Trax N°223 – Été 2019

(C. Jardin) #1

76 pauSe


La scène se passe dans le XVIIIe arrondissement de Paris, vers
le quartier africain de Château-Rouge. Kiddy Smile entre dans
une toute petite boutique où s’entassent des tissus de toutes les
couleurs et des bobines de fil autour d’une machine à coudre.
Au milieu de tout ça, un couturier aux petites lunettes s’affaire
devant un énorme manteau jaune et violet dont la matière
plastique rayonne de mille reflets. « Je fais faire mes costumes par un
monsieur du Sénégal. J’aime bien travailler avec mes « compatriotes »,
on va dire », expliquait un peu plus tôt le chanteur et producteur
français, qui accorde un soin tout particulier à ses tenues de
scène. Ne portait-il pas, justement, un T-shirt estampillé « Fils
d’immigrés, noir et pédé » lors de son passage historique à la Fête
de la musique du Président de la République, le 21 juin 2018?
C’est là tout le propos du documentaire Queer & Fier(ce) : souligner
l’importance de l’Afrique au sein de la scène ballroom parisienne,
en suivant au quotidien ses membres issus de l’immigration et de
la communauté LGBTQI+. « Nous voulions participer à notre manière
à la conversation sur l’histoire africaine en France, tout en faisant le lien avec
ce qui s’est passé à New York quand cette culture est née, expliquent les
deux réalisatrices Giselle Bailey et Nneka Onuorah. En tant qu’Afro
Américaines ayant des origines en Jamaïque et au Nigeria, les histoires liées
à l’immigration et à l’affirmation de soi sont des sujets qui nous touchent. Les
gens ne réalisent pas à quel point, au sein même de la diaspora africaine, ce
que nos expériences ont souvent en commun. C’est ce qui fait que l’histoire de
quelqu’un comme Kiddy Smile résonne même en dehors de son pays d’origine.


Par Elsa Ferreira Depuis quelque temps, la scène ballroom parisienne


est au meilleur de sa forme, portée par l’énergie
de ses danseurs et danseuses et par le succès
de l’icône Kiddy Smile. C’est ce qui a incité la chaîne
américaine Viceland à en dresser un portrait engagé
et vibrant dans le documentaire Queer & Fier(ce).

Un morceau comme « Be Honest » rappelle ce qu’ont pu faire avant lui
Madonna ou Diana Ross avec son titre « I’m Coming out ». Ce sont
des chansons qui rassemblent. » Le documentaire Queer & Fier(ce) est
aussi l’occasion de découvrir des images tournées lors du United
States of Africa Ball Part II qui s’est tenu à La Gaîté Lyrique en
2018, sous l’égide de Vinii Revlon et Father Charly Ebony. Dans
une ambiance de feu, aux côtés de Lasseindra Ninja ou Mother
Steffie Mizrahi, on y voit des danseurs venus d’un peu partout
tournoyer sur eux-mêmes au milieu d’une foule multicolore. Ce
jour-là, Giselle Bailey et Nneka Onuorah ont été surprises : « En
allant filmer ce ball, nous pensions y trouver principalement des danseurs
d’origines africaines. Mais il y avait en fait des gens venus d’un peu partout,
de Russie, de Pologne et d’ailleurs. C’était beaucoup plus diversifié que ça ne
l’aurait été aux États-Unis. » C’est sans doute ce qui explique qu’au
final, s’il explore les origines africaines de la culture ballroom
locale, Queer & Fier(ce) prend l’air d’un documentaire à la gloire
d’un Paris inclusif, festif et terriblement fier de sa diversité. « Cette
ville est l’une des plus belles au monde et les gens que nous avons suivis nous ont
ébahies par leur sens du style », expliquent les réalisatrices. À tel point
qu’il n’est pas impossible que le film devienne le pilote d’une
série entière. On ne s’arrête pas de danser aussi facilement.

Queer & Fier(ce) de Giselle Bailey et Nneka Onuorah sera projeté
le 4 juillet 2019 au festival Loud & Proud à Paris et sur Viceland.

Queer & fier(ce)


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