Les Echos - 20.08.2019

(vip2019) #1
d’enseignements à quelques mois
du lancement commercial de Salto,
la plate-forme commune payante
de France Télévisions, M6 et TF1.
Allonger de trente jours à un an la
disponibilité des shows et des séries
sur la plate-forme de rattrapage BBC
iPlayer signifie que ces derniers ont
bien moins de valeur pour les diffu-
seurs intéressés pour une seconde
fenêtre de diffusion, estime Tom
Harrington, analyste chez Enders.
Or, selon le « Guardian », les produc-
teurs se plaignent que la BBC n’offre
aucune compensation pour cela.
« La BBC cherche à tordre le bras à ses
fournisseurs de programmes en ne
leur offrant ni argent supplémentaire
ni accord en bonne et due forme », a

déclaré au quotidien britannique
John McVay, le directeur général du
puissant lobby de la production
audiovisuelle outre-Manche, Pact.

Priorité à la valorisation
sur Salto
Seuls les programmes à vocation
internationale – comme les séries
« Bodyguard » et « Peaky Blinders »


  • devraient ê tre e n mesure de valori-
    ser l’allongement de cette fenêtre.
    « Je vois mal la BBC risquer de les per-
    dre au profit d’acteurs comme Netflix
    ou Amazon Prime qui, eux, paieront,
    dit Tom Harrington. En revanche,
    beaucoup de programmes ne peuvent
    qu’avoir la BBC comme commandi-
    taire : pour leurs producteurs, cela


signifie qu’ils pourront difficilement
valoriser l’allongement de cette fenê-
tre, ce q ui peut avoir des conséquences
sur leur financement, souvent com-
plété par l’intervention de copro-
ducteurs ou de s pécialistes de f inance-
ment par la dette. »

La BBC fait face à une fuite des
audiences, en particulier chez les
jeunes générations, au profit de Net-
flix et consorts. Elle cherche à proté-
ger sa plate-forme de rattrapage,
iPlayer, lancée dès 2007 et devenue
une référence dans l’univers de la
télévision publique. Au risque de ne
pas avoir des intérêts toujours ali-
gnés avec ITV, le TF1 britannique,
dans leur initiative commune
payante BritBox, l’équivalent de
Salto outre-Manche.
En France aussi, un bras de fer est
engagé entre chaînes commanditai-
res et producteurs pour la valorisa-
tion des diffusions en streaming.
Pour autant, Stéphane Le Bars, délé-
gué général de l’Union syndicale de

la production audiovisuelle (USPA),
estime que « la priorité actuelle des
chaînes hexagonales est de valoriser
leurs achats de programmes plutôt
que d’allonger les fenêtres de télévi-
sion de rattrapage gratuite ». Ainsi,
poursuit-il, « entre 2016 et 2018, les
chaînes ont obtenu de pouvoir propo-
ser les saisons précédentes d’une série
qu’elles mettent à l’écran, ainsi que de
mettre en ligne jusqu’à J + 7 après la
diffusion hertzienne du dernier épi-
sode tous les précédents volets d’une
série qu’elles achètent. Aujourd’hui,
ces chaînes, y compris France Télévi-
sions, préfèrent valoriser leurs pro-
grammes sur le futur Salto ou sur
leurs nouveaux services “premium”
vendus aux opérateurs télécoms ».n

La BBC veut mettre un an sur iPlayer les séries qu’elle achète


Nicolas Madelaine
@NLMadelaine


Les projets de la BBC, validés ce
mois-ci par le régulateur britanni-
que, de pouvoir proposer ses pro-
grammes pendant un an en télévi-
sion de rattrapage (streaming
gratuit) font grincer des dents l’éco-
système des producteurs outre-
Manche. Un bras d e fer riche


AUDIOVISUEL


Les producteurs de
télévision britanniques
se plaignent.


L’annonce a été faite par Wilbur Ross,
le secrétaire d’Etat au Commerce, à la
chaîne Fox Business, puis confirmée
officiellement par l’administration.
Photo Thomas Peter/AP/Sipa

« La BBC cherche
à tordre le bras
à ses fournisseurs
de programmes. »
JOHN MCVAY
Directeur général de Pact

Sébastien Dumoulin
@sebastiendmln

Ce sera « une longue marche dou-
loureuse », a prévenu Ren Zheng-
fei, le fondateur de Huawei, dans
un courrier interne consulté par
l’agence Bloomberg il y a quelques
jours. Le vieux milliardaire donne
entre trois et cinq ans au premier
groupe technologique chinois
pour se transformer en « une
armée de fer invincible » capable de
repousser les assauts américains.
Le ton martial n’est pas inhabi-
tuel de la part de Ren Zhengfei, ex-
ingénieur de l’Armée populaire de
libération. Les récentes annonces

de Huawei montrent cependant
qu’on est loin des effets de manche.
Le groupe de Shenzhen redou-
ble d’efforts pour s’affranchir des
technologies américaines, aux-
quelles l’administration Trump lui
refuse l’accès depuis le printemps.
Les processeurs et modems de ses
appareils haut de gamme sont déjà
produits par HiSilicon, l’e ntité
interne qui produit les puces élec-
troniques « maison ».
Il y a dix jours, Huawei a dévoilé
le projet sur lequel ses équipes tra-
vaillaient en secret depuis des
années : HarmonyOS, un système
d’exploitation à même de rempla-
cer celui de Google, l’ultra-domi-
nant Android. Pour l’instant
réservé aux objets connectés –
montres, téléviseurs... –, il pourrait
arriver rapidement sur les smart-
phones Huawei si le groupe n’avait

