Les Echos - 19.08.2019

(avery) #1
on me traitait de doux dingue » , se
remémore Romain Goyet, fonda-
teur de NumWorks qui emploie
une douzaine de salariés et assure
être rentable. Mais après avoir levé
1 million d’euros, auprès notam-
ment de Kima Ventures, sa calcula-
trice voit le jour à la rentrée 2017 à
des prix semblables (79,99 euros)
à ceux de ses rivaux. Pour se diffé-
rencier, la jeune pousse met en
avant le design, évoquant une
manette de jeu vidéo et l’interface
plus modernes, ainsi qu’une plus
grande simplicité à l’utilisation.
NumWorks se distingue a ussi de
Casio et Texas Instruments, qui ont
une politique de gamme, en ayant
lancé un seul produit avec les
lycéens pour cible. « On aurait pu
commercialiser une calculatrice
scientifique pour le collège. Mais il y
a beaucoup de concurrents car la

barrière à l’entrée est moins haute :
ce sont des appareils plus simples
à élaborer qui se vendent une ving-
taine d’euros » , explique Romain
Goyet. Sans compter que les calcu-
latrices graphiques sont le seg-
ment le plus important en valeur
de l’ensemble du secteur. « En 2018,
elles ont généré plus de 36 millions
d’euros, soit 53 % du marché global
en comptant aussi les calculatrices
de bureau » , fait valoir Aurélie
Gouttebarge.

Un fonctionnement ouvert
Car NumWorks, qui ne communi-
que pas sur ses ventes, a une autre
spécificité : la start-up ne propose
pas sa calculatrice dans la grande
distribution, le principal canal de
ventes de ce type de produits. La
jeune pousse vend essentiellement
son produit via son site. « C’est un

choix. On préfère garder un lien
direct avec nos clients pour le SAV
mais aussi pour avoir leurs retours et
améliorer encore notre produit si
besoin. » Une logique qui a amené
la société à fonctionner en open
source. Traduction, chaque utilisa-
teur peut rajouter une fonctionna-
lité à sa calculatrice en écrivant une
ligne de code informatique et la
partager avec la communauté d’uti-
lisateurs de NumWorks... qui les
intègre parfois dans ses modèles.
A l’instar de Casio et Texas Ins-
truments, NumWorks échange
aussi régulièrement avec les per-
sonnes du corps enseignant pour
le développement de son produit
et en faire ainsi des prescripteurs
auprès de leurs élèves. Le bon cock-
tail, sans doute, quand on est un
nouvel acteur sur le marché anté-
diluvien des calculatrices. — N. R.

NumWorks, l’outsider français


La start-up tricolore NumWorks
a créé l’événement il y a deux ans,
en débarquant sur le marché fran-
çais de la calculatrice graphique.
« Cela est forcément venu bousculer
les acteurs en place. C’est un des
rares secteurs où il n ’y avait pas e u de
nouvel entrant depuis des années » ,
souligne Aurélie Gouttebarge,
consultante sur le matériel de
bureautique chez GfK.
Depuis trente ans, ce marché est
dominé par les inamovibles Casio
et Texas Instruments. « Quand je
parlais de mon projet autour de moi,

Cette start-up tricolore
a débarqué en 2017 avec
un modèle graphique pour
les lycéens. Elle se distingue
en ne proposant qu’un seul
et unique produit et en
intégrant de l’open source.

à suivre


Etats-Unis : 90 jours de sursis
pour Huawei

TÉLÉCOMS Les autorités américaines devraient étendre la licence
provisoire permettant au fabricant chinois de smartphone d’ache-
ter des équipements auprès d’entreprises américaines. Avec un
volume d’achat de 11 milliards de dollars en 2018 auprès d’entrepri-
ses américaines comme Qualcomm et Intel (sur les 70 milliards
dépensés pour acheter des composants), Huawei pèse dans l’écono-
mie locale. Cette décision peut aussi apparaître comme une légère
détente e ntre les Etats-Unis et la Chine engagés dans u n large affron-
tement commercial. Donald Trump e t Xi Jinping devaient d’ailleurs
se parler ce week-end rapporte une source à Reuters.

