VSD N°2141 – Août 2019

(Brent) #1

Le dépotoir “ordinaire” des


Parisiens négligents est bien


plus difficile à contenir


« Je n’avais jamais vu ça. C’était
n’importe quoi !, s’exclame l’un, qui a
parfois l’impression de remplir le ton-
neau des Danaïdes. Il nous arrive de
recommencer un nettoyage exactement
au même endroit, le lendemain. À croire
que les gens n’y comprennent rien ! »
Le soir même d’un samedi saccageur,
l’équipe de nuit est appelée pour inter-
venir rue de Trévise, où une explosion
de gaz a ravagé un pâté de maisons et
ses alentours, faisant deux victimes
chez les pompiers. Des voitures sont
souff lées, des murs éventrés, des
vitrines éclatées. Paris prend des airs
de Gaza un lendemain de bombarde-
ment. Les pompiers ont à peine ôté
leurs casques argentés que les uni-
formes chlorophylles arrivent. Sous
les feux de grands projecteurs, ils
s’activent vaillamment, suivis de près


l l l


Après le marathon, les
agents doivent nettoyer en un
temps record pour que
la circulation soit vite rétablie.

par des camions-bennes. « À chaque
fois, on les voit arriver derrière nous, et
se mettre à nettoyer comme des lutins.
Ils sont impressionnants », confie affec-
tueusement un “homme du feu”, qui
sait de quoi il parle lorsqu’il s’agit de
se donner sans compter. Les balayeurs
y passeront la quasi-totalité de la nuit,

recueillant parfois le remerciement
d’un badaud. « Le plus éprouvant pour
les équipes reste le marathon de Paris,
avoue Franck. Il faut nettoyer très vite
pour rétablir la circulation sitôt les
coureurs passés. » Un coup d’œil aux

20  kilomètres de Paris donne un avant-
goût du travail. Entre les monceaux
de vêtements abandonnés par les
participants et les bouteilles vides, on
découvre qu’une belle course sportive
est aussi un épouvantable dépotoir.
Au moins celui-ci est-il prévu par les
organisateurs ! Celui dont les Parisiens
négligents sont responsables au quo-
tidien est autrement plus difficile à
contenir. Car se pencher sur le travail
des équipes de la Propreté de Paris,
c’est découvrir l’ampleur du je-m’en-
foutisme ordinaire. Dans cette ville
où le nombre de poubelles au mètre
carré atteint des records, il y a toujours
un pékin pour jeter par terre une
canette ou un emballage plastique, qui
finiront tôt ou tard dans les fanons
d’une baleine bleue ou les narines
d’une otarie. H. DE L.

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