SUD OUEST bassin d\'Arcachon du Samedi 17 Août 2019

(Darren Dugan) #1

Samedi 17 août 2019SUD OUEST


Un été Sud-Ouest


Anne-Marie Siméon
[email protected]


«I


l fera beau demain... » Ce tex-
to au contenu très banal
pour le commun des mor-
tels a sans doute évité à Jérôme La-
vrilleux, le 27 mai 2014, de commettre
l’irréparable. La veille, l’ex-bras droit de
Jean-François Copé et ancien direc-
teur adjoint de la campagne de Ni-
colas Sarkozy à la présidentielle de
2012 avait décidé de briser l’omertà
sur le plateau de BFM TV. La voix
étranglée, il dévoilait les dessous de
l’affaire Bygmalion et du dérapage
des comptes de campagne qui se-
couaient l’actualité. Un suicide poli-
tique en direct qu’il préférait aux ru-
meurs et aux mensonges. Mais qui
a failli finir en vrai drame, jusqu’à ce
SMS de la journaliste Ruth Elkrief.
Cinq ans et demi après, le soleil
joue un peu à cache-cache avec les
nuages en cette journée d’août. Mais
« demain » semble arrivé. Jasper, le
petit bouledogue français rigolo, ba-
tifole. Les 14 hectares du Mas des Au-
mèdes, avec leurs trois gîtes et leur
piscine, baignent dans la lumière de
l’été. Jérôme Lavrilleux, qui aura


50 ans en septembre, a acquis cette
propriété d’Abjat-sur-Bandiat, en Pé-
rigord vert, le 30 décembre 2014.
Lui qui, ado, se passionnait pour
la politique et l’hôtellerie, a pris de la
distance vis-à-vis de la première pour
se lancer dans la seconde. « Ce n’est
pas une psychothérapie », précise-t-
il d’emblée. Avant même le scandale,
il pensait déjà ouvrir des gîtes haut
de gamme. « Cela a juste précipité
les choses », lâche-t-il presque sereine-
ment. Mais ne les a pas facilitées...
Aucune des 31 banques consultées,
y compris de Dordogne, n’a accepté
de lui accorder de prêt. Il venait
pourtant d’être élu député euro-
péen comme tête de liste dans sa ré-
gion du nord-ouest de la France.
Mais il ignorait qu’en étant exclu de
l’UMP pour « atteinte à l’honneur du
parti », il se retrouverait sur bien des
listes noires...

Ambassadeur du Périgord vert
« Ce sont mes parents et un em-
prunt auprès d’un privé, contracté à
un taux bien plus élevé que la
moyenne » qui lui ont permis de se
lancer dans sa nouvelle vie. Ce natif de
Saint-Quentin, dans l’Aisne, n’a pas
choisi le Périgord par hasard. Cette
région lui a toujours plu. Il a préféré
jeter son dévolu sur le nord du dé-
partement plutôt que sur le sud,
pourtant plus touristique, avec ses
châteaux, ses grottes... Justement, il
a opté pour le calme, « l’authentici-
té » et pour la localisation, en plein
cœur d’un parc naturel régional, et
aussi « à 45 minutes de Périgueux et
de la gare TGV d’Angoulême ». Prati-
que pour rejoindre Paris, Saint-Quen-
tin, ou Bruxelles. Sans oublier les prix

attractifs de l’immobilier. Bref, le Pé-
rigord vert s’est trouvé un nouvel
ambassadeur, prêt à louer les atouts
de ce territoire « désenclavé » où il a
reçu un accueil « très sympa ».
Depuis cinq ans, lui et son père en-
chaînent les travaux pour tout amé-
nager eux-mêmes, « c’est beaucoup
moins cher ». Jérôme Lavrilleux
compte. Il y est obligé, « mes indem-
nités d’eurodéputé ont servi à payer
mon avocat... » Les enseignes de bri-
colage de la périphérie périgourdine
et du Nontronnais n’ont plus de se-
crets pour lui. Certains artisans lo-
caux connaissent
bien le chemin
du Mas des Aumè-
des. Dans le jardin,
les planches ran-
gées sur neuf pa-
lettes, livrées par
la scierie de Saint-
Pardoux-la-Ri-
vière, finissent de
sécher. Bien d’autres, avant elles, ont
servi à construire des terrasses et à
habiller les murs intérieurs des gîtes
aux noms évoquant la grande ré-
gion : île de Ré, Cap-Ferret et Périgord.

