VSD N°2141 – Août 2019

(Brent) #1

S


ous leur parasol orangé aux motifs psyché­
déliques, Martine et Fred prennent l’apéro à
côté de leur Combi Volkswagen. Une radio
crache une chanson de Sylvie Vartan. Bienve­
nue au camping rétro La Gambionne, à Gou­
dargues, charmant petit village du Gard bordé
par la Cèze. « On adore ces années 1970, raconte Martine.
Quand on monte dans notre Combi, c’est un sas spatio-
temporel qui nous transporte dans les années de notre jeu-
nesse. Alors tout est de cette époque, la vaisselle, la table de
camping, la glacière orange, le fanion. » Le couple a acheté
son premier Combi il y a dix ans. « J’ai des copains fans des
vieilles Volkswagen, explique Fred. Ils m’ont initié et puis
j’ai plongé. Il y a six ans, j’ai fait venir ce Combi de l’Oregon.
C’est un modèle 77 Riviera ; il est fait pour les États-Unis,
pas pour l’Europe. Il est très bien fini. C’est de plus en plus
dur de trouver ces camping-cars mythiques en Europe. »
Frigo au gaz, tissu, moquette, tout est d’époque et rutilant.
« Ne nous prenez pas pour des allumés, s’amuse Martine.
À la maison, on est des gens normaux, mais quand on prend
le Combi, on s’amuse. »
Véronique et Marc ont créé ce camping
un peu hors du temps il y a huit ans.
« Marc a travaillé dans l’aménagement de
camping-car, et il adore les vieilles voitures
et les brocantes. Ils ont décidé d’acheter et
de refaire des vieilles caravanes d’époque.
C’est ainsi qu’est né ce camping un peu
particulier », raconte une amie. Tout est
fait pour vivre des vacances rétro. Déco
soignée, soirées costumées, le dépaysement est garanti.
Chaque année, les décorations sont différentes. Et Marc
et Véronique ont de la ressource. Un entrepôt de plus de
2 000 m^2 est rempli de vieilles voitures, Renault – 2CV,
4CV, Juvaquatre et Dauphine –, Peugeot – 403, 504 –,
Simca – P60. On y trouve aussi des Vespa, des Solex, et
une multitude d’objets et de costumes d’époque.
La Gambionne, c’est le temps des fameuses tentes Triga­
no et des toutes premières caravanes, les célèbres Gruau,
Bel Air, Rapido et autres Fleurette. Ce sont les transistors
Radiola et Grandin, qui diffusaient l’émission culte d’Eu­
rope n° 1 « Salut les Copains », les tourne­disques Teppaz,
sur lesquels on mettait les premiers vinyles de Johnny,
Claude François, Franck Alamo, Sylvie Vartan et Dalida.
En ce début de saison, ils sont près de quarante à s’instal­
ler pour un week­end prolongé. Soizic, une prof d’histoire­
géo d’une petite quarantaine d’années, n’est pas venue de
très loin. « Je me suis dit que c’était sympa de profiter de ce
beau temps, de la Cèze... même si j’ai encore le dernier


paquet de copies de l’année à corriger. Je me suis décidée
sur un coup de tête. J’aime bien cette vie rustique. Ici, il y a
l’esprit du camping, c’est familial. Ceux de la côte, au Grau-
du-Roi par exemple, sont devenus luxueux pour certains.
La déco, les animations, la passion des habitués pour ce trip
dans les sixties et seventies, ça met tout de suite une
ambiance conviviale et simple. Et puis j’ai grandi dans
une certaine nostalgie de ces années, à travers les récits de
mes parents et, justement, à travers le mobilier de vacances
et de loisirs chez mes grands-parents. Il y a quelque chose
d’un plaisir régressif à venir ici quand on appartient à la
génération Casimir... »
Le dépaysement, c’est ce que sont venus chercher Katy,
Jérôme, Anne­Charlotte et Jean­Mathieu, avec leurs en­
fants. « J’en ai entendu parler par des collègues de travail.
Le style, ça fait une vraie coupure, on est arrivés hier et on
a l’impression d’être en vacances depuis longtemps. » Une
vieille bande de potes dispersés dans le sud de la France
s’est aussi donné rendez­vous à La Gambionne. On les
cueille à leur troisième apéro. « Baignade, pétanque,
pastis... Ici on a l’essentiel », résume Franck.
Le camping est aussi un lieu pour faire
des rencontres. Soizic et l’une de ses
amies ont rendez­vous avec une famille
venue fêter un anniversaire. Ils vont faire
un pique ­nique au bord de la Cèze. En
costume, comme il sied. Une franche
partie de bonne humeur. Les occupants
des canoës qui passent sur la rivière
regardent le spectacle, amusés. Pour
l’après ­midi, Soizic et ses amis ont décidé d’aller visiter
Montclus, un des plus beaux villages de France, et d’aller
voir les décors du film Poly, qui est en cours de tournage.
Poly, c’est un feuilleton télévisé écrit et réalisé par Cécile
Aubry dans les années 1960, qui inspire aujourd’hui le
réalisateur Nicolas Vanier.
Une fête se prépare. Véronique et Marc ont sorti des
costumes. Les vacanciers se précipitent pour trouver le
vêtement et l’accessoire qui feront d’eux les stars de la soi­
rée. « On dirait les filles un jour de soldes, tacle Richard. On
met trois bouts de chiffon et elles sont folles ! » En guise de
réponse, un soulier passe près de sa tête. Il explose de rire.
Autour du buffet, les campeurs font connaissance. Les
enfants se sont approprié le Solex triporteur et font des
tours de terrain. La sono diffuse de l’acid rock, cette mu­
sique née dans les sixties, influencée par la prise de LSD.
Le soleil tape. Citant Franck Dubosc, alias Patrick Chirac,
Franck lâche à la cantonade : « Comme dirait un campeur
célèbre, “pastis par temps bleu, pastis délicieux”. » J. D.

Véronique et Marc ont tout prévu pour les fans du rétro : des décos, des vêtements, des caravanes et des voitures des années 1960 et 1970. Un sas spatio-temporel sous le soleil du sud de la France


“Il y a quelque chose d’un


plaisir régressif à venir ici


quand on appartient à la


génération Casimir”


60 ­ N° 2141

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