Trax N°223 – Été 2019

(C. Jardin) #1

36 PAUSE


Outrageous


C’est la grande liberté offerte par le club kid : être qui l’on
est ou qui l’on veut être dans un espace dédié. Une opportunité
forcément précieuse pour la communauté LGBT au sein
de laquelle est née cette pratique. « Quand tu es queer,
tu es tellement habitué à ce que l’intégralité de la société
t’incite à rentrer dans les rangs qu’il devient nécessaire
de nous laisser des espaces d’expression. Des safe spaces,
où l’on est incités à se libérer dans une temporalité réduite.
Et tant qu’à créer des endroits pour nous, où les normes
de l’extérieur ne s’appliquent pas... Autant y aller à fond, s’ébahit
le jeune homme aux yeux bleus. C’est un processus logique,
qui est au cœur de l’histoire de la techno, de la house et des ball
rooms. Les Noirs, les gays, les trans, tous ceux qui ne pouvaient
pas être eux-mêmes au quotidien se retrouvaient la nuit dans
des hangars. Et là, ils faisaient régner leurs propres règles. »


L’enjeu est toujours le même, c’est celui de l’espace. Avec leurs
grosses perruques, leurs chapeaux, leurs chaussures compensées,
ces enfants-là prennent de la place. Beaucoup de place. Comme
pour rattraper du terrain sur l’espace public où ils sont trop
souvent contraints de s’effacer. « Quand, en tant que personne
queer, on sort de chez soi en baissant la tête parce qu’on
en a marre de se faire emmerder, c’est important d’avoir des lieux
où l’on prend toute la place, sur les réseaux sociaux ou dans
un club, pour s’afficher et dire qu’on est fier de qui on est »,
détaille Marmoset avec passion. Pour Klaus, c’est même un besoin
vital. « Il y a eu un avant et un après 2012. Pendant un an, avec


La Manif pour tous, l’homophobie avait droit de cité partout, dans
la rue et dans les médias. Depuis, on se sent de moins en moins
en sécurité. Il me faut un accès à un petit paradis, un endroit
où on m’invite à être le plus outrageous possible... Et où l'on m’aime
pour ça ! » À voir cette péniche remplie d’extravagance,
de mecs et de nanas qui dansent dans leurs superbes costumes
colorés, on ne peut s’empêcher de voir un superbe pied
de nez et une réponse éclatante à l’homophobie ambiante.

La place, les club kids l’ont finalement prise jusqu’au musée,
avec l’exposition Electro à la Philharmonie de Paris. Entre
les vinyles de collection et la maquette du Berghain
trônent trois costumes réalisés par Klaus, Tiggy Thorn
et la scénographe Anna Mennessier. Ces derniers en parlent
avec des étoiles dans les yeux : leurs œuvres en peluches,
en latex et en chaînes métalliques sont présentées comme
autant de contributions de la scène queer à la culture électro.

À bord de Petit Bain, les lumières s’éteignent à 6 heures du matin


  • beaucoup trop tôt de l’avis de tous. Il y a ceux qui vont en after,
    ceux qui ont chopé et finissent dans le lit d’un.e autre. Hugo
    et ses potes sont assis sur les quais de Seine, ils grelottent, clope
    à la main ; leur maquillage commence à dégouliner. Encore
    ces rares passants qui les regardent de travers. Mais pour les enfants
    les plus cool du club, il est hors de question de se cacher.


Design : Leonie Bos





Du 12 au 22 Sept. 2019


[LIVE] [LIVE]

[LIVE]
[LIVE]
[PREMIÈRE FRANÇAISE]

[LIVE] [LIVE]
[LIVE] [LIVE]

cultures électroniques et arts numériques - scopitone.org

Stereolux présente
Free download pdf