Trax N°223 – Été 2019

(C. Jardin) #1

72 PAUSE


Par Olivier Pernot Cet after en périphérie de Montpellier a fermé ses portes


il y a dix ans. pendant les années 2000, le Bar live a été
le point de ralliement de toute la jeunesse du sud de
la France qui venait y finir ses nuits, alors que le jour
était déjà levé. soleil, insouciance, techno minimale et
MDMA : retour sur la belle histoire d’un after mythique.

C’est le moment. Dans les enceintes du club, Cebb envoie « More
Heroin » de Superpitcher. Comme une offrande à ce dancefloor
qu’il cherche à conquérir depuis des heures. Derrière ses platines,
le jeune DJ vient d’atteindre l’apothéose de la matinée. Il s’apprête
maintenant à jouer les hymnes du moment : « Emerge » de
Fischerspooner ou « The Sky Was Pink » de Nathan Fake remixé
par James Holden. De quoi tenir en haleine la foule exaltée.
Des centaines de bras se lèvent, les corps sont moites, les bouches
pâteuses. Des sourires restent accrochés aux visages, les yeux
ronds roulent d’extase. Au plus fort de son existence, le Bar Live,
plus qu’aucun autre club du Sud de la France, a capté l’air du
temps et ses vibrations électroniques. Rien, d’ailleurs, ne laissait
présager que ce hangar dans la périphérie de Montpellier allait
devenir l’after où toute la jeunesse sudiste aimerait se retrouver.
À l’origine, il y a deux hommes, Alain Zahonero et Jean-Jacques
Amouroux. Ensemble, ces figures du noctambulisme local
commencent en montant des affaires. Ils ouvrent des bars,
des restaurants, des saunas avant de s’arrêter sur un concept
original qui deviendra le Bar Live : un immense bar de nuit
un peu chaud, avec des danseuses virevoltant sur des barres de
pole dance. « C’était une discothèque branchée cul, un peu
kitsch », se souvient Cebb, Sébastien Thibaut de son vrai nom.
L’établissement ouvre au début de l’année 2000 mais ne trouve
pas sa place. Les débuts sont poussifs. Après un an d’exploitation
nocturne, les deux associés décident de transformer ce club à
l’ambition érotique en after. En s’arrangeant avec la législation.
« On pouvait ouvrir comme n’importe quel bar de village
dans l’Hérault, à partir de 5 heures du matin », explique Alain
Zahonero. En réalité, le Bar Live est une discothèque de jour
qui ouvre quand celles de nuit doivent fermer : à l’époque, 4
heures du matin en hiver et 6 heures en été dans ce département.

Coup de fouet


Le club est installé dans un immense hangar aménagé de
1000 m^2 ,dans la commune de Mauguio. De l’extérieur, l’endroit
ne fait pas rêver : il est situé en pleine zone commerciale à
quelques encablures de l’aéroport, au bord d’une quatre voies qui
file vers les plages. Le bruit des voitures qui roulent à 130 km/h,
l’odeur du bitume chaud, les hôtels bas de gamme et tous ces
grands bâtiments de tôle accueillant des vendeurs de piscines
ou des concessionnaires de motos font de la zone d’activités de
Fréjorgues Est un lieu bien morne. Quand le Bar Live devient un
after, l’intérieur du club est encore flambant neuf : un grand bar
central, des escaliers en bois, un restaurant en mezzanine. Le seul
point noir reste la cabine DJ, installée en hauteur dans un coin. La
musique n’était clairement pas la priorité initiale du club qui avait
tout misé sur les danseuses. « L’espace n’avait pas été conçu pour
faire la fête », sourit Cebb qui convainc à l’époque ses patrons de
descendre le DJ booth au bord du dancefloor, et d’engager d’autres
DJ’s résidents pour imposer une véritable identité musicale.
Le réaménagement du Bar Live tombe à pic. En ce
printemps 2001, le Cyrano, célèbre after situé à Saint-Jean-de-
Védas – le seul du coin – vient juste de fermer ses portes, laissant
le créneau libre. Le contexte local est aussi particulièrement
favorable aux musiques électroniques. Depuis les années 1990,
Montpellier est déjà une place forte de la house et de la techno.
Boréalis, un des premiers festivals techno de France, a laissé
des souvenirs impérissables et la périphérie de la ville compte
désormais d’importantes discothèques branchées musique
électronique, charriant d’innombrables clubbeurs avides de
continuer leurs fêtes en after une fois les rideaux tirés. « C’était
la grande époque, avec quelques gros clubs comme La Villa
Rouge, La Dune ou La Nitro », se souvient Greg Delon qui
rejoint Cebb derrière les platines du Bar Live, suivi par Miss
Airie, Nhar ou Bastien Grine. Les patrons du Bar Live font
le pari risqué d’engager des DJ’s résidents encore peu connus
et de miser sur la jeunesse afin de créer une osmose avec le
public. Bien vu. Ce choix fait l’effet d’un coup de fouet.

BAR


LIVE

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