VSD N°2141 – Août 2019

(Brent) #1
8 - N° 2141

L


’accès aux mers chaudes
a été le dogme des tsars
et du Kremlin depuis la
Grande Catherine. Ils
en rêvaient, Poutine l’a fait.
L’annonce par Erdogan de
l’arrivée de missiles soviétiques
dernier cri dans cette chasse
gardée de l’OTAN et des
« States » n’est pas innocente.
Il a choisi jour pour jour la
date anniversaire du putsch
manqué de juillet  2018 , qui a
donné lieu à une épuration de
plus de 100 000  fonctionnaires
« insoumis ».
Une purge à la soviétique (déjà),
mais qui a moins agité les
bien-pensants des médias que le
logement de François de Rug y.
Pourtant on va vers échec et mat.
Vladimir, ce joueur d’échecs
planétaires, attendait son heure
et avait avancé ses pions sous
forme de conseillers militaires
en soutenant le régime sangui-
naire du clan el-Assad. Ils ont
annihilé Daesh, que soutenaient
subrepticement les Turcs de la
frontière nord. D’abord parce
que Daesh est sunnite – comme
les Turcs – et surtout parce que
le commerce du pétrole volé par
les islamistes passait par la
Turquie. Dans les faits, Poutine
sauvegardait la seule base
en Méditerranée pour ses sous-
marins nucléaires russes, le port

de Tartous, au nord de la Syrie,
au nom du traité de coopération
signé en 1980 avec Leonid Brej-
nev, le dernier tsar bolchévique.
En clair, après la Syrie, Poutine
vient de piquer la Turquie à
Trump, lequel, embarrassé pour
une fois, ne lance pas ses tweets
vengeurs comme il l’a fait pour
le Coréen du Nord. Ce n’est pas
le même adversaire, il est plus
proche et c’est un « ami » de
l’oncle Sam depuis la guerre
froide, et cela remonte à 1952.
La Turquie veut s’émanciper et
choisit son système de défense,
comme au bon vieux temps de
l’Empire ottoman, qui l’avait
rapprochée du Kaiser. Parado-
xalement, alors qu’elle participe
au programme des avions
furtifs F-35, elle commande à
la  Russie en 2017, des S-
dernier cri, capables, justement,
de percer à jour les systèmes
de défense du F-35. Mais la
livraison est un signe.
Trump met la pédale douce
et range sa batterie de tweets
vengeurs. Alors on commence
par lui interdire de participer à
la fabrication des F-35 et l’on
menace (mais « retenez-moi ! »)
Ankara d’un embargo « iranian
style ». La législation US oblige
à prononcer des sanctions.
On  attend de voir... C e t t e
percée de Poutine embarrasse

les Américains et le royaume
wahhabite de Ben Salman, un
autre sanguinaire, mais qui a la
Légion d’honneur...
Échec et mat il y aura dès lors que
l’Iran, un grand empire déchu,
se réveillera à l’Occident – ce que
souhaitait Obama en signant le
traité nucléaire et en levant les
sanctions. Un choix historique
qui renversait les alliances US
dans la région. Un choix défait
par Trump à son arrivée, mena-
çant de transformer l’Iran en par-
king. Lorsque ce pays à l’histoire
illustre, issu d’un Empire perse
dynamique, tourné vers le com-
merce et l’industrie, et doté d’un
marché de 85 millions d’habi-
tants, rejoindra le camp Poutine,
la tenaille sur la région se refer-
mera, avec Erdogan à la tête de
ses 83 millions de Turcs et d’une
armée forte et entraînée, avec la
Syrie d’un côté, et l’Iran de l’autre,
fermant le détroit d’Ormuz. Entre
les deux empires réchappés, les
principales réserves mondiales
de pétrole et de gaz, le berceau
des religions, et la Terre sainte.

TRUMP
EMBARRASSÉ
POUR UNE FOIS
NE LANCE PAS
SES TWEETS

VENGEURS


MISSILES TURCS :


POUTINE 1/TRUMP 0


CYRIL BITTON/DIVERGENCE


La lettre de l’éditeur


Georges Ghosn
Directeur de la publication
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