Trax N°223 – Été 2019

(C. Jardin) #1

46 PAUSE


On y pénètre en franchissant deux portes battantes, façon western,
après le vestiaire et la caisse. Face à soi, une piste de danse avec
cabine de DJ ; sur la gauche, un petit salon avec banquettes ;
à droite, le bar ; et au fond, au bout du couloir, un véritable
club dans le club, les toilettes gérées par le mythique Kouët,
le monsieur pipi, généralement vêtu d’un tutu. Durant dix années,
de 1997 à 2007, le Pulp a rendu ses lettres de noblesse à la nuit
parisienne en électrisant les trottoirs des Grands Boulevards,
tout en accompagnant deux combats cousins : l’émergence d’une
nouvelle scène électronique française et l’affirmation des droits
LGBT, avant qu’une sombre histoire de bail immobilier ne vienne
mettre un terme à l’aventure, à l’aube du règne de Nicolas
Sarkozy. Une parenthèse de dix années enchantées, articulées
autour d’un simple principe impulsé par la fondatrice, Mimi,
aujourd’hui gérante du Rosa Bonheur : une boîte de filles,
pour les filles, où les garçons sont tolérés. Comment, dans
ce contexte, préserver l’ADN du lieu et s’assurer que le club reste
un espace LGBT-friendly, conçu par et pour des lesbiennes?


« Vous venez faire quoi? »


« Il n’y avait qu’un seul mot d’ordre, explique Christine,
la physio. Si t’es un garçon, tu viens pour écouter de la musique.
Même pas tu regardes, même pas tu touches, sinon tu dégages
direct. » La Nîmoise d’origine - accent compris - accueille dans
son appartement du centre de Paris qui lui sert aussi de studio
d’enregistrement. C’est d’ailleurs par le biais de la musique qu’elle
intègre la « famille Pulp », au début des années 2000. « Avec
mon groupe de metal, X Syndicate, j’ai enregistré une partie
de la bande originale de Baise-Moi, de Virginie Despentes
et Coralie Trinh Thi. À la fête de sortie du film, à la Villette, j’ai
rencontré Sextoy, Delphine. Puis via Delphine, j’ai rencontré
Mimi, qui avait fondé le Pulp deux ans plus tôt. Ça a été un coup
de foudre. Quinze jours après, on était ensemble et l’histoire
a duré cinq ans. J’étais disquaire à la Fnac à l’époque, mais Mimi
m’a proposé de gérer ’la porte’ du club. Je lui ai dit que je ne savais
pas du tout faire ça. Elle m’a répondu : ’Tu verras, tu apprendras’ ».
Et Christine a appris. Vite. De 2001 à la fermeture définitive
en 2007, de minuit à 6 voire 7 heures du matin, quatre soirs
par semaine, elle est l’iconique physio du Pulp, celle qui octroie
le droit de passage ou refuse l’entrée à ceux qu’elle « ne sent pas ».
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