Trax N°223 – Été 2019

(C. Jardin) #1

96 record


D’un bout à l’autre de la planète, personne ne le désigne
de la même manière. « Stópka » en Russie, « shottogurasu » au Japon,
« cicchetto » en Italie, « sfinaki » en Grèce ou « nip » en Australie :
celui que nous nommons plus communément le « shot »
charrie un nombre incalculable d’histoires et d’adaptations
locales. En particulier lorsque se pose l’épineuse question
de son origine. À ce sujet, les opinions sont aussi nombreuses
que fondamentalement différentes. Une chose est pourtant
sûre, la toute première mention de ce petit verre à alcool dans
la littérature date de 1913, dans un livre du Dr. Jehu Z. Powell
baptisé History of Cass County Indiana : From Its Earliest Settlement
to the Present Time. Il y raconte l’histoire d’un tenancier de saloon
dans une petite ville de l’Indiana, en 1857. Un jour, lors d’une
fusillade, son unique tonneau de whisky se fait transpercer
par une balle et se vide intégralement sur le sol. Pour se moquer,
ses clients ne cessent alors de lui réclamer « a shot of whisky »,
signifiant littéralement « une balle de whisky ». Cette histoire sera
ensuite largement relayée, à tel point que dans les années 40,
le prestigieux New York Times utilise régulièrement le terme « shot »
pour désigner ces mini-verres qu’on aime boire vite et fort.


maiS d’où vient


le SHot?


mixologie


Par la rédaction nous en usons et abusons sans trop savoir


d’où il vient. à l’occasion de la sortie de la nouvelle
bouteille de vodka Absolut Extrakt au goût
de cardamome, petit retour sur l’histoire du verre
à shot et sur les différents mythes qui l’entourent.

Le shot daterait donc du début du XXe siècle? Pas sûr.
Une histoire circulant depuis des années le fait remonter plus
loin encore dans le temps, en pleine période du Far West.
Il se dit qu’à l’époque, les employés des mines n’étaient
que rarement payés dans les temps par leurs employeurs.

Lorsqu’ils se rendaient au saloon pour boire un coup après
le travail, ils n’avaient alors d’autres solutions que d’échanger
une balle de leur revolver contre un petit verre de whisky, selon
l’expression « a shot for a shot ». Une théorie, certes bien pensée,
mais qui ne s’appuie sur aucun fondement historique : selon
les spécialistes, le prix d’un verre de whisky était à l’époque
bien plus élevé que celui d’une balle. À la place, certains
suggèrent une explication bien plus plausible et tout aussi
intéressante : le petit verre en question serait en fait laissé vide
sur la table lors des repas afin que chacun puisse y cracher
l’éventuelle balle qu’il retrouverait dans son gibier. Belle idée.

Mais dans les faits, la théorie la plus probable reste sans
doute la plus simple. Aux alentours de 1884, en Allemagne,
Friedrich Otto Schott, un chimiste et industriel spécialisé dans
le verre, inventa avec son entreprise Jenaer Glaswerk Schott
& Genossen un nouveau type de verre à liqueur à la fois plus
petit et plus résistant. Tout porte à croire qu’avec sa diffusion
aux États-Unis et ailleurs dans le monde, le verre de Schott
soit tout simplement devenu « le verre à shot », parfois même
désigné sous le terme de « shooter ». C’est en tout cas l’explication
la plus rationnelle, même s’il y a fort à parier que tout n’est
pas forcément faux dans les autres histoires, et que l’invention
de Friedrich Otto Schott ait pu être utilisée différemment
au fil du temps. Mais encore faut-il s’en souvenir clairement.
Et pour ça, les shots ne sont pas forcément nos meilleurs alliés.
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