Le Temps - 19.08.2019

(やまだぃちぅ) #1

LUNDI 19 AOÛT 2019 LE TEMPS


Sport 11


LAURENT FAVRE


t @LaurentFavre


C’est le même buffet de fruits et


de viennoiseries autour de la


machine à café, mais il n’y a per-


sonne au pied du grand escalier de


l’UEFA à Nyon. Pas de camions de


télévision ronronnant sur les par-


kings, pas de messe basse à l’habi-


tuelle «table du Barça», pas de


«vieilles gloires» reconverties en


ambassadeurs qui patientent en


fumant derrière la baie


vitrée, pas de zones mixtes


aménagées dans les cou-


loirs. C’est à peine si le per-


sonnel, qui passe devant le


grand auditorium en sortant de la


pause déjeuner, sait que l’on s’ap-


prête à y tirer les affiches des sei-


zièmes de finale de la Ligue des


champions féminine (que nous


préférons désigner sous le terme


de «Ligue des championnes»).


Premiers sponsors


exclusivement féminins


Les tirages au sort des phases de


groupes de la Ligue des champions


et de l’Europa League auront lieu


les 29 et 30 août à Monaco. Il eût


été tentant d’accoler à ce premier


grand rendez-vous européen de la


saison le tirage au sort de la Ligue


des championnes, afin de lui offrir


une exposition médiatique maxi-


male. Mais l’UEFA estime que le


football féminin doit désormais


voler de ses propres ailes et exister


par lui-même. Au contraire de la


FIFA, qui vend les droits de la


Coupe du monde dans un pot com-


mun relativement opaque, l’asso-


ciation européenne a scindé la


commercialisation selon le genre


«pour contribuer à favoriser la


croissance rapide du football fémi-


nin [...] et à créer davantage d’op-


portunités commerciales», selon


son directeur marketing, Guy-


Laurent Epstein. Visa, en décembre


2018, puis Nike, en mars 2019, sont


ainsi devenus les premiers spon-


sors exclusivement féminins de


l’UEFA. La finale de la Ligue des


championnes a également son site


dédié (Vienne en 2020), alors que,


de 2010 à 2018, le match était joué


«en ouverture» de la finale mascu-


line, dans la même ville mais dans


un stade plus petit.


L’émancipation a un prix. A


Nyon, ce vendredi 16  août, Le


Temps se retrouve visiblement


seul média accrédité. Il a d’ailleurs


fallu en faire la demande expresse


car aucun formulaire n’avait été


prévu, comme si cela n’intéressait


personne. Les tirages au sort ne


sont certes pas très intéressants


en soi, mais ils permettent de ren-


contrer beaucoup de monde.


Ainsi Bruno Cheyrou, le directeur


sportif du PSG féminin, qui sort


du restaurant de l’UEFA avec sa


collègue Laure Boulleau et l’Alle-


mande Bianca Rech, directrice


sportive du Bayern Munich


Frauen. «Nous avons mangé


ensemble, on en a profité pour


échanger, discuter recrutement,


intersaison. Le milieu est petit, on


se connaît tous», explique l’ancien


joueur de Lille et de Liverpool.


N’est-il pas déçu du désintérêt


médiatique de l’événement? «Il


n’y a rien à exiger. C’est une ques-


tion de marché: lorsque le produit


sera suffisamment attractif, les


investisseurs et les médias vien-


dront d’eux-mêmes», affirme-t-il,


avant de prendre congé. Le


compte à rebours affiché au-des-


sus de l’auditorium indique que


le tirage au sort va bientôt com-


mencer.


Il est dirigé par Nadine Kessler,


cheffe du football féminin à


l’UEFA. «Le moment est impor-


tant, lance-t-elle à la cinquantaine


de représentants de clubs pré-


sents. La récente Coupe du monde


a montré que le football féminin


était sportivement et économi-


quement intéressant. De nou-


veaux clubs émergent, les fédéra-


tions lancent des initiatives, les


structures se professionnalisent,


le marketing et la communication


commencent à suivre. Je crois que


c’est la première fois que tout le


monde travaille vraiment en


même temps au développement


du football féminin.»


«Juventus de Turin-FC Barce-


lone.» Le premier match tiré au


sort dit tout à la fois le potentiel du


football féminin et ses limites


actuelles. Chez les garçons, l’af-


fiche serait impossible: trop d’en-


jeux économiques pour se risquer


si tôt dans la saison à une confron-


tation à élimination directe. Mais


la Juventus n’est qu’une jeune


dame au niveau féminin. Et le


Barça une nouvelle puissance. «Les


grands clubs européens voient


désormais l’intérêt d’avoir une


équipe féminine, qui leur donne la


possibilité de développer une


seconde marque et une autre


manière d’engager les fans, nous


expliquera plus tard Nadine


Kessler. Dans certains pays,


comme l’Italie, c’est même une


obligation, ce qui pousse à voir des


grands noms apparaître, comme


la Juventus.»


