Les Echos - 20.08.2019

(vip2019) #1
demande est faible, et pas assez
lorsqu’elle est forte. Le stockage de
l’électricité permet de lisser ces pics
et ces creux. Avec une capacité de
stockage de quatre heures, une
ferme solaire générant de l’électri-
cité pendant huit heures verrait
ainsi sa production effective portée
à douze heures, s oit un gain d e 50 %.
Le marché est appelé à se déve-
lopper parce que l’écart de prix
entre les périodes de pic de la
demande et celles où les capacités
sont excédentaires ne cesse d’aug-
menter. Les acteurs du stockage
peuvent donc saisir un créneau qui
devient rentable. Dans l’idéal, il fau-
drait réussir à stocker l’énergie pen-
dant quatre à six heures, explique
l’étude de Bank of America. Mais,
même en la conservant deux à trois
heures seulement dans des batte-
ries, on pourrait augmenter la part
des renouvelables dans la produc-
tion d’électricité de 10 à 15 %, ce qui
la porterait de 10 % aujourd’hui au-
delà de 60 % au milieu du siècle,
estime la banque.
Le stockage prendra plusieurs
formes. L’essentiel sera réalisé par
les compagnies d’électricité, grâce à
des batteries disposées à proximité
d’un champ d’éoliennes ou d’une
ferme solaire, par exemple. En com-
plément, les foyers participeront
eux aussi au mouvement, en instal-
lant une batterie dans leur cave ou
en déchargeant l’énergie stockée
dans leur véhicule électrique lors-
que ce dernier n’est pas utilisé.
Autre atout indispensable pour
le stockage des énergies vertes, la

baisse indispensable du prix des
batteries. Entre 2010 et 2018, le coût
d’une batterie lithium-ion a déjà
décliné de 85 %, selon Bloomberg-
NEF. Il devrait encore baisser de
moitié d’ici à 2025, notamment
grâce aux économies d’échelle réa-
lisées avec l’essor du parc de véhicu-
les électriques. « Le prix des grosses
batteries pour les compagnies d’élec-
tricité va passer de 360 dollars par
kilowattheure aujourd’hui à 170 dol-
lars en 2030 », calcule Yayoi Sekine,
analyste chez BloombergNEF.

Des projets ambitieux
Malgré cette chute, le développe-
ment du stockage nécessitera des
investissements massifs : 662 mil-
liards de dollars au cours des vingt
prochaines années, toujours selon
BloombergNEF. Certaines régions
sont en avance, à commencer par

quelques Etats américains, dont les
politiques énergétiques mettent
l’accent sur le stockage, poursuit
Bank of America. La Californie vise
ainsi 1,8 gigawatt de capacités ins-
tallées dès 2020, New York
3 gigawatts en 2030.
Des compagnies d’électricité
comme XCel en Floride ont déjà
proposé de remplacer des centrales

Vincent Collen
@VincentCollen

Stocker l’électricité pour compen-
ser l’intermittence de la production
des éoliennes et des panneaux pho-
tovoltaïques est l’un des grands
défis à relever pour r éussir la transi-
tion énergétique. Ce marché du
stockage est encore balbutiant mais
devrait progresser de 16 % par an en
moyenne pour atteindre 27 mil-
liards de dollars en 2030, estime
Bank of America-Merrill Lynch, q ui
vient de publier une étude sur ce
sujet. Il atteindrait 58 milliards en


  1. A cet horizon, pas moins de
    6 % de la production électrique
    mondiale pourrait être stockée
    dans des batteries, prévoient les
    experts de la banque américaine.
    Pour BloombergNEF, on passerait
    des capacités très modestes instal-
    lées aujourd’hui sur la planète
    (moins de dix gigawatts, l’équiva-
    lent de dix réacteurs nucléaires) à
    plus de 1.000 gigawatts en 2040.
    Les moteurs de cette expansion
    sont puissants et ils s’alimentent les
    uns les autres. Le premier, c’est
    l’essor des énergies renouvelables,
    indispensable pour réduire les
    émissions de gaz à effet de serre. Or
    les éoliennes ne produisent pas
    d’électricité quand le vent ne souffle
    pas. Idem pour l es p anneaux photo-
    voltaïques lorsqu’il n’y a pas de
    lumière. Bref, les renouvelables
    produisent parfois trop lorsque la


ÉNERGIE


85 %

La baisse du coût d’une batterie
lithium-ion entre 2010 et 2018,
selon BloombergNEF.
Il devrait encore diminuer
de moitié d’ici à 2025.

Le stockage de l’électricité à la
maison, grâce à une b atterie instal-
lée à la cave ou dans le garage,
s’annonce comme un complé-
ment intéressant à l’essor d es é ner-
gies renouvelables. Le marché
mondial est encore très modeste,
mais il commence à atteindre une
taille significative dans les pays
où s’est développée la production
d’électricité à domicile, le plus
souvent grâce à des panneaux
photovoltaïques fixés sur les toits.
En Europe, le stockage résidentiel
de l’électricité sera multiplié par
cinq au cours des cinq prochaines
années, atteignant 6,6 gigawatts
heures en 2024, prévoit le cabinet
Wood Mackenzie.

Le marché est aujourd’hui
concentré en Allemagne, où le
gouvernement a encouragé l’essor
du solaire résidentiel dès 2013.
Les pouvoirs publics ont pris en
charge jusqu’à 30 % du coût de
l’installation les premières années.
Cette part est tombée à 10 % l’an
dernier et à zéro depuis le 1er jan-
vier. Mais l’impulsion a été suffi-
sante pour que 125.000 foyers
s’équipent, d’autant que le prix
des panneaux et des batteries a
chuté dans le même temps.

