Afrique Magazine N°395-396 – Août-Septembre 2019

(Marcin) #1

PERSPECTIVES


84 AFRIQUE MAGAZINE I 395-396 – AOÛT-SEPTEMBRE 2019

de la Gombe, la plus importante zone
administrative et d’affaires de Kinshasa.
Immeubles de bureaux et d’habitations,
cités résidentielles, magasins, centres
commerciaux, supermarchés, hôtels...
La Gombe se hérisse, jour après jour,
de nouveaux bâtiments, avec une pré-
férence pour les tours et les immeubles
hauts, dont les prix des bureaux ou des
logements (à l’achat ou à la location)
avoisinent ceux des grandes capitales du
monde. Voire les dépassent. Pour preuve,
au quartier GB, le complexe résidentiel La
Promenade, réalisé et géré par Safricode,
comprend 61 villas de luxe. La clientèle?
De riches Congolais et étrangers, puisque
pour une villa de trois chambres et salon,
plus les dépendances, il faut compter au
moins 750 000 dollars. L’entreprise gère
d’autres projets immobiliers, dont Le
Panoramique, près de la gare centrale,
ou le complexe Le Mirage de la Funa,
tous dotés d’une piscine, d’un jardin,
de fontaines et d’une salle de sport. Des
constructions du même genre, réalisées
par d’autres promoteurs,
existent à la Gombe.
Autre nouveauté, la
vente d’appartements ou
de villas sur plan. La fré-
nésie de la construction,
de luxe ou plus modeste,
s’est installée à Kinshasa.
Outre la Cité du fleuve,
de Hawkwood Properties,
bâtie sur une presqu’île
d’un quartier populaire de
Limete, plus d’une com-
munevoit fleurirde nou-
veauxbâtiments.Alorsque
l’immobilierest l’apanage
des Indiens– réputéspourla qualitéde
leursimmeubles et leurarchitecture –
et des Libanaisà la Gombe,ailleursil
est aux mainsdes Chinois.Ceux-ciont,
entreautres, réalisé, avec la Fikin,la
Cité moderne,et, avecl’État,la résidence
Kin Oasis,à Bandalungwa.Les Congolais
sontaussiactifsdansle secteur.Parmi
le genrearchitecturalen voguefigurele
stylenande,du nomde l’ethniedominante
dansles territoiresde Beni,Butemboet

ond-point
Ngaba, 17 heures. La circulation res-
semble à une mêlée de chauffeurs indisci-
plinés. On ne sait plus de quel côté passer.
À droite, une voiture en sens contraire
de la circulation. Là, un immense bus au
toit surchargé de colis qui menacent de
se renverser. Devant, un autre bus qui
masque la route, et derrière, un chauffeur
impatient qui confond klaxon et tambou-
rin. Et des roulages, alias la police de la
circulation, qui en profitent pour verba-
liser. Un vrai capharnaüm. Pas de doute,
Kinshasa, la capitale de la RD Congo,
reste Kinshasa. Seules quelques grandes
affiches rendant hommage à feu Étienne
Tshisekedi, le père de l’actuel
président de la République,
rappellent que le régime a
changé de camp. Le candi-
dat malheureux à la prési-
dentielle de 2011 et président
de l’Union pour la démo-
cratie et le progrès social,
créée en 1982, personnifie
la lutte contre la dictature
de Mobutu et pour la démo-
cratie. Situé au carrefour des
communes populaires de
Makala, Lemba et Ngaba, le
rond-point Ngaba n’est pas
le seul lieu à connaître de
gigantesques embouteillages, surtout
aux heures de pointe. Aucun quartier,
aucune commune ou presque n’échappe
au phénomène. D’où des déplacements
qui peuvent dépasser deux à trois heures.
Les raisons? L’étendue sans fin d’unecapi-
tale de quelque 12 millions d’habitants.
Voire plus. « Kinshasa comprend 24com-
munes. On peut tabler sur aumoins
500 000 habitants pour chacune.Mais
des communes comme Kimbanseke,qui

abrite le quartier populaire de Kingasani,
en compte beaucoup plus. C’est une ville
dans la ville », indique Jean-Pierre, un
cadre congolais. La deuxième raison est
le manque de transports collectifs de type
tramway ou train urbain. Outre les ruti-
lants 4x4 aux vitres teintées et les voitures
des particuliers, le gros des déplacements
est assuré par les bus Transco, les minibus
Esprit de vie, et surtout des taxis privés,
désormais identifiables par leur couleur
jaune et leur volant à droite, mais aussi
des taxis-bus et des taxis véhicules appe-
lés « ketch » (qui signifie « basket » en argot
lingala), en raison de leur forme étroite et
ramassée. Sans oublier les motos, qui se
sont multipliées comme des petits pains,
et les moto-tricycles, surnommés « trois
pneus » ou « petita ».
L’autre facteur des bouchons est le
manque de routes carrossables, malgré
l’effort qui a été fait pour bitumer les
grands axes, mais qui a laissé de côté les
voies secondaires. Néanmoins, la circula-
tion devrait s’améliorer avec la construc-

tion de sauts-de-mouton,l’un des projets
du programmedes 100 joursdu président
FélixTshisekedi.Si la majoritédes Kinois
ont du mal à visualiserces voiesde com-
munication,pourn’en avoirjamaisvu, ils
saluentcetteinitiativedansune capitale
qui ne déméritepas son qualificatifde
tentaculaire.Kinshasane cesse,en effet,
de se densifieret de s’étendre.
En matièrede constructionsde luxe,
la palmerevientà la communehuppée

Hommage à Étienne Tshisekedi, farouche opposant à Kabila
et père de l’actuel chef d’État, à Kinshasa, le 31 mai 2019,
lors du rapatriement de sa dépouille deux ans après sa mort.

KENNY KATOMBE/REUTERS
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