Les grands clubs entrent


dans la danse


L’an prochain, il y aura sans doute


le Real Madrid, qui vient d’avaler


contre 500 000 euros la section


féminine du CD Tacon, néo-pro-


mue en Liga Iberdrola, et qui a


dépensé 2  millions d’euros en


transferts cet été. Bruno Cheyrou


dit s’en réjouir. «Nous sommes


ravis que le Real Madrid, la Juve ou


Manchester United entrent dans


la danse. Plus il y aura de grands


clubs et plus le football féminin


européen se développera.» «Les


grands noms attirent les médias et


exposent le football féminin»,


confirme Scott Grant, head coach


des Hibernian Ladies.


Les clubs européens dominent


déjà le football féminin mondial.


Un rapport de l’Association des


clubs européens (ECA), publié


juste avant la Coupe du monde


féminine, montrait que 53% des


joueuses présentes en France évo-


luaient en Europe, un taux en


progression de 30% par rapport à


la Coupe du monde 2015. Les cinq


clubs les mieux représentés en


France étaient Barcelone et


l’Olympique Lyonnais (15 joueuses


chacun), Chelsea et Manchester


City (12 joueuses chacun), le PSG


(10 joueuses). L’étude souligne «le


rôle central des clubs dans le


développement rapide du football


féminin en Europe ces quatre der-


nières années». Selon l’UEFA, ils


sont actuellement 28% à proposer


du football pour les femmes et les


filles. Ce sont eux qui, avec l’ECA,


ont poussé la FIFA à les dédom-


mager cet été pour la mise à dis-


position des internationales. Une


grande première!


L’arrivée de nouveaux venus


modifie les équilibres et cela se voit


dans l’auditorium nyonnais. Les


Latins s’imposent, les Scandinaves


cèdent du terrain. «Le dernier club


danois finaliste, en 2003», rappelle


Nadine Kessler lorsque l’ancienne


joueuse allemande Josephine Hen-


ning tire du chapeau le Fortuna


Hjørring. Un nouveau monde se


met en place. Pour l’heure, l’ancien


conserve ses pratiques conviviales.


Tout le monde se mêle joyeuse-


ment, personne ne semble prendre


les autres de haut ni soi-même trop


au sérieux. Alors qu’il ne reste plus


que six boules à tirer, le représen-


tant suédois de Piteå se tourne vers


sa voisine, Marion Daube, manager


du FC Zurich Frauen: «Nous allons


jouer l’un contre l’autre», pronos-


tique-t-il. Ce sera les Danoises de


Brondby pour Piteå et un lointain


voyage à Minsk pour les cham-


pionnes de Suisse. «On ne connaît


pas, ce sera l’occasion», soupire un


émissaire zurichois. Le déplace-


ment sera sans doute coûteux,


et ce 16e de finale déficitaire


pour le FCZ.


Disparité de moyens


Dès la fin du tirage au sort, les


couples se forment. Les dirigeants


de Lugano remettent une liste


d’hôtels au représentant de


Manchester City et lui précisent


que la ville dispose d’un aéroport.


«On voulait soit un tirage acces-


sible soit un adversaire presti-


gieux», se félicite Emanuele Gaia-


rin, le président du Football


Femminile Lugano 1976, qui consi-


dère son alliance avec le FC Lugano


comme «une joint-venture. On


partage le marketing et l’adminis-


tratif.» Il compte sur l’expérience


européenne du FC Lugano pour


l’aider à organiser le match et géné-


rer quelques profits. «Notre budget


est bien inférieur à ceux de Zurich


ou Servette et nos joueuses ne sont


pas professionnelles», précise-t-il.


Si le budget du PSG féminin,


estimé à 7 millions d’euros, est infé-


rieur à celui de Grasshopper en


Challenge League et ne représente


qu’un peu plus de 1% du budget


global du PSG, il reste bien supé-


rieur à celui de beaucoup de clubs


qualifiés en Ligue des cham-


pionnes. «Les disparités de déve-


loppement et les écarts de budget


y sont bien plus grands que dans le


football masculin», observe Olivier


Jarosz, de l’ECA. Pour cette raison,


les équipes s’affrontent en matchs


aller-retour «en principe jusqu’en


2021, selon Nadine Kessler. Une


compétition avec une phase de


poules nécessiterait d’avoir des


groupes relativement homogènes.