Participer à la révolution
énergétique
« Après ce succès en Allemagne, le
stockage résidentiel commence à
gagner d’autres pays d’Europe, en
particulier en Italie et en Espagne »,
explique Rory McCarthy, analyste
chez Wood Mackenzie. Selon lui,
le marché peut désormais se déve-
lopper sans subventions, car le
prix de l’électricité générée à domi-
cile se rapproche de celui qui est

commercialisé par les fournis-
seurs. « On s’approche de la parité
dans ces trois pays européens »,
constate l’expert.
« Le stockage à domicile était jus-
qu’à présent tiré par des ménages
prêts à faire un sacrifice financier
pour participer à la révolution éner-
gétique, poursuit l’expert. C’est en
train de changer. Au fur et à mesure
que les tarifs de l’électricité augmen-
tent en Europe, la production et le
stockage à domicile seront adoptés,
de plus en plus, comme une protec-
tion contre les hausses de prix des
fournisseurs. »
Le phénomène devrait moins
toucher la France, car l’incitation
y est moindre, l’é lectricité vendue
par EDF et ses concurrents étant
parmi les moins chères du conti-
nent, explique Rory McCarthy.
Le développement devrait être
également moins rapide au
Royaume-Uni, où le pouvoir
d’achat des ménages est sous
pression. —V. C.

Le stockage à domicile promis


à un bel avenir


Tiré par l’Allemagne,
le marché du stockage
résidentiel de l’électricité
est appelé à quintupler au
cours des cinq prochaines
années en Europe,
prévoit Wood Mackenzie.

AÉRIEN


Depuis plusieurs
mois, la compagnie
low cost norvé-
gienne fait face
à de grosses pertes
financières, alors
que ses Boeing 737
MAX sont toujours
à l’arrêt.

Norwegian


cède ses actifs


bancaires


pour


se renflouer


à gaz ou au charbon par des batte-
ries géantes associées à des capaci-
tés de production s olaire ou
éolienne. L’Europe et l’Asie sont
moins avancées, mais le Royaume-
Uni, l’Allemagne, l’Australie, la
Corée et la Chine développent aussi
des projets ambitieux. « Des projets
à 100 mégawatts permettant de stoc-
ker l’électricité pendant quatre heu-
res se multiplient, confirme Yayoi
Sekine. D’ici à deux ans, nous ver-
rons émerger de très gros projets de
stockage qui atteindront jusqu’au
gigawatt [1.000 mégawatts,
NDLR]. » Alors les équilibres de la
planète énergie pourront être bou-
leversés, souligne Bank of America.
Grâce au stockage, certains Etats
américains ou pays européens
pourraient voir la part du renouve-
lable dans leur production d’électri-
cité dépasser 80 % dès 2030.n

lLe stockage de l’électricité est le corollaire indispensable à l’essor des énergies renouvelables.


lQuelque 660 milliards de dollars devraient être investis au cours des vingt prochaines années.


La révolution du stockage

de l’électricité est en marche

La compagnie aérienne norvé-
gienne à bas coûts, Norwegian,
vient d’annoncer la cession de
ses actifs bancaires à des grou-
pes financiers nordiques pour
un montant de 222 millions
d’euros. L’entreprise se déleste
ainsi de ses 17,47 % de partici-
pation auprès de la Norwegian
Finans Holding (Nofi), pour
« renforcer [ son] cœur de métier
dans le transport aérien et [se]
concentrer sur la transition de
la croissance vers la rentabi-
lité », a ainsi assuré son direc-
teur général Geir Karlsen.

Cette rentrée d’argent était
nécessaire pour la troisième
compagnie aérienne low cost
d’Europe, spécialiste des long-
courriers transatlantiques, en
proie à des pertes financières
importantes depuis 2017. Le
transporteur, qui a vu son
directeur général historique et
cofondateur, Bjørn Kjos, quit-
ter le groupe mi-juillet, subit
l’actuelle immobilisation de
ses 18 Boeing 737 MAX, dont le
modèle est suspendu de vol
après deux accidents mortels
survenus en octobre 2018 et
mars 2019.

Des lignes jugées
non rentables
Déjà au mois de janvier der-
nier, la compagnie avait réa-
lisé une levée de fonds de
309 millions d’e uros, sous la
forme d’une augmentation de
capital, auprès notamment de
la principale banque publique
de Norvège, DnB Bank. Cette
souscription avait permis à
l’entreprise d’éviter une faillite
brutale.
Au d euxième trimestre
2019, le groupe affichait un
bénéfice net divisé par 4 par
rapport à 2018, s’élevant ainsi à
7,6 millions d’euros. Plusieurs
de ses bases de 737 MAX doi-
vent fermer au cours de
l’année, mettant un terme à
quelques lignes jugées non
rentables. Le transporteur a
d’ores et déjà annoncé la sus-
pension de ses vols transatlan-
tiques depuis l’Irlande. Une
décision effective à partir de
septembre prochain.
—L. B.

4
À NOTER
En 2018, Norwegian
a transporté plus
de 45 millions de passagers.

Déjà au mois
de janvier dernier,
la compagnie avait
réalisé une levée
de fonds
de 309 millions.

Cette souscription
avait permis à
l’entreprise d’éviter
une faillite brutale.

D’ici à 2040, pas moins de 6 % de la production électrique mondiale pourrait être stockée dans des batteries, prévoient les experts de Bank of America.

Ja


cob


H


annah/NYT-Redux-RÉA


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Mardi 20 août 2019Les Echos

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