Trax N°223 – Été 2019

(C. Jardin) #1

PAUSE 75


Aller à la messe


Au bout de six mois, le club accueille déjà 1000 à 1500
personnes tous les samedis et dimanches matins. De plus en
plus nombreux, le public vient aussi de plus en plus loin, de
tout le grand Sud de la France. Dès que les clubbeurs ont
fini leur soirée à Marseille, Avignon, Perpignan ou Toulouse,
ils foncent en voiture vers Montpellier pour continuer leur
nuit. Pour s’en rendre compte, il suffit de jeter un œil sur les
plaques d’immatriculation des voitures garées aux abords du
club. Certains fêtards se réveillent même spécialement pour
venir au Bar Live. C’est le cas de Stéphanie Daverton, une
habituée : « Si on n’était pas sortis la veille, certains week-ends,
on se levait et on se préparait pour y aller. C’était comme se
rendre à la messe! » Le succès du Bar Live est exponentiel.
Si les week-ends avec les DJ’s résidents fonctionnent très
bien, Cebb a l’idée de monter des événements encore plus
fous, baptisés Geisha, avec des guests DJ’s. Trois ou quatre fois
par an, le club est entièrement redécoré et y débarquent des
jongleurs, des cracheurs de feu et des artificiers de tous bords.
L’ambiance est hystérique. Début 2002, les matinées Geisha
invitent même les jeunes artistes allemands dont les résidents
jouent les maxis, et c’est au Bar Live que Paul Kalkbrenner
et Ellen Allien feront leurs premières dates en France. Les
Geisha ramènent également des pointures allemandes déjà
bien installées, comme Michael Mayer, Superpitcher, les
émergents Ben Klock et Marcel Dettmann et même des figures
internationales comme Luciano, Len Faki ou Steve Rachmad.
Ces matinées exceptionnelles renforcent l’aura du club. Le
Bar Live est sur un nuage, bien loin de la galère des débuts.


Endgame


Pourtant, après huit ans de fêtes, les deux patrons décident de
raccrocher. En plein succès. L’esprit festif du Bar Live s’est frotté
à la réalité de la nuit, souvent mal perçue en France. « C’était
un lieu magique. Tout le monde venait s’y perdre, raconte
Olivier Dalle. Mais si les gens dansaient jusqu’à midi, c’est
aussi parce qu’ils étaient chargés. » Justement, depuis quelques
années, l’établissement est particulièrement surveillé, aussi
bien pour la consommation excessive d’alcool que la drogue.
Au point d’être sans doute le club le plus contrôlé de la région.
Tous les week-ends, les gendarmes de Mauguio multiplient les
contrôles sur le rond-point situé à quelques dizaines de mètres
de l’établissement. Le Bar Live a beau disposer d’un service de
sécurité chevronné chargé d’attraper les jeunes transportant
sur eux des cachets d’ecstasy ou des parachutes de MDMA, le
club est dans le collimateur des autorités. Résultat, il subit une
dizaine de fermetures administratives en huit ans. « Avec mon
associé, nous étions arrivés au bout du chemin, commente Alain
Zahonero. La clientèle se délitait. Les soucis avec la drogue étaient
constants et le GHB commençait à arriver à cette époque. » C’est
décidé. L’aventure du Bar Live s’achève en mars 2009. Depuis,
Montpellier n’a plus jamais connu un tel engouement pour un
club électronique. Certains ont bien tenté, sans succès, de faire
revivre l’insouciance de cet after mythique en lançant dans ses
murs deux nouvelles discothèques. Mais l’énergie des débuts n’est
jamais vraiment revenue dans ce hangar de la zone d’activités
de Fréjorgues Est. À croire que les fêtards ont enfin décidé
d’aller se coucher. Aujourd’hui, l’ancien bâtiment du Bar Live
a été transformé en une immense salle de sport sans charme. Et
désormais, pour accompagner abdos, tractions et autres squats des
sportifs du dimanche, la sono ne crache plus du Superpitcher.

Le label WOH vient de publier Barlive Music 2019, une compilation
en hommage au Bar Live qui contient des titres inédits de Joris Delacroix,
Paul Nazca, Maxime Dangles, Acumen, Nhar, Tom Pooks, Cebb, etc.

Sur les platines du Bar Live :
Miss Airie
Renato Cohen, « Pontapé » (2001)
Tomaz vs. Filterheadz, « Sunshine » (2002)
Silicone Soul, « Right On! » (2001)

Cebb
Fischerspooner, « Emerge » (2000)
Nathan Fake, « The Sky Was Pink (Holden Remix) » (2004)
Superpitcher, « More Heroin » (2002)

Greg Delon
Kotai, « Sucker DJ » (2002)
Ellen Allien, « Stadtkind » (2001)
Jake Fairley, « Oshawa » (2002)
Free download pdf