Mais les choses évoluent vite et


nous sommes en discussion per-


manente avec les différentes par-


ties prenantes pour proposer la


formule la plus adaptée.» n


Sitôt les tirages au sort achevés, les représentants des clubs qui s’affronteront s’échangent des contacts et des informations. Ci-dessus (avec l’écharpe bleue), Svetlana Podol,


directrice du club russe de Ryazan, rencontre Olivier Blanc, le directeur de la communication de l’Olympique Lyonnais. (HAROLD CUNNINGHAM)


Le retour à l’ordinaire du football féminin


EUROPE Six semaines après la finale de la Coupe du monde, l’élite européenne du football féminin était rassemblée à Nyon pour le tirage


au sort du premier tour de la Ligue des championnes. L’occasion de mesurer le chemin parcouru, mais surtout encore à parcourir


CAROLINE CHRISTINAZ


t @Caroline_tinaz


Observer, écouter et chuchoter. Vivre


en harmonie avec les grands prédateurs


est possible, et même fascinant. C’est ce


que le photographe animalier Vincent


Munier et le réalisateur Laurent Joffrion


livrent comme message à travers leur film


Ours, simplement sauvage, Grand Prix de


la 50e édition du Festival international


du film alpin des Diablerets (Fifad).


Dans la lumière blanche d’un début


d’automne, les réalisateurs nous


emmènent dans les Pyrénées où trois


personnages entretiennent une relation


intime, pétrie de patience, d’observation


et d’écoute avec l’ours habitant les sous-


bois. Le film invite à la contemplation et


rappelle la beauté fragile de cette nature


que l’humain a tendance à négliger.


Ebloui par ce film qui magnifie la mon-


tagne sauvage, le jury a été unanime dans


son choix.


Sur les 50 films présentés pour ce jubilé,


neuf autres prix ont été décernés. Zabar-


dast, de Jérôme Tanon, et Pathan Project,


de Guillaume Broust, respectivement


honorés par les Diables d’or «sport


extrême» et «exploration aventure», se


déroulent tous deux au Pakistan où des


vallées entières, dernièrement ouvertes


au tourisme, dévoilent des territoires


encore vierges où se dessine l’avenir de


l’alpinisme.


S’approcher des dieux


Les films présentés aux 13 500 specta-


teurs du Fifad sont une illustration du


monde alpin d’aujourd’hui. Les nouveaux


territoires sont dévoilés mais les nou-


velles activités aussi. Ainsi découvre-t-on


l’apparition d’une tendance aux voyages


au long cours en parapente. Blutch, le


récit d’une traversée de l’Himalaya par


les airs, a touché le public sans toutefois


remporter de prix. Mais Still flying, de


Miroslaw Dembinski, qui tire le portrait


de Janusz Orlowski, un Polonais de


91 ans toujours obsédé par sa volonté de


s’approcher des dieux assis dans sa sel-


lette, a séduit le jury pour sa sensibilité.


Le personnage obstiné mais inspirant


remporte le Prix du dépassement de soi.


Après avoir gravi l’Everest à deux


reprises successives, le traileur et alpi-


niste Kilian Jornet aurait pu être dis-


tingué par ce titre. Mais le film Path to


Everest, de Joseph Serra Mateu – qui


raconte son cheminement vers le Toit


du Monde, dévoile qu’un grand alpiniste


se cache derrière le coureur compétitif.


Le portrait subtil et sensible remporte


donc  la distinction de la catégorie


montagne.


Pour cette 50e édition, le jury a voulu


valoriser des œuvres honnêtes et intelli-


gentes, dont le message positionne l’hu-


main comme faisant partie de la nature


qui l’entoure. La montagne est respectée


et l’homme y va pour se confronter à lui-


même et non pour la dominer. n


Le Fifad célèbre une montagne respectée


FESTIVAL ALPIN La 50e édition du


Festival international du film alpin des


Diablerets s’est achevée samedi. Le film


du photographe animalier Vincent


Munier et du réalisateur Laurent Joffrion


«Ours, simplement sauvage» remporte


le Grand Prix


REPORTAGE


«La récente


Coupe du monde


a montré


que le football


féminin était


sportivement et


économiquement


intéressant»


NADINE KESSLER, CHEFFE DU FOOTBALL


FÉMININ À L’UEFA


«Les écarts


de budget sont


bien plus grands


que dans le


football masculin»


OLIVIER JAROSZ, ASSOCIATION


DES CLUBS EUROPÉENS (ECA)


RELEASED BY "What's News" VK.COM/WSNWS TELEGRAM: t.me/whatsnws

Free download pdf