Les Echos - 20.08.2019

(vip2019) #1

14 // ENTREPRISES Mardi 20 août 2019 Les Echos


Le Sirha Green, un salon de GL Events qui se veut écoresponsable. Photo Diph Photography

Des instruments de musique bri-
colés, métamorphosés en créatu-
res animées, des lieux du quoti-
dien transformés en scènes de
spectacles, des espaces bucoli-
ques privés reconvertis en guin-
guettes... : l’ex-festival Paris quar-
tier d’été, lancé en 1990 à
l’initiative de Jack Lang par
Patrice Martinet, le patron de
l’Athénée, « pour sortir la capitale
de sa torpeur estivale », et rebap-
tisé « Paris l’été » il y a trois ans
par ses successeurs, Laurence de
Magalhaes et Stéphane Ricordel,
les directeurs du Monfort, est
adepte de l’é conomie c irculaire et
des surprises. La dernière édi-
tion, de la mi-juillet au début
d’août, a drainé 100.000 specta-
teurs dont 20.000 payants : des
Parisiens fidèles ou des touristes
étonnés par cette programma-
tion déjantée, donnée dans des
gymnases, bibliothèques, cours
de récréation, appartements.
« On casse les codes pour attirer
aussi bien les habitués des lieux
culturels que ceux qui n’y mettent
jamais les pieds », expliquent les
organisateurs.
Pluridisciplinaire depuis tou-
jours, avec de la danse, du cirque,
des marionnettes, de la musique,
de l’art, Paris l’été est le lieu de per-
formances étonnantes, comme
ces centaures légendaires gare de

Il attire 100.000 Parisiens
et touristes chaque été.
Lancé à l’initiative
de Jack Lang, il est riche
en surprises artistiques
et bucoliques.

Depuis 1990,


le festival Paris l’été


secoue la capitale


déchets. « En tant qu’opérateur de
lieux d’exception, nous sommes
engagés avec toute l’industrie de
l’événementiel », note Pablo
Nakhlé Cerruti, directeur général
de Viparis.
Si ces démarches n’engendrent
pas forcément un surcoût dans les
matériaux utilisés, en revanche,
elles mobilisent davantage du
temps des collaborateurs. Mais d ès

lors que les pratiques se générali-
seront, ce ne sera plus le cas.
Et si la filière événementielle
verdit, des éléments extérieurs
accélèrent ce mouvement, comme
le cahier des charges imposé par la
Mairie de Paris pour les Jeux
Olympiques 2024 ou la pression
des jeunes salariés de 20-35 ans, de
plus en plus exigeants en matière
de développement durable.n

lLes associations Lévénement et l’Unimev encouragent fortement leurs membres à s’orienter


vers des pratiques plus écologiques et à réduire leurs déchets.


lC’est également un souhait des banques et des financiers, plus sélectifs dans leurs investissements.


Le secteur de l’événementiel

se veut de plus en plus écoresponsable

Martine Robert
@martiRD


Du 22 au 25 août, le Cabaret Vert
dans les Ardennes, une manifesta-
tion hybride qui mêle des expéri-
mentations biotechnologiques,
artistiques, gastronomiques et ras-
semble 94.000 visiteurs, accueillera
des start-up proposant des solu-
tions vertes pour les festivals, ainsi
que les projets Neurogreen de tri
des déchets, qui recourent à l’intelli-
gence artificielle, et PuriFungi, qui
fabrique des c endriers en mycélium
provenant de champignons capa-
bles de décontaminer les filtres des
mégots.
Ce n’est pas le seul rassemble-
ment à se revendiquer vitrine de
bonnes pratiques écologiques.
Comme les festivals, les agences
événementielles passent à l’action
en matière environnementale.
L’association Lévénement, qui les
fédère, engage ses 65 membres
(représentant 80 % du marché) à
obtenir la certification ISO 20121
dans les deux ans. Déjà en février,
elle s ignait une feuille d e route prô-
nant l’économie circulaire pour
réduire les déchets.
« Il y a une prise de conscience des
agences face à la montée en puis-
sance des sujets RSE [responsabilité
sociétale des entreprises]. Ne pas
s’en préoccuper, c ’est s’exposer à des
sanctions du donneur d’ordre –
entreprise, service public, collecti-
vité territoriale –, comme du client
final. C’est également un sujet de
préoccupation des banques et des
financiers, plus sélectifs dans leurs
investissements. Enfin, le secteur se
situe au centre d’un écosystème, lui-
même de plus en plus préoccupé de
certifications, tels les traiteurs ou
les prestataires techniques »,
observe Christophe Cousin, prési-
dent de l’agence Win-Win et admi-
nistrateur chargé du pôle RSE de
Lévénement.
L’association est membre de
l’Unimev, Union française des


