Les Echos - 19.08.2019

(avery) #1
La crise hongkongaise coûte sa
tête au patron de Cathay Pacific.
Alors que Pékin fait pression
depuis plusieurs jours sur la com-
pagnie aérienne, lui reprochant
des soutiens affichés aux manifes-
tants pro-démocratie, son direc-
teur général a annoncé vendredi
sa démission.
Dans un communiqué, Rupert
Hogg dit assumer « la responsabi-
lité, en tant que dirigeant de la com-
pagnie, des récents événements » , et

choisit de quitter la tête de cette
société emblématique de
l’ancienne colonie britannique. Il
sera remplacé par Augustus Tang,
une figure du groupe Swire, con-
glomérat basé à Hong Kong et
principal actionnaire de Cathay.
D’autres changements inter-
viennent dans l’organigramme de
la société puisque Paul Loo, direc-
teur de la clientèle et des affaires
commerciales, démissionne lui
aussi, évoquant les tensions récen-
tes avec Pékin.

Liste noire des entreprises
Pékin reproche à la compagnie la
participation de certains de ses
employés aux manifestations pro-
démocratie qui secouent Hong
Kong depuis deux mois. Depuis le
début du mois d’août, Cathay a

annulé plus de 100 vols, en raison
notamment de l’appel à la grève du
syndicat des personnels de bord
suivi par certains employés de
l’entreprise.
Dimanche dernier, la compa-
gnie avait été placée par les médias
d’Etat sur la liste noire des entre-
prises à boycotter parce que favo-
rable à la contestation. Sur Weibo,
un site de microblogging, une
campagne #BoycottCathayPacific
a généré p lus d e 17 millions de vues
et 8.000 commentaires.
Depuis une semaine, les autori-
tés chinoises ont largement durci
le ton contre le groupe aérien aux
27.000 employés. Lundi, la direc-
tion générale de l’aviation civile
chinoise a interdit à ses avions de
relier la Chine continentale ou de
survoler son espace aérien si l’un

de ses collaborateurs identifié
comme pro-mouvement partici-
pait au vol.

Les actions de la
compagnie au plus bas
Le durcissement de la crise hon-
gkongaise a entraîné la chute de
Cathay Pacific en Bourse. Lundi,
les actions de la compagnie tom-
baient à leur plus bas niveau
depuis juin 2009, chutant de plus
de 20 % sur un mois.
Pour calmer les ardeurs de
Pékin ainsi que celle des marchés,
Cathay a averti lundi ses salariés
qu’ils pourraient être licenciés en
cas de soutien ou participation aux
manifestations illégales. Quatre
membres de son personnel dont
deux pilotes ont ainsi été limogés.
— AFP

Démission du directeur général


de Cathay Pacific sur fond de crise avec la Chine


L’emblématique compagnie
aérienne de Hong Kong
est dans le collimateur
des autorités chinoises
depuis que ses employés
ont répondu à l’appel
à la grève des manifestants
pro-démocratie.

Les nations du Pacifique espéraient
conclure leur forum, qui s’est
déroulé sur l’archipel de Tuvalu,
avec une déclaration forte enjoi-
gnant le reste de la planète à agir
résolument contre le changement
climatique, alors qu’a lieu dans un
mois l’assemblée générale des
Nations unies. Las, leur communi-
qué final a été largement édulcoré
par l e travail de sape mené par le très
climatosceptique gouvernement
australien. « Nous pouvons dire que
nous aurions dû en faire plus pour
nos populations » , a regretté Enele
Sopoaga, Premier ministre de
Tuvalu et hôte de ce forum. La décla-
ration et le communiqué final, rédi-

gés par les 18 pays membres, se con-
tentent en effet de rappeler des
réalités déjà connues, comme le fait
que le réchauffement climatique est
la plus grave menace pesant sur
cette partie du monde. S’ils appellent
à agir, aucune action, ni aucun enga-
gement ferme n’y est mentionné. En
particulier, rien n’est dit sur l’aban-
don du charbon comme source
d’énergie.
Ce n’est pas faute d’avoir essayé


  • les tractations ont duré douze heu-
    res – mais l’Australie, de très loin le
    plus peuplé et le plus riche membre
    de ce forum, n’a rien lâché. A part la
    promesse de verser 300 millions
    d’euros sur cinq ans à partir de 2020


pour aider les îles du Pacifique à
investir dans les énergies renouvela-
bles. Un geste insignifiant pour
Enele Sopoaga, qui a pointé l’immo-
bilisme de Scott Morrison, le Pre-
mier ministre australien. « Nous
avons eu des échanges très forts entre
Scott et moi. Je l ui ai dit, vous vous pré-
occupez de sauver votre économie en
Australie [...] Je me préoccupe de sau-
ver la population de Tuvalu. »

Souffler sur les braises
Le micro-Etat, constitué de neuf
archipels coralliens, pourrait deve-
nir totalement inhabitable dès 2 030,
si rien n’est fait pour endiguer le
changement climatique. Tuvalu et

les autres petits Etats du Pacifique
ont été soutenus par la Nouvelle-
Zélande, dont la Première ministre
travailliste, Jacinda Ardern, s’est
engagée à réduire à zéro ses émis-
sions de dioxyde de carbone d’ici à


