Trax N°223 – Été 2019

(C. Jardin) #1

PAUSE 67


Par Elsa Ferreira À l’heure où les technologies proposent des expériences


toujours plus immersives et des voyages toujours
plus loin, de plus en plus d’artistes et de penseurs
se posent la question de leurs liens avec les drogues
psychédéliques. Bienvenue dans un monde cyberdélique.

Hastings, Angleterre. Dans le fief du célèbre occultiste Aleister
Crowley, une réunion singulière : une cinquantaine de personnes
ont répondu à l’appel de la Cyberdelic Society, une association
fondée en novembre 2017 pour promouvoir le psychédélisme
par le biais de la technologie. Au dernier étage d’un immeuble
avec vue sur la mer, casque de réalité virtuelle vissé sur la tête,
on se fait aspirer par un trou noir, on assiste à un concert au milieu
de montagnes colorées ou on joue avec des particules sonores.
Surtout, on discute technologie et pouvoir de la conscience.
Ici, le psychédélisme est une affaire sérieuse. « Une relation
entre l’humain et les plantes pour une expansion de l’esprit
et de la connaissance », explique l’artiste Jose Montemayor Alba,
cofondateur de la Cyberdelic Society avec l’universitaire Carl
H. Smith. « Même les personnes qui s’y adonnent de manière
récréative élargissent leurs sens, leurs expériences visuelles... »
À haute dose, les psychotropes ont des effets presque mystiques
et même les plus pragmatiques des sujets font l’expérience d’un
« au-delà » ou d’un recueillement « dans les bras d’un Dieu aimant »,
rapporte Michael Pollan dans son excellent livre How To Change
your Mind, The New Science of Psychedelics, paru en 2018. « Les gens
prennent conscience de quelque chose au-delà de leur perception
de la réalité, acquiesce Montemayor. Il y a alors un changement
de perspective. La drogue devient un médicament. »

La technologie ne peut pas remplacer l’expérience hautement
introspective d’un voyage intérieur sous psychotrope, mais
elle peut en offrir un avant-goût à ceux trop frileux pour
abandonner leur self-control aux mains d’une substance
illégale. Surtout, « la technologie est intrinsèquement
psychédélique puisqu’elle étend l’esprit », estime Montemayor.
La roue ne nous a-t-elle pas fait voyager plus loin, et la radio
de nous écouter? Désormais immersives, les technologies
permettent d’entrer dans des univers inventés de toutes
pièces et d’explorer le monde à travers les yeux d’un autre.

L’intelligence augmentée


L’association des premières communautés de psychonautes
et des pionniers des nouvelles technologies peut sembler
contre-intuitive. Dans la conscience populaire, l’ingénieur
a une image plutôt sérieuse et discrète, assez éloignée
de l’attitude « peace & love » des hippies adeptes de champignons
hallucinogènes. Pourtant, il existe bien une histoire
entremêlée des psychédéliques et de l’informatique.
Durant les années 65-75, à une époque où la Silicon Valley

eLisme


rempLacer Le Lsd?

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