P
rince Harouna avance
rapidement, malgré la
nuit sombre et les rochers
asymétriques modelés
pour casser les chevilles.
Le policier de l’environ-
nement de Mayotte doit être en poste
très vite pour prévenir ses collègues
au moindre mouvement. Il sort ses
lunettes de vision thermique. À
plusieurs centaines de mètres, de
l’autre côté de la baie, la plage se des-
sine en négatif. Soudain, un point blanc
apparaît. Prince retient son souffle.
Un homme, seul. Probablement une
vigie attendant que les tortues montent
sur la plage pour les massacrer.
Au moins 300 tortues sont tuées
chaque année à Mayotte – d’après les
carcasses retrouvées –, sur les 3 000
qui viennent pondre tous les ans.
Chacune peut fournir 80 kg de
viande, dont le prix grimpe parfois à
30 € le kg. Un seul animal rapporte
donc jusqu’à 2 400 €. Une fortune
pour un département où 80 % des
habitants vivent avec moins de 900 €
par mois. Pourtant les tortues vertes,
ou Chelonia mydas, sont sur la liste
rouge des espèces menacées de l’Union
internationale pour la conservation
de la nature (UICN).
Les sept inspecteurs de l’environne-
ment du service départemental de
l’Agence française pour la biodiversi-
té (AFB) dédient 40 % de leur temps à
la traque de leur braconnage, le reste
allant notamment à la police de l’eau
et des milieux aquatiques, et à la pêche.
« J’espère que mon fils pourra en
approcher un jour, désespère Prince. Si
ça continue, dans quelques années, il n’y
aura plus de tortue à Mayotte. » l l l
Chaque animal peut fournir
80 kilos de viande et rapporter
jusqu’à 2 4 00 euros...