Afrique Magazine N°395-396 – Août-Septembre 2019

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68 AFRIQUE MAGAZINE I 395-396 – AOÛT-SEPTEMBRE 2019

DÉCOUVERTE/Djibouti


néanmoins estompées [voir interview du ministre
de l’Enseignement supérieur ci-après] – persistent
entre la capitale et les villes de l’intérieur.
Le nombre d’élèves dans les établissements
techniques a triplé au cours des vingt dernières
années et celui de l’enseignement supérieur
a quintuplé depuis la création, en 2006, de
l’Université de Djibouti [voir encadré]. L’exigence
d’une éducation de qualité pour tous suppose
des moyens. Le pays n’en a pas beaucoup, mais il
a consacré une moyenne de 19,2 % des dépenses
courantes au secteur sur la période 2009-2016.
Celles-ci sont passées de 10,8 milliards de francs
Djibouti (51 millions d’euros), en 2009, à près
de 20 milliards de francs Djibouti (100 millions
d’euros), dont 3,3 milliards pour l’enseignement
supérieur, en 2016. Ces deux dernières
décennies, l’État a consacré annuellement 6,5 %
de la richesse nationale aux investissements
dans l’éducation. Résultat : si, en 1999, il ne
disposait que d’un lycée et de quatre collèges de
l’enseignement moyen, il en compte aujourd’hui
respectivement 28 et 57. Cependant, la quête
d’excellence n’est pas nouvelle à Djibouti.

UNE URGENTE NÉCESSITÉ
Ancien directeur de l’Office national du
Tourisme, désormais secrétaire général de la
présidence de la République, Mohamed Abdillahi
Wais, la cinquantaine discrète, se souvient de ses
années de lycéen. « Quand le pays ne disposait
que d’un seul établissement secondaire, il fallait
avoir plus de 14 de moyenne générale au collège
pour être admis au lycée. Et pour poursuivre son
cursus et passer en classe supérieure, obtenir
16 de moyenne était exigé. Cela nous motivait
et nous poussait vers l’excellence. Conséquence :
faute d’université chez nous, le bac en poche,
nous allions finir nos études à l’étranger et,
hormis quelques rares exceptions, nous finissions
majors de notre promotion. »
L’épisode de la rupture du contrat de
concession accordé à DP World, en février 2018,
le bras de fer qui a suivi ainsi que la reprise en
main des infrastructures portuaires de Doraleh
par un encadrement exclusivement djiboutien,
avec la réussite que l’on sait – des performances
multipliées par cinq en quelques mois –, ont

L’éducation


et un enseignement


technique moderne


sont des priorités
pour soutenir
la stratégie
économique et la
compétitivité.

montré l’intérêt d’avoir des ressources humaines
compétentes. Cependant, celles-ci sont nettement
insuffisantes au vu des ambitions du pays de
devenir un hub commercial et numérique, face
à la concurrence impitoyable de certains ports
de la région. Le renforcement des capacités
passe par un secteur de l’éducation performant
et un enseignement technique moderne, adapté
à la stratégie de développement.
L’enseignement général a certes été choyé
par le gouvernement, mais l’effort s’est aussi porté
sur la formation professionnelle et l’enseignement
technique. En 2011, le président décide de les
placer sous la tutelle du ministère de l’Éducation
nationale. « L’exigence d’excellence nous posait
de grands défis : former nos formateurs, mettre
nos établissements aux normes internationales,
renouveler et moderniser nos équipements
pédagogiques, adapter nos filières en fonction
des besoins du marché », précise Moustapha
Mohamed Mahamoud, ministre de l’Éducation
nationale et de la formation professionnelle
(Menfop). Le contenu des programmes a été
révisé, l’observatoire national de l’emploi a été
sollicité pour identifier les besoins du marché.
En quelques années, le nombre d’établissements
dédiés à l’enseignement technique est passé
de 5 à 17. Les cinq chefs-lieux de région disposent
de leur lycée technique et industriel, et à chaque
région sa spécialité : à Obock et Tadjourah,
les métiers de la mer, et à Arta, l’hôtellerie
et le tourisme. Les effectifs ont triplé, passant
de 1 900 élèves à près de 6 000. Abdoulkader
Houmed, directeur général de l’enseignement
technique et de la formation professionnelle,
est enthousiaste : « Jadis, l’enseignement
technique traînait la réputation d’être promis
aux mauvais élèves et aux recalés du général.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les parents
encouragent leurs enfants à choisir les filières
techniques. Chaque année, 600 élèves admis
en seconde générale optent pour le technique. »
Un plombier ou un mécanicien a en effet plus de
chances de trouver un emploi avec un bon salaire
qu’un licencié en sociologie ou en psychologie.
Les jeunes chômeurs déscolarisés ne sont
pas en reste. Grâce à un partenariat avec l’armée,
ils subissent une formation de conducteurs
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