Afrique Magazine N°395-396 – Août-Septembre 2019

(Marcin) #1
62 AFRIQUE MAGAZINE I 395-396 - AOÛT-SEPTEMBRE 2019

ÉTAPES


exposé à des défis particuliers en matière de développement,
engagé dans une véritable bataille contre la pauvreté. Un pays
aussi sur la « ligne de front », qui fait face à des enjeux cruciaux
en matière de sécurité. Quelque chose de fortement symbolique
de voir Niamey, capitale revigorée, transformée, ouverte sur
le futur.
La Zlecaf deviendrait la plus grande zone de libre-échange
au monde avec plus de 1 milliard d’habitants et 2 500 milliards
de produit intérieur brut cumulé. Personne n’est naïf sur l’am-
pleur du défi. La Zlecaf apparaît comme un projet « généra-
tionnel », sur plusieurs années, qui doit mobiliser les politiques,
le secteur privé, la société civile. Il faudra de la volonté et du
souffle. La construction de la zone, sa mise en œuvre effective,
représente un chantier à la fois long et très complexe : harmoni-
sation des blocs régionaux existants, des milliers de procédures,
démantèlement des barrières tarifaires et des barrières non
tarifaires, création des règles d’origine efficaces, mise à niveau
des administrations et de la gouvernance pour manager un
marché d’une telle ampleur...
Le principal, au fond, c’est cette volonté de s’affranchir
des pesanteurs du passé. L’empreinte coloniale a durablement
marqué les économies du continent, et la place qui lui a été
assignée dans les échanges mondiaux. Les nations africaines
sont essentiellement productrices de matières premières, ou, au
mieux, de produits semi-transformés. Elles ont une place attri-
buée dans le bas de la chaîne de valeurs. Elles sont dépendantes
des prix internationaux, fixés à des milliers de kilomètres. Les
économies se sont « balkanisées » dans des frontières étroites,
et concurrentes entre elles. L’enjeu, ici, c’est de se défaire de
ce carcan, de compter sur ses propres forces, les opportunités
locales et, dans les faits, de dynamiser le commerce interafri-
cain, qui ne représente aujourd’hui que 15 % du volume total.
Encore une fois, le chemin sera long. Pour échanger, il faut des
produits made in Africa... La Zlecaf devra provoquer une baisse
notable des importations, accentuer rapidement la capacité de
production du continent, en exigeant des règles d’origine pour
promouvoir un contenu réellement africain. Il faudra définir
des secteurs stratégiques à protéger provisoirement, le temps
qu’ils puissent affronter la concurrence internationale.
Et puis, au fond, la Zlecaf, le commerce, n’est pas une fin
en soi. C’est un moyen. Un instrument supplémentaire, ambi-
tieux, dans ce qui reste, le combat majeur des années à venir.
Sortir le continent de la pauvreté, s’inscrire dans une véritable
démarche émergente. Le commerce, c’est bien, mais l’Afrique a
aussi besoin d’infrastructures, d’énergie, d’investissement dans
le secteur social, dans l’éducation, de lutter contre les effets du
changement climatique.
Ce sommet de Niamey n’est pas un aboutissement. L’ap-
proche pas à pas prendra du temps, mais le principal, finale-
ment, c’est la dynamique! Niamey est un point de départ, le
début d’un vaste chantier qui doit nous porter vers l’avenir,
vers demain. ■

Le Nigeria
et son président,
Muhammadu
Buhari, ont
finalement
ratifié le texte
de la Zlecaf.

Ci-dessous, l’hôte
nigérien Issoufou
Mahamadou et le
président égyptien
Abdel Fattah al-Sissi,
qui coprésidera
le sommet.

Il y a une
volonté
de sortir
de la place
assignée
à l’Afrique
dans les
échanges.
LeprésidentivoirienAlassaneOuattaraetleprésident
delaCommissiondel’Unionafricaine,MoussaFakiMahamat.

Le président Issoufou avec le président du Zimbabwe, Emmerson
Mnangagwa (et sa fameuse écharpe), en discussion avec le président
de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina.

LOUIS VINCENT (2) - DR - LOUIS VINCENT

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