ENVIRONNEMENT


métiers de l’événement, qui coiffe
également les centres de congrès
et organisateurs de Salons. Cel-
le-ci travaille de son côté à créer
une filière de retraitement des
déchets et elle a validé le principe
d’un contrat d’engagement pour la
croissance verte avec l’Etat. « Si le
total des déchets dans l’événemen-
tiel est relativement peu important
par rapport à d’autres secteurs,
puisque estimé à 105.000 tonnes, la
question n’en reste pas moins stra-
tégique en termes de responsabilité
et de réputation », a déclaré Olivier
Roux, président d’Unimev et vice-
président de GL Events.

La pression des jeunes
générations
Ainsi Viparis, qui exploite les dix
principaux sites d’événements en
Ile-de-France (parcs des exposi-
tions de Villepinte ou de la porte de
Versailles, Palais des Congrès de la
porte Maillot...), dans lesquels sont
accueillis 10 millions de visiteurs
par an, cherche à réduire son
empreinte carbone avec ses
clients, à intégrer des critères RSE
dans ses achats et à valoriser ses

« Si le total
des déchets
dans l’événementiel
est relativement
peu important,
[...] la question
n’en reste pas
moins stratégique
en termes
de responsabilité
et de réputation. »
OLIVIER ROUX
Président d’Unimev
et vice-président de GL Events

biodégradables, compostage des
résidus alimentaires, produits de
nettoyage écologiques...
Aucun poste ne fait l’économie
d’une réflexion durable. Pour
organiser la 3e édition de Biodi-
versiTerre, l’agence Gad Weil a
utilisé des camions et des c hariots
élévateurs fonctionnant au bio-
gaz, d es toilettes sèches, des gour-
des rechargeables auprès des f on-
taines à eau, et supprimé
totalement le plastique dans les
espaces partenaires. La paille uti-
lisée sur le f orum a été r ecyclée en
litière pour les animaux ou en
paillage pour les arbres, les fleurs
ont été d istribuées à la fin d e l’évé-
nement, la signalétique a profité à
une association.
Les acteurs de toutes tailles et
localisations participent à cette
dynamique. A l’occasion des
200 ans de la maison de champa-
gne Billecart-Salmon organisés
par Win-Win, le bar central a été
élaboré à partir de caisses de col-
lecte de raisins restituées après
usage. Sur l’île de La Réunion,
Jour de Fête n’utilise plus que des
barquettes en bambou afin que
les clients repartent avec les res-
tes des buffets et fournit le mobi-
lier en bois, ainsi que les bâches à
des associations locales d’artistes.

déchets envoyés à la benne à ordu-
res. Le reste a été réutilisé.

Sélection des prestataires
Ainsi 1.000 mètres carrés de
moquette, près de 150 palettes,
une trentaine de gradins, plus
d’une centaine de planches, deux
grands écrans sur châssis, des toi-
les de projection, ont été sauvés.
Soukmachines, spécialisé dans la
reconversion de sites inoccupés
en espaces à faible coût pour les
artisans, a rtistes, jeunes entrepre-
neurs, en a bénéficié. La nourri-
ture non consommée a, elle, été
livrée le soir même du démontage
dans des centres d’hébergement
d’urgence, soit 100 kilos donnés à
des associations pour confection-
ner 200 repas.
Quant à l’agence Auditoire,
autre opérateur important du sec-
teur, elle s’est appuyée sur Co-Re-
cyclage dont le réseau compte
1.200 membres, pour redistribuer
4,8 tonnes de ressources après les
journées Electric Days d’EDF, en
octobre, à La Villette. Et 81 tonnes
de CO 2 ont été compensées à tra-
vers un projet éolien chinois.
Depuis, elle répertorie tous ses
prestataires en fonction de leur
expertise en matière de RSE.
—M. R.