Google mène des tests payants
avec les youtubeurs

VIDÉO G oo gle cherche à ancrer l ’idée de contenus p ayants sur You-
Tube. Il mène actuellement un test avec certains des youtubeurs les
plus suivis pour leur permettre de monétiser des événements, rap-
porte « Variety ». Par exemple, Jessi Vee a vendu des places au sein
d’un tchat privé pour rencontrer s es fans. Hannah Forcier a proposé
à ses followers de prendre trois photos virtuelles avec elle contre
40 dollars. Cette i nitiative baptisée « Fundo » s’inscrit dans Area 120,
l’incubateur de Google chargé de mener des tests avec ses produits
expérimentaux. Fundo est un nouvel exemple des développements
de YouTube qui veut favoriser l’achat à l’intérieur de sa plate-forme.

Casio et Texas Instruments règnent sur


l’éternel marché des calculatrices scolaires


l Les ventes de calculatrices scientifiques et graphiques sont stables en France, à plus de 1,6 million d’unités en 2018.


lLe fabricant japonais et le fabricant américain dominent le marché depuis des années.


Ce qui nous a amenés à sortir un nou-
veau modèle permettant de s’exercer
à programmer avec ce langage infor-
matique » , détaille Agathe Duca,
responsable du marketing des
calculatrices de Casio France, qui a
commercialisé une version actuali-
sée de son modèle le plus vendu au
lycée : la Graph 35+E II. Même topo
du côté de Texas Instruments avec
sa calculatrice TI-83 Premium CE.
Distancé par Casio, le groupe
américain tente de se différencier
avec de nouvelles solutions éducati-
ves. En 2018, Texas Instruments a
lancé TI-Innovator Rover, un robot
programmable par l’intermédiaire
de ses calculatrices graphiques.
« Contrairement aux idées reçues,
c’est un marché qui nécessite de conti-
nuer à innover fréquemment » ,
assure Alexandre Titin-Snaider,
directeur de Texas I nstruments Edu-
cation Technology pour l’Europe.

« On fait quasiment
du sur-mesure »
« Nous échangeons beaucoup avec
l’Education nationale, leurs inspec-
teurs, les établissements scolaires,
pour intégrer leurs besoins et mettre
nos produits à jour , note Agathe
Duca. Comme les programmes dif-
fèrent d’un pays à un autre, on fait
quasiment du sur-mesure. Une calcu-
latrice Casio en France n’est dispo-
nible nulle part a illeurs dans le monde
à l’identique. » D’ailleurs, les deux
groupes mettent énormément
l’accent sur les formations (gratui-
tes) aux enseignants, le principal
vecteur de ventes, car ceux-là font
ensuite office de prescripteurs
auprès de leurs élèves. « Depuis mai,
on a dispensé des formations sur le
langage Python à plus de 1.000 profes-
seurs, à l’aide de notre calculatrice
TI-83 Premium CE » , détaille
Alexandre Titin-Snaider.
Reste que Casio et Texas Instru-
ments partagent une particularité :
ce ne sont p as les calculatrices qui les
font vivre. Le premier génère l’essen-
tiel de ses revenus via ses montres, le
second avec ses activités dans les
semi-conducteurs. La calculatrice
ne représente l’avenir ni de l’un ni de
l’autre, mais ce produit n’est pas
encore à classer dans la catégorie
« vintage » et représente une jolie
rente de situation pour eux.n

Nicolas Richaud
@ NicoRichaud

Les années passent, les calculatrices
restent. A quelques jours de la ren-
trée, une kyrielle de collégiens, de
lycéens et d’étudiants vont s’équiper
de ces appareils électroniques appa-
rus au siècle dernier à la fin des
années 1950, bien avant le Walkman
ou le Minitel. Pourtant, les ventes
globales des calculatrices scolaires
(les modèles scientifiques et graphi-
ques) demeurent stables en France,
à plus de 1,6 million d’unités en 2018,
pour plus de 55 millions d’euros de
chiffre d’affaires, selon l’institut GfK.
Un marché qui doit notamment son
salut au fait que les smartphones ne
sont p as autorisés pour les examens,
les appareils intégrant des moyens
de communication étant proscrits.
Ce qui rend les calculatrices encore
et toujours incontournables dans
les établissements scolaires.
« Globalement, c’est un marché
dont les tendances dépendent beau-
coup de la réglementation » , note
Aurélie Gouttebarge, consultante
sur le matériel de bureautique chez
GfK. « En 2015, l’Education natio-
nale a rendu obligatoire le “mode
examen” empêchant les élèves
d’avoir accès à la mémoire de leur
calculatrice et les fabricants ont
dû lancer de nouveaux modèles.
Ce qui a fait augmenter les ventes
de 10 % cette année-là car frères et
sœurs ne pouvaient plus s e transmet-
tre leur ancien appareil et on ne trou-
vait pas ces nouveaux modèles sur le
marché de l’occasion non plus. »

De plus en plus
d’algorithmique
L’année 2019 devrait être un bon cru
pour les deux fabricants qui se sont
arrogé le marché tricolore et qui se
sont aussi imposés sur la scène
mondiale : le japonais Casio et
l’américain Texas Instruments. La
raison? La réforme du lycée qui les
a amenés à lancer de nouvelles cal-
culatrices, afin d’être en phase avec
les programmes scolaires intégrant
de plus en plus d’algorithmique.
« De nouvelles classes et filières
vont apprendre à coder avec Python.

