VSD N°2141 – Août 2019

(Brent) #1
Les pilotes étudient le circuit,
tracé en pleine Manche.

Un « singe » en action pour
maintenir le bateau à plat, malmené
dans les vagues normandes.

O


n aurait voulu monter à
bord et filer à folle allure
sur les f lots de cette côte
d’Albâtre. Mais un Thun-
dercat n’est pas à mettre
entre toutes les mains. Son
pilotage dans les vagues, à plus de
100 km/h, réclame une maîtrise, un
sang-froid et une irréprochable
connaissance de la mer. Casque inté-
gral attaché et gilet de sauvetage bou-
clé, Benjamin Rouve, 26 ans, s’installe
à l’arrière du bateau, les pieds calés dans
des trappes. « Les conditions sont diffi-
ciles aujourd’hui, martèle le vice-cham-
pion du monde de la discipline. Il y a du
vent, des vagues, ça frappe beaucoup. On
ne privilégiera pas la vitesse, mais plutôt
la reprise et les accélérations. »
À 200 mètres au large de la plage de
Dieppe (Seine-Maritime), cinq équi-
pages de Thundercat, qui participent
au championnat de France, sont aux
ordres du drapeau.
Les moteurs ron-
ronnent avant de se
déchaîner, une fois
le départ lancé.
Leur son rauque fait
bondir les specta-
teurs, dont la plupart louent l’audace
de ces pilotes capables de naviguer
en mer à des vitesses dignes de celles
d’une voiture sur une nationale. Ces
Thundercat – abréviation en anglais
de tonnerre, « thunder », et de cata-
maran – développent 50 ch pour un
poids maximal de 325 kg.
Conçus en Afrique du Sud dans les
années 1980, ces bateaux à coque gon-
flable sont avant tout utilisés par les
sauveteurs pour porter assistance aux
baigneurs en difficulté. « Il fallait des
embarcations courtes, rapides et réac-
tives pour passer les rouleaux de vagues,
explique William Miliziano, vice-pré-
sident du comité français de Thunder-
cat. Des courses en mer et en rivière ont
rapidement eu lieu, un peu partout dans
le monde, jusqu’à débarquer en France


À bord, ils sont deux : un pilote à la manœuvre et un copilote, positionné à l’avant, qui joue le rôle de singe afin d’équilibrer le bateau et éviter qu’il ne s’envole. Le choc serait d’une extrême violence


en 2007. » À bord, ils sont deux : un
pilote à la manœuvre et un copilote,
positionné à l’avant, qui joue le rôle de
singe afin d’équilibrer les masses. « S’il
n’était pas là, le bateau se retournerait,
confie Benjamin Rouve. On est à la
merci des vagues, il est donc là pour don-
ner de l’appui et corriger l’assiette si on
est malmené. » Ce poste stratégique
est occupé par son cousin, Dorian
Gimenez, 22 ans : « Je dois m’adapter
aux conditions, en prenant en compte
la direction et la force des vagues, leur
hauteur, le vent. En fonction, je me
déplace beaucoup, toujours agrippé à
une corde, pour éviter la chute. »
Sur l’eau, trois commissaires en Jet-Ski
s’assurent que le circuit de 1,6 km de
long, délimité par cinq bouées, est res-
pecté. Il n’y aura que huit tours au lieu
de dix, en raison de la météo. « On a dû
adapter le bateau, nous expliquent Tris-
tan et Marvin Riccucci, dont c’est les
premiers champion-
nats. On n’a pas gon-
flé les coques trop dur
et les hélices sont
courtes pour privilé-
gier l’accélération.
Aller vite dans des
vagues pareilles ne servirait à rien. »
Il faut pourtant les voir bondir au-
dessus de l’eau et accélérer en sortie
de crête de vague. Un pilotage extrême
et agressif, qui ne pardonne aucune
erreur. À près de 70 km/h, le bateau
n° 18 est propulsé dans les airs, éjec-
tant son équipage. Drapeau rouge. Le
choc est d’une extrême violence. « On
a pris une vague trop vite et on s’est re-
tourné, détaille Tristan. À cette vitesse,
l’eau est dure comme du béton. » Pas de
blessure, mais une grosse frayeur.
Ainsi sont les courses de Thundercat :
rapides et trépidantes. Il faudra conti-
nuer d’apprivoiser ces bateaux fous
pour espérer participer l’an prochain
aux championnats du monde, qui se
dérouleront dans les rouleaux
d’Afrique du Sud. A. G.

Les courses de Thundercat,


en mer ou en rivière, ont


débarqué en France en 2007


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