Les Echos - 19.08.2019

(avery) #1

Intelligence artificielle :


pourquoi l’Europe a sa carte à jouer


Hamilton/RÉA

L


orsque la Chine a annoncé
vouloir investir 150 mil-
liards de dollars dans l ’intel-
ligence artificielle (IA) d’ici à 2030,
les Etats-Unis ont r épondu un an et
demi après qu’ils feraient du déve-
loppement de l’IA une priorité
nationale – et qu’ils financeraient
cette ambition en conséquence.
Avec seulement 20 milliards
d’euros d’investissements prévus à
l’horizon 2020, l’Europe fait pâle
figure. Les rapports sont d’ailleurs
comparables en ce qui concerne
les investissements privés. Et on
peut également ajouter un autre
avantage, non négligeable, dont
bénéficient les deux champions
actuels : celui d’avoir de moindres
contraintes sur la collecte et l’utili-
sation des données. Or, on le sait,
leur volume est l’un des principaux
garants de la qualité de l’apprentis-
sage des machines intelligentes...
Si on fait l’effort de dépasser
cette simple comparaison et
bataille de chiffres, il est possible
de cerner la particularité de
« l’approche européenne ». Cette

approche plus centrée sur l’éthi-
que constitue un avantage compé-
titif pour les entreprises qui se
développent dans ce contexte.
Avec les réflexions e t débats menés
tant au sein de l’Union européenne
qu’au niveau des Etats membres,
l’Europe est en train de se forger sa
vision de l’IA. Celle d’une IA res-
ponsable, qui allie respect et pro-
tection de ses utilisateurs tout en
s’interrogeant sur son impact sur
la société et sur le monde. Une
réflexion éthique bienvenue à
l’heure où les consommateurs
attendent des entreprises transpa-
rence et engagements sur leur
impact social et sociétal.
Car aujourd’hui lorsque l’on
parle d’intelligence artificielle, on
s’inquiète du niveau de transpa-
rence et d ’é quité des a lgorithmes e t
du devenir des emplois. Car qui
peut aujourd’hui nier l’impact bien
réel de certaines dérives? Com-
ment, ensuite, avoir encore con-
fiance en ces entreprises? Si l’IA
responsable est un impératif, elle
est aujourd’hui aussi... un facteur

la voie de l’é thique choisie par
l’Europe n’est pas une impasse.
Cette convergence laisse d’ailleurs
entrevoir une compétition mon-
diale où le respect des règles éthi-
ques aura autant de poids que la
technologie. En avance sur
d’autres régions du monde à ce
niveau, l’Europe bénéficie d’un
atout concurrentiel indéniable.
Ajoutez à cela la faculté – reconnue
à travers le monde – qu’a l’Europe à
former des talents dans le domaine
de l’IA ou encore l’importance de
son marché et l es capacités
(humaines et financières) de nom-
breuses entreprises européennes à
lancer des projets à l’échelle mon-
diale, et vous avez désormais une
vision plus juste de l’état de l’IA à
tr avers le monde. Et de la place que
jouent et peuvent jouer l’Europe et
la France.
Alors certes, des investisse-
ments plus importants dans la
recherche appliquée, dans l’amé-
lioration des infrastructures ou
des capacités industrielles p ermet-
traient à l’Europe de gagner en

LE POINT
DE VUE

de Olivier Girard
et Jean-Laurent Poitou

compétitivité plus rapidement. Et
afin que cette rupture technologi-
que ne se fasse pas au détriment de
l’emploi, les entreprises doivent
impérativement investir davan-
tage dans l a formation e t la montée
en compétences de leurs collabo-
rateurs. Ce volet ne doit pas être
négligé et Etats et entreprises doi-
vent y travailler de concert. Bien
loin d’être le frein à l’innovation
dont beaucoup l’accusent, la
réflexion éthique qui a abouti au
principe de responsabilité permet
surtout de proposer une autre voie,
d’ouvrir de nouvelles perspectives.
Et parions qu’à l’avenir cela pour-
rait bien devenir un prérequis. En
Europe et en France bien sûr. Mais
aussi, espérons-le, ailleurs dans le
monde.

Olivier Girard est président
d’Accenture en France
et au Benelux.
Jean-Laurent Poitou
est directeur d’Accenture Applied
Intelligence pour l’Europe.

différenciant d’un point d e vue é co-
nomique. Qui peut faire bouger les
lignes. On l’a vu avec le règlement
général sur la protection des don-
nées personnelles (RGPD) : pour
pouvoir continuer à exercer sur le
marché européen, toutes les entre-
prises ont dû s’adapter.

Cette réglementation a donné
des idées aux Etats-Unis, qui tra-
vaillent désormais sur leur propre
politique en la matière, au Japon,
qui a mis à jour sa législation afin
d’offrir des garanties similaires, ou
encore à l’OCDE, qui a récemment
adopté dix recommandations per-
mettant d’appuyer « une IA centrée
sur l’humain et digne de confiance
qui sera la clef de sa diffusion et de
son adoption ». Cela confirme de
fait ce que nous pressentions déjà :

Le respect des règles
éthiques aura autant
de poids que
la technologie.

DANS LA PRESSE
ÉTRANGÈRE


  • Promesse de campagne en 2015, la consommation
    de cannabis à usage récréatif a été légalisée sur le terri-
    toire canadien il y a plus de six mois. Une légalisation qui
    avait deux objectifs principaux, fermer les canaux
    d’approvisionnement illégaux, et réduire l’accès du mar-
    ché aux mineurs. Selon une étude de Statistics Canada,
    publiée dans le quotidien québécois « La Presse », au
    second trimestre de 2019, les objectifs du gouvernement


sont loin d’être atteints. En effet, sur la période d’avril à
juin, 4,9 millions des plus de 15 ans ont consommé de la
marijuana. Parmi eux, 42 % se sont fournis auprès de
vendeurs illégaux. Plus tôt dans le mois, l’organisme
national de statistique estimait que « la proportion de
répondants qui ont déclaré avoir acheté du cannabis auprès
de sources illégales en indiquant comme raison que » le
prix du cannabis réglementé était trop élevé « est passée

de 27 % à 34 % du premier au deuxième trimestre de
2019 », rapporte le quotidien « Le Devoir ». A 10,65 dollars
canadiens, le gramme de cannabis légal se vend environ
80 % plus cher que le « pot » illégal, à 5,93 dollars. Statis-
tics Canada a également analysé le profil des consomma-
teurs. Sans surprise les jeunes sont les plus friands de
marijuana, 27 % des 15 à 24 ans avouent en avoir con-
sommé au moins une fois. A l’échelle nationale, la Nou-

velle-Ecosse est la province avec la plus grande part de
consommateurs, 24,4 %. Inversement, le Québec enre-
gistre les plus faibles résultats avec seulement 10,3 % de
consommateurs. Statistics Canada prévient toutefois
qu’il faut faire preuve de prudence l ors de l’interprétation
et de l’utilisation de ces données. Bien que la consomma-
tion de cannabis soit légale, peu de consommateurs sont
entièrement transparents quant à leurs usages. — S. F.

Au Canada,
le cannabis illégal toujours en vogue

Les Echos Lundi 19 août 2019 // 07


idées & débats

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