VSD N°2141 – Août 2019

(Brent) #1
Pipe et bretelles... Yves Dubreuil,
directeur du projet de la 1re grenouille.

U


n succès pareil, tous les
constructeurs en rêvent.
Lors de sa première appa-
rition au salon de l’auto de
Paris, en 1992, la Twingo
est accueillie dans un
immense élan de sympathie. Une
euphorie qui rappelle à beaucoup celle
qui entoura la naissance de la presti-
gieuse Citroën DS au salon de 1955.
On avait rarement vu ça. À tel point
que dès le premier jour d’exposition,
le constructeur au losange devra sou-
der les antennes radio intégrées aux
rétroviseurs : les visiteurs emportaient
un souvenir de l’ovni.
Avec son regard de grenouille, ses
quatre couleurs opaques bien voyantes,
son tarif serré, son nom badin, la
Twingo casse les codes. Elle se montre
très innovante sur le plan architectu-
ral, avec sa carrosserie de type mono-
volume jusqu’alors réservée aux
monospaces. Si les deux grandes
portes latérales ne sont guère com-
modes pour accéder aux places arrière
ou s’extraire dans les parkings étroits,
l’aménagement de l’habitacle, au look
dépouillé, fait preuve d’une grande
ingéniosité. La banquette coulissante
permet d’exploiter au mieux le volume
de cette Twingo qui mesure seulement
3,43 m de long. Il est même possible
de former un lit en inclinant le dossier
vers l’arrière. Un détail qui n’échappe
pas à la presse automobile italienne,
qui lui décerne alors le titre de voiture
la plus sexy ! Dépourvue de déclinai-
son avec conduite à droite, la coquine
ne fera pas le bonheur des Anglais et
autres Irlandais. Cela ne l’empêchera
pas de s’écouler à près de 2,5 millions
d’exemplaires.
La Twingo a pourtant bien failli ne
jamais voir le jour. « C’est un enfant
miracle, selon Christophe Bonnaud,
spécialiste du design automobile et
fondateur du site LIGNES/auto. La
première maquette dormait dans un


Sur les trois générations de Twingo, c’est la première qui a fait la plus forte impression, grâce à l’audace de son design et à son architecture très novatrice. Tous les regards se braquent sur elle


coffre depuis 1986 avant que le nouveau
patron de Renault, Raymond Lévy, et le
responsable du design, Patrick Le Qué-
ment, la ressortent, en 1988. » Seulement,
la Twingo est aussi large que la future
Clio, ce qui pose un problème straté-
gique et retarde sa validation. L’abou-
tissement du projet est confié à Yves
Dubreuil, directeur des projets véhi-
cule au sein de Renault, avec la consigne
de respecter un budget très limité.
L’indestructible moteur en fonte de
55 ch comme la boîte de vitesses seront
ainsi repris de la Renault 11.
Dans l’équipe du design, c’est au jeune
Jean-Pierre Ploué que l’on confie la
réalisation de la silhouette. Son copain
des Arts appliqués, Thierry Metroz,
se charge de concevoir les phares. Le
premier dirige désormais le style du
groupe PSA tandis que le second cha-
peaute celui des DS. La bouille inou-
bliable de leur Twingo ancrée dans
le patrimoine français a sans doute
contribué à leur succès professionnel.
Christophe Bonnaud n’a jamais vu un
tel engouement pour une voiture.

« Lorsque je l’ai essayée en avant-première
pour L’A ut o -Jo u r n a l, je me suis rendu
dans mon petit village du Morvan, comme
d’habitude. En arrivant, j’avais l’impres-
sion d’être le président. Ma citadine popu-
laire, de couleur framboise, produisait un
effet bœuf auprès des Bourguignons.
Même la plus belle des Mercedes n’atti-
rait pas autant les regards. » Conscient
du charme de son modèle, Renault ne
touche pas à la ligne de sa grenouille
pendant quinze ans. La marque préfère
parler de nouvelle collection plutôt que
de restylage et n’hésite pas à multiplier
les séries spéciales, Alizé, Kenzo...

Mais l’arrivée de Carlos Ghosn à la
tête de l’entreprise impose de pro-
fonds changements et scelle le sort
de la petite française fabriquée à Flins,
dans les Yvelines. Produite en Slové-
nie, la deuxième génération (2007)
adopte des lignes plus consensuelles,
s’allonge pour atteindre 3,70 m et
étoffe ses motorisations. La Twingo
peut carburer au diesel et se décline
dans une version sportive RS de
133 ch. Des modèles R1 et R2 sont
même proposés, en 2000, pour faire
du rallye. La troisième génération
(2014) renoue avec un design auda-
cieux signé par le Hollandais Laurens
van den Acker. Dotée de portes arrière
et d’une vitre arrière amovible faisant
office de hayon, cette Twingo aux
faux airs de R5 néorétro partage son
architecture et ses moteurs avec la
Smart Forfour, dans le cadre d’une
alliance avec Daimler. Toujours co-
quette mais plus onéreuse et moins
spacieuse, la petite Renault a laissé
sa place de voiture populaire à la
Dacia Sandero. Mais qui sait, à l’occa-
sion d’une version électrique, la
marque au losange pourrait renouer
avec l’esprit de la (verte) grenouille.
MAXIME FONTANIER

La version 1 s’est écoulée à plus


de 2,5 millions d’exemplaires :


un immense succès populaire


86 - N° 2141

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