Quelles que soient les manifestations, les organisateurs


cherchent à en recycler tous les déchets


Pour La REF, anciennement uni-
versité d’été du Medef, qui aura
lieu les 28 et 29 août, l’agence
organisatrice, Hopscotch, a
pour objectif l e zéro déchet, q u’il
soit alimentaire ou non, en trou-
vant une seconde vie à toute
chose, grâce à une veille perma-
nente auprès des associations,
ONG, collectifs d’artistes... Et des
partenariats vont être conclus
avec des acteurs de l’économie
sociale et solidaire p our permet-
tre à des populations souvent
éloignées de ces événements de
s’y impliquer.
Les donneurs d’ordre aussi sont
moteurs de ces évolutions, à l’ins-
tar de la Fondation Maisons du
Monde q ui a confié son é vénement
Aux Arbres 2019 à l’agence Sensa-
tion! pour sa conception écores-
ponsable à la serre du Parc André-
Citroën : végétaux transformés en
décor, mallettes en carton faisant
également office de tabourets
pour les participants, couverts


Quelle que soit leur taille
ou leur localisation, les
agences événementielles
sont passées maîtresses
dans l’utilisation de
matériaux verts et dans le
recyclage de leurs déchets.


l’Est ou cette installation de feu, de
la Cie Carabosse, pour embraser
la Villette. Pas moins de 34 sites
partenaires privés et publics,
comme la SNCF, Paris Habitat,
Bercy Village, le Silencio, le Wan-
derlust, le Centre culturel irlan-
dais, la Monnaie de Paris, et des
propositions bien au-delà du péri-
phérique, du château de Jossigny
au domaine de Chamarande.

Largement subventionné
Le budget de 2 millions d’euros,
largement subventionné, à hau-
teur de 1,29 million d’euros par la
Ville (800.000 euros), l’Etat
(350.000) et la région (100.000), a
permis cette année de financer
26 spectacles – créations ou repri-
ses – et plus de 150 représenta-
tions, ainsi que l’exposition
Anima (Ex) Musica, bestiaire de
sculptures géantes fantastiques
composées de pièces recyclées.
Avec ses spectacles, souvent en
plein air, ses chaises longues dans
les préaux de lycées, Paris prend
des allures avignonnaises, même
si l’ampleur de l’événement n’a rien
de comparable (1.600 spectacles,
6.000 artistes dans le Off d’Avi-
gnon). « C’est un festival dans lequel
on prend son temps », note encore
le tandem aux commandes.
—M. R.

2

MILLIONS D’EUROS
Le budget annuel de Paris l’été.

Certains groupes sont déjà très
avancés comme GL Events ou
Hopschotch, engagés tous deux
depuis une décennie dans l’éco-
conception de leurs événements.
Le premier recherche systémati-
quement des alternatives respon-
sables, multiplie les certifications,

optimise les consommations de
ses bâtiments, sensibilise ses
équipes, ce qui a valu à son entité
Live by GL Events de remporter
l’organisation du Congrès mon-
dial de la nature l’an prochain, à
Marseille.
Le second c onçoit t rès en
amont des scénographies de
nature à limiter les déchets. Pour
une entreprise du CAC 40, il a
organisé un séminaire de plus
d’un millier de collaborateurs au
Carrousel du Louvre, qui s’est
soldé par seulement 10 % des

Sur l’île
de La Réunion, Jour
de Fête n’utilise plus
que des barquettes en
bambou afin que les
clients repartent avec
les restes des buffets.
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