Elle N°3843 Du 16 au 22 Août 2019

(Tina Sui) #1

20 ELLE.FR


PRESSE ; 2018 ET 2019 MR./KAIKAI KIKI CO., COURTESY PERROTIN.


PHOTO


PÉPITE


ELLE CULTURE


PAR SOLINE DELOS


PAR ANNA NOBILI


HORS


CHAMP


Réalisateur culte, Jerry Schatzberg fut aussi un grand
nom de la photographie dans les années 1960 aux États - Unis.
La preuve au domaine de Chamarande, dans une magnifique expo-
sition. Pour nous, il commente quatre clichés...
Le déclic (1). « C’est l’une des premières photos de rue que j’ai prises.
Je devais avoir 25 ans et je travaillais dans l’entreprise de fourrure
familiale, à Manhattan. J’y étais très malheureux, je m’échappais régu-
lièrement pour aller dans une boutique d’appareils photo. Ce jour-là,
j ’ étais à la fenêtre, en train de manger un sandwich, quand j ’ai vu cet te
scène. C’est au même endroit que j’ai lu une annonce pour un job
d’assistant photographe et c’est ainsi que tout a commencé. »
L’impromptu (2). « En 1962, “Esquire” m’envoie à Paris faire un
reportage sur les coulisses des défilés parisiens. Norman Parkinson

cherchant une échappatoire et luttant contre
les objets qui l’entravent, selon la mécanique
bien huilée du burlesque. Il esquisse deux
pas de danse, jongle divinement, disparaît
et réapparaî t avec une vir tuosité folle, se bat
avec une canne récalcitrante ou une poi-
gnée de porte. Cette pépite diablement
poétique est parfois désopilante, et finale-
ment mélancolique. L’homme est seul, perdu
dans un univers vertigineux. Puisque l’heure
est grave, autant en rire...
« HOMME ENCADRÉ SUR FOND BLANC »,
jusqu’au 31 août, Théâtre Tristan-Bernard, Paris-8e.

Buster Keaton? Mister Bean?
James Thierrée? Pierric Tenthorey, alias
l’« Homme encadré sur fond blanc »,
emprunte à tous ceux-là, mais en traçant un
sillon bien à lui. Feutre sur la tête, longue
silhouette et corps élastique, le jeune et élé-
gant artiste en costume invite au silence et à
l’humour. Cerné de murs blancs, de portes
blanches, de poignées blanches, il tente
désespérément de trouver la sortie, accom-
pagné par une ritournelle jazzy. Pauvre hère

SILENCE, ON RIT!


m’autorise à assister au shooting de mode qu’il
réalise pour “Vogue” et, à un moment, la manne-
quin se baisse pour rajuster sa chaussure. J’aime
autant saisir une at titude que l’inat tendu, qui, par-
fois, dévoile une forme de vérité. C’est aussi pour
cela que je suis un grand adepte de la photogra -
phie de rue. »
The look of love (3). « “Newsweek” m’avait
demandé de photographier Faye Dunaway, qui
était vraiment l’actrice du moment après le succès de “Bonnie and
Clyde”. À cette époque, elle et moi avions une histoire et, sur toute la
série, j’ai fait totalement disparaître le fond, car ce qui m’importait
était de ne donner à voir que sa beauté. »
Entre rois (4). « La première fois que je rencontre Bob Dylan, c’est
dans son studio. Évidemment, il est le roi en son domaine, mais, moi,
j’ai surtout envie de le photographier dans mon studio, où je suis le
roi! Ce que je fais quelques semaines plus tard. À un moment, il met
la main sur son visage et je shoote, quand d’autres auraient dit :
“Enlève ta main pour qu’on te voie”. Cela montre que Dylan est si
unique que, même la face cachée, on le reconnaît! »
« OFF GRAND CONCOURSE », jusqu’au 1er septembre, Domaine
départemental de Chamarande (91). chamarande.essonne.fr


  1. « Car Wash, New York », 1954.
    2. « Behind the Scene », 1962.

  2. « Legs », 1968. 4. « Smoke », 1965.

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