ÉLECTRONIQUE


Les smartphones n’étant pas autorisés pour les examens, les calculatrices restent incontournables dans les établissements scolaires.

Ni

co

las

Tavernier/RÉA

Florian Dèbes
@ FL_Debes

Accusé par les uns de censurer
Internet, appelé par les autres à
prendre la responsabilité de ne pas
travailler pour des sites Web diffu-
sant des propos haineux, le service
Cloudflare d’optimisation et de
cybersécurité de l’affichage de
contenus en ligne compte bientôt
s’introduire en Bourse à New York.
Dans le prospectus adressé jeudi
15 août à l’autorité américaine des
marchés financiers et aux investis-
seurs, la start-up basée à San Fran-

INTERNET


Le spécialiste de la
protection contre les
attaques informatiques
par déni de services
pourrait valoir plus de
3 milliards de dollars.

Dans la controverse, Cloudflare prépare


son introduction en Bourse


cisco ne précise pas encore la valeur
de ses futures actions. Mais la presse
américaine estime que ses der-
nières levées de capital auprès de
fonds d’investissement valorisaient
l’entreprise plus de 3 milliards de
dollars, dix ans après sa création.
Sur le front des recettes, tout va
bien. Sur les six premiers mois de
2019, Cloudflare a généré 129 mil-
lions de dollars de chiffre d’affaires,
ce qui lui laisse de bons espoirs de
faire mieux sur douze mois que les
192 millions de dollars enregistrés
en 2018. En revanche, l’entreprise
est en perte de 84 millions de dollars
sur la même année. Néanmoins, ses
importantes dépenses opération-
nelles lui ont permis de se faire une
place de choix face à des concur-
rents bien plus gros comme Cisco et
F5 Networks (sur le marché de la
sécurité) ou Akamai (sur le marché
de l’économie de bande passante).
Mais le travail des 865 employés
de l’entreprise, auprès de plus de
19 millions de clients, s’est jusqu’ici

largement fait éclipser par le lot de
polémiques qui a accompagné la
croissance de la société. Ses offres
gratuites de protection contre les
attaques par dénis de service ( DDoS)
ont été souscrites par des adminis-
trateurs de sites terroristes vantant
l’organisation Etat islamique et Al
Qaida. Entre autres... Aujourd’hui,
Cloudflare prévient ses futurs
actionnaires du risque qui pèse sur
la réputation de la société.

Longtemps défenseur d ’un
Internet totalement libre, le PDG,
Matthew Prince, s’est résigné en
2017 à cesser de travailler p our le site
antisémite Daily Stormer, ouvrant la
voie à des cyberattaques qui n’ont

néanmoins pas fait disparaître le site
de la Toile. Il y a quelques jours, Clou-
dflare a de nouveau u sé d’un pouvoir
dont il ne veut pas contre 8chan, au
lendemain de la tuerie d’El Paso
(Texas), qui semble inspirée par des
échanges sur ce forum.
« Nous ne prenons pas cette déci-
sion à la légère » , expliquait Matthew
Prince dans un texte publié sur le
blog de Cloudflare. Entre deux feux,
l’entreprise doit concilier les pres-
sions politiques et les critiques de
ses clients qui attendent d’elle qu’elle
s’érige en défenseur de la liberté
d’expression. Mais pour l’homme
d’affaires qui a suivi des conférences
tenues par un professeur de droit
nommé Barack Obama, ce n’est pas
à Cloudflare de décider quel con-
tenu en ligne est légitime ou non.
Lorsque l’éditeur du site est connu, il
lui renvoie la balle. Mais quand le
site est autogéré (comme 8chan) ou
hors-la-loi, il n’entend pas se substi-
tuer aux juges. Il insiste : « Cloud-
flare n’est pas un gouvernement. » n

Aujourd’hui, Cloud-
flare prévient ses
futurs actionnaires
du risque qui pèse
sur sa réputation.

HIGH-TECH & MEDIAS


Les Echos Lundi 19 août 2019

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