VSD N°2141 – Août 2019

(Brent) #1

LA MALÉDICTION DE JUILLET


E


n juin, le soleil inondait les
esprits élyséens  : sondages
en hausse, mobilisations des
Gilets jaunes en baisse... Au
sortir du grand débat et des
élections européennes, Emma-
nuel Macron avait repris le contrôle
de son agenda politique. L’horloger avait
remis les pendules à l’heure et avec
l’acte  II du quinquennat, la transfor-
mation du pays reprenait une activité
normale. Édouard Philippe, grâce à sa
méthode remaniée et ses nouvelles
priorités climatiques, avait regonf lé
les voiles du gouvernement. Un an après
l’été en pente raide de l’affaire Benalla,
l’horizon semblait dégagé.
Certes, il avait fallu accoucher au forceps
d’une nouvelle armature européenne
mais, finalement, le psychodrame très
européen avait débouché sur une équipe
originale, dont le mérite principal était
de sauver les apparences du couple franco-
allemand. Ursula  von  der  Leyen était
choisie par Emmanuel Macron, Christine
Lagarde et Angela Merkel. Le président
et la chancelière affichaient leur complicité
lors du G20 au Japon – « Emmanuel, ça
me chiffonne qu’on dise que nous n’avons
pas de bonnes relations » – puis sur les
Champs-Élysées, pour le 14 Juillet.
Tout allait mieux en macronie, Benjamin
Griveaux conduirait la liste LREM à
Paris. Et puis, patatras  ! Le « Homard-
gate  » et les largesses de François de
Rugy, lorsqu’il occupait le perchoir.
La technique est connue : les révélations
égrenées chaque jour font état de la
constitution d’un dossier complet sur
François de Rugy transmis au site d’in-
formation Mediapart. Sa descente aux
enfers a été rapide et l’issue ne faisait
guère de doute : la démission. Ainsi fonc-
tionne désormais la République d’opinion :
révélations/démission. Impitoyable

tandem  qui impose sa loi, comme au
temps de l’affaire Cahuzac.
La semaine précédant le 14  Juillet,
deux  écoles s’opposent au sommet de
l’État : trancher dans le vif et démis-
sionner François de Rugy ou résister
à  Mediapart. Cette dernière option
l’emporte, au grand dam de nombreux
élus. Pour eux, la controverse liée aux
dîners fastueux de l’hôtel de Lassay
ruine  la patiente reconquête de
l’exécutif  après  les Gilets jaunes et
leur  mouvement anti-élite.
Sans compter que les élus marcheurs,
rigoureux dans leur gestion des deniers
publics, se disent ulcérés de voir leurs
efforts pour défendre la politique du
gouvernement mis à mal.
Surtout, Macron a bien compris le signal
du calendrier : un an presque jour pour
jour après l’explosion de l’affaire Benalla,
il n’était pas question de se laisser à
nouveau subtiliser le feu de l’action. Il a
donc rapidement changé son fusil d’épaule
durant le week-end du 14  Juillet. Et
écouté plusieurs ministres influents qui
lui tinrent en substance ce discours  :
« La situation n’est plus tenable, Rugy est
inaudible, isolé et fragilisé. Le protéger
revient à se mettre en danger. »
D’où vint au président l’idée de
demander  à  Matignon les pièces des
enquêtes officielles diligentées. Pour
prendre une décision «  sur des faits et
non des révélations de presse », annonça-
t-il de Belgrade. Las, François de Rugy
se rend de lui-même chez le Premier
ministre et évoque son intention de
démissionner. Et s’exécute au sortir de
son entrevue. Voici donc Emmanuel
Macron devancé par l’acteur principal
de ce nouveau psychodrame gouverne-
mental, qui plombe le décollage de l’acte
de II du quinquennat. Le prix à payer
pour sauver l’été présidentiel... M. D.

PAR MICHAËL DARMON

M. YALCIN/ANADOLU AGENCY/AFP


N° 2141 - 21
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