wexler.
Disponible en replay
jusqu’au 16 septembre.

de pointe...»Si on m’avait dit un
jour que le sex-toy, le gode, le vibro
et tout ce qui s’ensuit déclineraient
tant de poésie avec des ondoyances
par-ci par-là, j’aurais eu du mal
à le croire : avant, l’idée même
du gadget sexuel déclenchait plutôt
des sourires entendus, des visa-
ges gênés au magasin, un enthou-
siasme frénétique sur Internet
(même la Redoute en vend, oui, là
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