Retour à l’essentiel
Si le troisième est occupé actuelle-
ment par ses parents, les deux au-
tres sont loués depuis leur ouver-
ture, « le 6 juillet », à l’issue de son
mandat d’eurodéputé, « je ne vou-
lais pas tout mélanger ». Les réserva-
tions pour septembre sont bien par-
ties, confie celui qui se donne un an
avant de tirer le moindre bilan. En
location sur les plateformes Internet,
ces gîtes séduisent, notamment les
Anglais. Lui qui siégeait à Bruxelles à

la commission chargée du Brexit, a
ainsi de quoi discuter.
À chaque changement de loca-
taire, Jérôme Lavrilleux se trans-
forme en fée du logis, passant l’aspi-
rateur, briquant les sanitaires, etc. Il le
vit comme un retour à l’essentiel. Le
reste du temps, il rénove les parties
communes : « Les trois gîtes sont
loués pour Noël par une seule fa-
mille. Il faut bien qu’ils aient des piè-
ces à vivre pour être ensemble ».
L’une d’elle accueille déjà un spa et
un sauna. D’autres projets mûris-
sent. Jérôme Lavrilleux a ainsi acheté
une seconde propriété à Piégut-Plu-
viers (24) pour ouvrir une nouvelle
adresse. Encore des travaux en pers-
pective.
S’il a pris ses distances avec la poli-
tique, celui qui soutient Macron « de-
puis le début » n’exclut rien : « Pas en
Périgord. Mais dans ma ville natale,
à Saint-Quentin. Je pense que je ne
serai pas absent du débat munici-
pal », conclut-il. Il attend surtout son
procès en correctionnelle avec 13 au-
tres prévenus dont Nicolas Sarkozy,
pour répondre de complicité dans
le dossier du « financement illégal
de campagne électorale ». « Sans
crainte », histoire de tourner la page
de son ancienne vie...

La lumière arrive


dans les alpages


Dans les hauteurs de Laruns (64), à
1 800 mètres d’altitude, vit chaque été,
depuis dix ans, la famille Géraut, compo-
sée des bergers Anne-Laure et Pierre, et
de leurs trois enfants, Yan, Lucie et
Arnaud. Sans oublier les 480 brebis et
les deux chiens. Mardi dernier, leur tran-
quillité estivale a été troublée par l’arri-
vée d’une trentaine de marcheurs. La rai-
son de cet attroupement : la présenta-
tion, aux financeurs et partenaires, d’un
important dispositif photovoltaïque,
accompagné d’un groupe électrogène,
situé à quelques mètres de la cabane,
qui alimente cette dernière en électricité
depuis le 18 juin. Un prototype révolu-
tionnaire, qui porte le nom de son inven-
teur, Paganelle, qui voulait rendre la vie
des bergers en estive plus agréable. É. C.


Jérôme Lavrilleux se consacre
à plein temps à ses gîtes.
PHOTO STÉPHANE KLEIN/« SUD OUEST »

DORDOGNE Après avoir révélé les dessous du scandale, Jérôme Lavrilleux s’est


reconverti en Périgord vert où il loue des gîtes haut de gamme. Rencontre


Après Bygmalion, la


nouvelle vie du repenti


VOUS AVIEZ RATÉ ÇA


La maison Laclède,


décor de cinéma
Le cinéaste Quentin Dupieux avait flashé
sur cette maison du XVIIe siècle, en février
2018, en découvrant les nombreuses
photos de son repéreur. Il décida d’y ins-
taller son équipe pendant un mois et
demi, du 4 mars au 14 avril 2018, et d’y
tourner les scènes d’intérieur de son film
« Le Daim ». C’est donc dans la maison
Laclède du centre de Bedous (64), vieille
de quatre siècles, que Jean Dujardin a
campé son personnage foutraque de
solitaire fétichiste, épris d’un blouson en
daim. On le voit vaquer dans une cham-
bre d’hôtel au décor minimaliste, regar-
der par la fenêtre qui donne sur le jardin,
parler avec le gardien au rez-de-chaus-
sée, s’engueuler avec une voisine de
palier et même allonger un cadavre sur
un lit. PHOTO PATRICE MARTINS DE BARROS

sud ouest.fr
Vidéo : de Bygmalion au Périgord
vert, Jérôme Lavrilleux se confie
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Entre chaque
locataire,
Jérôme
Lavrilleux
se transforme
en fée du logis

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