Trax N°223 – Été 2019

(C. Jardin) #1

Selon EPi, le zippy est « quelqu’un qui a équilibré
ses hémisphères pour atteindre la fusion entre le technologique
et le spirituel ». Pour accélérer le mouvement, Clark fonde
Megatripolis en 1993, un rendez-vous hebdomadaire aux allures
de festival, qui se tient tous les jeudis soirs dans la boite
gay Heaven. Un club à portée hautement politique où l’on
rencontre autant des joueurs de djembés que des vendeurs
de fanzines, où l’on participe à des séances d’interprétation
des rêves ou à des présentations théoriques appelées Parrallel
University. « Il y avait un fort intérêt pour les ordinateurs,
Internet, et les sujets liés au cyberdélisme comme
la fractographie, la VR, les smart drugs ou les modifications
corporelles », raconte Matt Black, fondateur de Ninja Tune,
moitié de Coldcut et membre du groupe Hex qui s’est établi
en pionnier cyberdélique. Un festival d’idées autant qu’un
club où l’on passe de la musique trance et de l’ambient techno
à la Aphex Twin, Higher Intelligence Agency ou Future
Sound of London. À la tribune, des invités influents
défilent, comme le journaliste environnemental George
Monbiot, les figures du mouvement psychédélique Terence
McKenna ou Ram Dass. Une petite prouesse technologique
pour l’époque a aussi lieu : des interviews sont retransmises
en direct par satellite comme celle de l’influent et truculent
Timothy Leary, ancien professeur de Harvard qui a contribué,
pour le meilleur et pour le pire, à sortir le LSD des labos.
« Un moment et un endroit uniques », résume Matt Black.


Ce dernier forme Hex en 1991 avec l’artiste Robert Pepperell
et le codeur Miles Visman, un groupe multimédia avant-
gardiste dans l’utilisation novatrice des ordinateurs personnels.
En 1992, les trois pionniers créent Top Banana, un jeu vidéo
de plate-forme où l’héroïne, KT, doit sauver le monde
des corporations, des tronçonneuses et des bulldozers
grâce au pouvoir de l’amour, le tout bercé par la musique
de Coldcut. L’année suivante, le personnage de KT refait
surface dans le jeu Global Chaos. Matt Black décrit cette
création, près d’une heure de couleurs fluo et stroboscopiques,
comme un « trip cyberdélique ». Lui-même adepte
des psychotropes, il développe des personnages tout aussi
perchés, comme l’Alien Sphinx, créature dansante venue
d’une ancienne culture extraterrestre découverte sur Mars.


En parallèle, Matt Black baigne dans la culture naissante
de l’informatique. Il lit des publications comme Mondo
2000 , le précurseur psychédélique de Wired et s’intéresse
aux travaux de Masahiro Kahata, psychonaute japonais
fondateur du Psychic Lab, ainsi qu’à sa technologie
de visualisation des ondes cérébrales. Surtout, il est influencé
par les monuments de la littérature cyberpunk comme
Neuromancer de William Gibson, roman culte de science-fiction
publié en 1984 qui consacre pour la première fois la notion
de cyberespace comme une « hallucination consensuelle »,
créée par l’interconnectivité de milliers d’ordinateurs.
« Nous avons tous lu les livres de William Gibson et ça nous
a bouleversés, précise-t-il. Ses idées ont été reprises dans Matrix,
un film hautement cyberdélique qui n’a pas été pas considéré
comme tel, probablement parce que Hollywood a eu peur
de l’association entre le psychédélisme et la drogue.
N’empêche, pilule rouge ou bleue, c’est clair : choisis
ta drogue, choisis ta réalité, trouve la vérité... »

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