Afrique Magazine N°395-396 – Août-Septembre 2019

(Marcin) #1
AFRIQUE MAGAZINE I 395-396 - AOÛT-SEPTEMBRE 2019 93

Vous avez joué dans son film multicésariséLa Graine
et le Mulet, qui vous a révélée en 2008 etvousa valule
César du meilleur espoir féminin.Diriez-vousqu’Abdellatif
Kéchiche a été déterminant dansvotreparcours?
Oui. Je lui dois beaucoup. Il m’adonnéma chanceet m’a
toujours encouragée lorsque je luimontraismesidéesde scé-
narios, il me disait : « Continue, croisen toi, mêmesi tu n’as pas
fait d’école de cinéma! » Je souhaitaisqu’ilvoiemonfilm,mais
il était très occupé avec la préparationet surtoutle montagede
Mektoub My Love : Intermezzo. Il a vu des extraitset s’est montré
très fier, ça m’a beaucoup touchée.
Comment vous évadez-vous?
Je fais du sport, car j’aime sentirl’effortphysiqueque j’im-
pose à mon corps, c’est très importantpourma forcementale.
Je me lève à 6 heures du matinet je vaisà la sallede sport.
J’aime aussi la nature et les arbres,qui selonmoi sontvivants
et nous apportent énormément.
Dès que j’ai un peu de temps, je
vais à Marseille, afin de passer du
temps auprès de ma famille. Il y
a un endroit emblématique que
j’affectionne particulièrement : la
basilique Notre-Dame de la Garde,
où tout le monde va prier. J’y vois
des Arabes, des Noirs, des femmes
voilées, des non voilées. Chacun
est là pour soulager son cœur.
Que retenez-vous d’autre de
Marseille, votre ville de cœur?
Mon enfance et mon ado-
lescence, très heureuses dans
les quartiers nord. J’y ai grandi
entourée de mes frères et sœurs et
d’amis que j’ai encore aujourd’hui,
même si pour eux, la vie n’est pas
toujours facile. Ce sont des liens
de fraternité, de solidarité très
forts. Tout le monde se connaissait. Le fait de vous en parler
me rappelle ma volonté d’aider ma mère, qui travaillait dur, de
me fixer très tôt des objectifs afin de la soulager. J’ai conscience
des tentations qu’il y avait dans cette zone laissée à l’abandon
par les pouvoirs publics, la police n’entre même plus dans cer-
tains endroits. Je vais aller y réaliser mon deuxième film, Bonne
mère, car j’ai ce devoir. Je dois le faire pour ma communauté et
les gens qui y vivent dans une vraie précarité – le 15 du mois,
le frigo est vide. Mais heureusement, il y règne de la joie, de la
chaleur humaine, la force de la vie reprend le dessus envers et
contre tout. J’ai envie de faire tourner les jeunes et de leur don-
ner leur chance à mon tour. J’ai déjà repéré une jeune femme à
un arrêt de bus. Les visages maghrébins et africains racontent
instantanément une histoire forte. Cela me renvoie à mes liens
forts avec le Maroc, l’Algérie.

Si vous pouviez vivre ailleurs, ce serait dans quel pays?
La Tunisie. J’y aime la douceur, le rythme, la tranquillité.
J’y retrouve la sérénité et l’apaisement dont j’ai besoin pour
me ressourcer. Je vais à la plage et je mange de délicieuses
glaces, je fais les puces et je fréquente le quartier qui s’appelle
La Hafsia, à Tunis [rires]. La lumière me fait également du bien.
C’est surtout le pays de mon père, et une réelle façon de m’en
rapprocher. Je suis très heureuse d’y présenter Tu mérites un
amour aux prochaines Journées cinématographiques de Car-
thage en octobre prochain, dans la capitale, dans laquelle j’ai
souvent été amenée à tourner avec Raja Amari, Mehdi Ben
Attia. Ensuite, il sortira en Égypte, ainsi que dans d’autres pays
du Maghreb et d’Europe. ■
Tu mérites un amour, d’Hafsia Herzi, sera en salles en France
le 11 septembre prochain.

« Je vais aller


réaliser mon


deuxième film,


Bonne mère,


dans les quartiers


nord de Marseille,


car j’ai ce devoir. »


Avec Abdellatif
Kéchiche, pour
Mektoub My Love :
Intermezzo,
au dernier
Festival de Cannes.

JACOVIDES-MOREAU/BESTIMAGE

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