  1. « L’Australie doit répondre au
    Pacifique »,
    a-t-elle déclaré durant le
    forum, tout en se gardant de men-
    tionner une sortie du charbon.
    Pouvait-il en être autrement avec
    Scott Morrison qui, il y a deux ans à
    peine, s’était adressé au Parlement à
    Canberra, un morceau de charbon à
    la main, appelant ses collègues à « ne
    pas en avoir peur »
    ? Et alors que son
    propre chef de cabinet, John Kunkel,
    fut de 2010 à 2016 le président adjoint


du tout-puissant Minerals Council
of Australia, avant de devenir
conseiller en chef des relations avec
le gouvernement pour le groupe Rio
Tinto?
Certains comptaient sur l’inquié-
tude de Canberra vis-à-vis de
l’influence grandissante de la Chine
dans l e Pacifique. En adepte du char-
bon, Scott Morrison a visiblement
choisi de souffler sur les braises.
Quitte à déclencher l’un de ces feux
de brousse dont est coutumière
l’Australie. L’étincelle est venue du
dirigeant de Samoa, Tuilaepa Malie-
gaoi, qui a déclaré à propos de la
Chine que « les ennemis de l’Australie
ne sont pas nos ennemis » .n

Grégory Plesse
—Correspondant à Sydney


OCÉANIE


L’Au stralie s’est oppo-
sée à tout engagement
ferme pour lutter
contre le changement
climatique.


Le pays s’est brouillé
avec les dix-sept
autres nations
membres du Forum
des îles du Pacifique.


Climat : l’Australie déçoit les nations du Pacifique


risques économiques pour la place
financière. Et aussi de tourner la
page des scènes de violence surve-
nues mardi lors de l’occupation de
l’aéroport et de l’agression de deux
hommes accusés d’être des espions
de Pékin.
Dimanche dans le cortège, un
homme cité par Reuters a
demandé à un groupe de manifes-
tants huant les forces de police de
cesser : « C’est une manifestation
pacifique! Ne tombez pas dans le
piège, le monde entier nous regarde. »
Lancé à l’origine contre un projet
de loi – aujourd’hui suspendu – qui
aurait autorisé l’extradition de sus-
pects vers la Chine, le mouvement
s’est é largi à une défense des libertés
garanties dans le cadre du principe
« un pays, deux systèmes » qui a
présidé à la rétrocession de l’ex-co-
lonie britannique, en 1997. La con-
testation exige désormais un vérita-
ble suffrage universel ainsi que la
démission de la dirigeante de l’exé-
cutif local, Carrie Lam, et une
enquête sur les violences policières.
La région semi-autonome tra-
verse depuis le 9 juin sa crise la plus
grave depuis sa rétrocession à la
Chine avec des manifestations et
des actions quasi quotidiennes. Ce
mouvement est aussi un défi lancé
au président Xi Jinping, alors que le
Parti communiste chinois se pré-
pare à célébrer le 1er octobre pro-
chain le 70e anniversaire de la fon-
dation de la République populaire.

Pression
sur les entreprises
Pour le moment, Pékin a choisi de
répondre par l’intimidation en
mobilisant des paramilitaires de la
Police armée du peuple à Shen-
zhen, à la lisière de Hong Kong et en
faisant pression sur les entreprises
qui emploient des manifestants,
comme en témoigne le change-
ment de direction à Cathay Paci-
fic. L’exécutif hongkongais pro-Pé-
kin a mobilisé ses soutiens samedi
lors d’un appel à soutenir la police
du territoire qui a rassemblé
475.000 personnes selon les orga-
nisateurs, un peu plus de 100.00 0
selon la police. Bloc contre bloc.
— R. B. et E. F.
avec Reuters et AFP

(


Lire nos informations
Page 22

lDes centaines de milliers


de personnes se sont rassemblées


dimanche dans le Parc Victori.


lLes organisateurs ont réussi à prou-


ver que le mouvement pro-démocra-


tie reste soutenu par la population.


A Hong Kong, une marée humaine

défie Pékin dans le calme

Des centaines de milliers de personnes ont manifesté sous la pluie et dans le calme dimanche à Hong Kong. Photo Isaac Lawrence/AFP

Ils voulaient faire masse et contre-
carrer la propagande de Pékin qui
les qualifie de « quasi-terroristes » ;
ils ont réussi leur pari. Des centai-
nes de milliers de manifestants, la
plupart vêtus de noir, ont défilé sous
la pluie et dans le calme dimanche
dans Hong Kong, à l’appel du Front
civil des droits de l’homme. Le parc
Victoria, d’où est partie la manifes-
tation, a été rapidement saturé, et
une vaste foule a pris la direction du
centre financier de la ville, vers
l’ouest. A la nuit tombée, les forces
de police qui étaient restées discrè-
tes tout au long du parcours se sont
déployées à Central, le quartier des
affaires, contrôlant des identités
mais sans incident notable. Une
forte présence policière entourait
aussi le commissariat de police du
Western District.


« Le monde entier
nous regarde »

Cette journée avait valeur de test
pour les manifestants pro-démo-
cratie. Le Front civil des droits de
l’homme, à l’origine des premières
manifestations géantes de juin et
juillet, avait souhaité un rassemble-
ment « rationnel et non-violent ».
« Nous voulons montrer au monde
entier que l es Hongkongais s ont paci-
fistes,
a déclaré Bonnie Leung, une
porte-parole du FCDH, citée par
l’AFP. Si la tactique de Pékin et Hong
Kong est de laisser notre mouvement
mourir à petit feu, ils ont tort. Nous
ne lâcherons rien. »

Il s’agissait de prouver que le
mouvement jouit toujours d’un fort
soutien de la population malgré les


ASIE


« Si la tactique
de Pékin et Hong
Kong est de laisser
notre mouvement
mourir à petit feu,
ils ont tort.
Nous ne lâcherons
rien. »
BONNIE LEUNG
Une porte-parole du Front civil
des droits de l’homme

MONDE


Lundi 19 août 2019 Les Echos

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