Trax N°223 – Été 2019

(C. Jardin) #1

... qui refait surface dans les clubs


Si les s s’immiscent de plus en plus dans le milieu de la fête,
c’est parce qu’ils s’inscrivent dans la continuité de la troisième
vague féministe. Cette même vague, qui a vu naître #metoo,
l’un des plus grands mouvements d’empowerment du XIXe siècle,
coïncide avec un renouvellement de l’offre de soirées et l’arrivée
sur le devant de la scène de collectifs aux identités diverses.
« L’heure est à l’empowerment général, élargit Costanza Spina,
la rédactrice en chef homosexuelle et sicilienne de Manifesto
XXI. Il faut avoir les moyens de se mouvoir librement au sein
d’un espace déterminé. Si l’on ne peut pas agir comme on veut,
on est opprimés. Il faut créer des espaces sains pour que tout
le monde puisse s’y sentir en sécurité. » Dans cette même veine,
le Whole Festival à Berlin célèbre la culture queer depuis trois
ans. Plus qu’une fête étendue sur plusieurs jours, le festival
se veut « le refuge de ceux qui se retrouvent marginalisés
par le reste de la société ». Dans cette volonté de fonder
une micro-société éphémère, Whole devient petit à petit
la réunion internationale de toutes les âmes queer en demande
d’inclusivité. « Les collectifs d’artistes que nous invitons
partagent la même vision que nous, explique Giovanni, l’un
des fondateurs. Eux aussi organisent des soirées dans différentes
villes et tentent de créer un dancefloor plus sûr pour leur public.
Nous pensons que plus les gens sont connectés en partageant
des expériences, plus ils deviennent autonomes. Pas seulement
pour danser et s’aimer, mais aussi pour échanger des idées. »


Pour les organisateurs, les questions d’accès, de sécurité
et d’autonomisation sont plus importantes que jamais. C’est
pour cela qu’il existe des mesures proactives à prendre
en amont et pendant un événement afin de limiter les risques
de violences sexuelles et de discriminations. Selon une étude
de l’association Consentis, plus d’une femme sur deux
déclare ne pas se sentir en sécurité en soirée lorsqu’elle
n’est pas accompagnée. Le choix du lieu est donc une étape
essentielle dans la création d’une soirée safe. « Se tromper
de lieu peut être catastrophique, car chaque club a sa clientèle
habituée », prévient Costanza. « Parfois, tu vas faire des soirées
dans des clubs où il se passe d’autres événements toute l’année,
explique Isabelle Favotte, l’une des baronnes de la nuit
lyonnaise. Quand tu organises une soirée queer une fois dans
l’année dans un club habituellement fréquenté par des hétéros
cisgenres (des personnes dont le genre correspond à celui
qui leur a été attribué à la naissance, ndlr), tu vas te retrouver
avec une foule mixte. » À Lyon par exemple, le Terminal
est fréquenté toute l’année par un public hétéro amateur
de bonne techno. Lors de ses fameuses soirées Arm Aber
Sexy, qui attirent généralement un public lesbien, Isabelle
est à l’entrée pour prévenir ce qui attend le public une fois
la porte du club franchie. « Après, il arrive qu’on ne soit
pas obligé de briefer beaucoup les gens, parce qu’il y a des nanas
qui viennent à nos soirées juste pour être tranquilles et pouvoir
écouter du son sans qu’on vienne leur mettre une main
au cul. En fait, c’est aussi au public de créer le safe space. »


Mode d’emploi


Communiquer des règles claires et faire en sorte que tout
le monde les applique constitue la deuxième étape pour
créer un . À l’entrée du Whole par exemple, un petit guide
listant les comportements acceptables est distribué à tous
les festivaliers. « De cette façon, si des personnes extérieures
à notre communauté se présentent, elles comprennent en quoi
consiste notre philosophie », complète Giovanni. Du côté
des soirées Manifesto, Costanza Spina et son équipe tentent
d’être des hôtes visibles et disponibles pour leurs invités. 

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