Afrique Magazine N°395-396 – Août-Septembre 2019

(Marcin) #1
70 AFRIQUE MAGAZINE I 395-396 – AOÛT-SEPTEMBRE 2019

DÉCOUVERTE/Djibouti


« Comment préparer


l’élite de demain »


Nabil Mohamed Ahmed
Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Docteur en biologie, natif de la capitale, il est titulaire de ce portefeuille


ministériel depuis sa création, en 2011. Cette longue carrière politique


n’a pas éteint la flamme du chercheur et de l’universitaire de formation.


Pédagogie, organisation des filières, amélioration des contenus,


adaptation au marché du travail... À 58 ans, ce passionné


est pleinement engagé dans le grand projet éducatif national.


AM : Pouvez-vous nous
raconter l’histoire récente
de l’Université de Djibouti?
Nabil Mohamed Ahmed : Jusqu’à
l’arrivée aux affaires, en 1999,
du président Ismaïl Omar Guelleh,
nos bacheliers les plus méritants,
une quarantaine par an en moyenne,
obtenaient une bourse pour poursuivre
leur cursus universitaire à l’étranger.
En 2000, le chef de l’État décide
de créer un pôle universitaire
qu’il transforme, six ans plus tard,
en université pour répondre à l’arrivée
massive de nouveaux bacheliers,
conséquence de l’obligation de
scolarité jusqu’à l’âge de 16 ans. Faute
d’encadrement local, nos enseignants
étaient des répétiteurs, déclamant
les cours de professeurs d’universités
partenaires. En 2011, le président
décide d’une montée en gamme.
Sur le plan institutionnel, il crée
le ministère de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche.
Sa feuille de route? Élargir l’offre
de formation, améliorer la qualité
de l’enseignement et renforcer

les capacités de nos enseignants.
Cette année-là, notre encadrement,
toutes filières confondues, était
constitué de 18 docteurs. On en recense
aujourd’hui 80, et 45 doctorants.
Qu’entendez-vous par élargir
l’offre de formation et améliorer
la qualité de l’enseignement?
Nous étions dans une logique
de formation-emploi. Un Djiboutien
entamant un cursus universitaire
était promis à un poste dans la fonction
publique. Avec la progression des
effectifs, cela n’était plus tenable.
Il fallait s’adapter à la réalité du marché
de l’emploi et aux besoins spécifiques
de notre économie basée sur les
services, la logistique et les transports.
Des filières essentiellement
techniques...
Pas seulement. La technicité
est parfois insuffisante. Nous avons
compris que nos diplômés étaient
recalés lors des recrutements
dans les ports et les zones franches.
Leur handicap? Avoir été formés
en langue française. Or, le commerce
international utilise exclusivement

l’anglais. C’est pourquoi notre faculté
d’ingénieurs, depuis sa création
en 2013, dispense la totalité de
son cursus dans cette langue.
Sur quelles filières mise l’Université
de Djibouti pour préparer
l’élite aux défis du futur?
Notre pays a investi dans
des méga-infrastructures dont la
vocation est d’être pilotées par des
microstructures. Notre objectif est
de consolider l’attractivité de nos
installations en ajoutant une plus-value
à l’offre de services de Djibouti. Nous
misons sur le numérique appliqué à la
logistique et aux transports. Grâce à un
appui financier de la Banque mondiale,
un centre d’excellence a été mis en
place. Outre sa vocation pédagogique,
cette structure deviendra, à terme,
un incubateur de jeunes talents
et de chercheurs, qui développent
des applications numériques visant
à améliorer la gestion des services,
de la logistique et des transports.
Quelle est la représentativité
de la gent féminine dans la
sphère universitaire à Djibouti?
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