plus accès aux logiciels de Google.
Une autre brique importante vien-
dra bientôt s’ajouter à ces solutions
« made in China ». Selon le « China
Daily », le quotidien en langue
anglaise contrôlé par les autorités
de Pékin, Huawei lèvera le voile en
octobre prochain sur son propre
service de cartographie. L’entre-
prise pourrait ainsi pallier toute
future restriction d’usage de Goo-
gle Maps. Baptisé « Huawei Map
Kit », ce dernier produit ne viserait
pas le grand public, mais plutôt les
éditeurs d’applications tierces qui
recourent à la géolocalisation. Le
champion américain de la réserva-
tion d’hôtels en ligne, Booking,
ferait partie des partenaires asso-
ciés au projet.
Si ces différents projets sortent
des cartons, c’est que le temps
presse. Malgré les hésitations de

l’administration Trump, qui vient
d’accorder un nouveau répit aux
fournisseurs américains du géant
chinois, les ventes de Huawei
piquent du nez.

Chute des ventes en Europe
Sur le marché intérieur chinois, la
marque bénéficie d’un réflexe
nationaliste des consommateurs.
Mais celui-ci ne compense pas les
dommages occasionnés à l’étran-
ger, en particulier en Europe occi-
dentale. Selon Strategy Analytics,
les ventes de Huawei y ont diminué
de près d’un tiers au deuxième tri-
mestre 2019, comparé à la même
période un an plus tôt. Partout en
Europe, les téléphones flanqués du
lotus rouge sont délaissés, essen-
tiellement au profit des modèles d u
coréen Samsung (+7 %) et du chi-
nois Xiaomi (+28 %).n

Comment le géant chinois veut s’émanciper


de la tech américaine


Pour surmonter les restric-
tions, Huawei développe ses
alternatives tous azimuts :
puces, logiciels, cartes...

L’administration


Trump hésite à fermer


le robinet à Huawei


Raphaël Balenieri
@RBalenieri


Punir Huawei, mais sans pénaliser
les grandes entreprises américai-
nes qui travaillent avec le géant chi-
nois des télécoms. Depuis le prin-
temps, Donald Trump marche sur
une ligne de crête des plus ardues et
qui désormais s’installe aussi dans
le temps. Les Etats-Unis viennent
en effet de se donner trois mois sup-
plémentaires pour décider du sort
final à réserver au premier équipe-
mentier télécoms et deuxième
fabricant de smartphones de la
planète. Le département d u
Commerce américain a renouvelé
lundi un premier sursis accordé à
Huawei il y a trois mois, et qui arri-
vait à échéance le 19 août.
Les fournisseurs américains de
Huawei, parmi lesquels des géants
mondiaux comme Qualcomm,
Intel ou Google, vont donc pouvoir
fournir leurs technologies au
groupe chinois pendant 90 jours
supplémentaires. L’annonce a été
faite par Wilbur Ross, le secrétaire
d’Etat au Commerce, à la chaîne
Fox Business, puis confirmée offi-
ciellement par l’administration.
Selon le communiqué, ce nouveau
sursis « autorise des transactions
spécifiques et limitées portant sur
l’export, le réexport et le transfert »
de technologies américaines vers
Huawei. Pour autant, l’entreprise
chinoise reste « une menace perma-
nente pour la sécurité nationale et la
politique étrangère » des Etats-Unis.


Huawei s’offre malgré tout un
peu de répit dans le long bras de fer
qui l’oppose à Washington. Depuis
des années, les Etats-Unis accusent
la firme chinoise de réaliser en
sous-main de l’espionnage au profit
de Pékin, ce que Huawei a toujours
nié. Mais le conflit était monté d’un
cran en mai cette année, lorsque la
multinationale de Shenzhen avait
été placée sur une liste noire du
département du Commerce,


l’empêchant de s’approvisionner
librement aux Etats-Unis. Huawei
avait été touché en plein cœur,
et pour cause. En 2018, le groupe
chinois a dépensé 11 milliards
de dollars pour l’achat de technolo-
gies américaines (puce, software...)
indispensables pour la produc-
tion de ses propres smartphones
et ses équipements réseaux, qu’il
vend aux opérateurs télécoms du
monde entier.

Coup de tonnerre
dans la tech
Dans la foulée de cette mise sur liste
noire, le géant chinois des télécoms
avait perdu u n à un ses fournisseurs.
Même Google, dont le système
d’exploitation Android fait pourtant
tourner depuis 2009 les quelque
200 millions de téléphones que
Huawei écoule chaque année, avait
décidé de rompre les liens avec la
firme chinoise. Un véritable coup de
tonnerre dans la tech. Craignant des
répercussions sur les entreprises
américaines, les Etats-Unis avaient
ensuite mis en place un moratoire
de trois mois, pendant lequel cel-
les-ci pouvaient toujours travailler
avec Huawei, à condition toutefois
qu’elles obtiennent le feu vert du
département du Commerce.
Malgré cet aménagement, la
décision avait été un coup dur pour
les entreprises américaines qui ont
vu un gros client se dérober sous
leurs yeux. Dans les semi-conduc-
teurs, par exemple, Huawei pèse à
lui tout seul entre 8 % et 9 % de la
demande mondiale, selon le cour-
tier CLSA. Pendant le premier
moratoire, de nombreuses
entreprises américaines avaient
d’ailleurs c ontourné les s anctions e t
continué en sous-main à vendre
leurs produits à Huawei.
En accordant ce nouveau sur-
sis, les Etats-Unis font un geste
envers la Chine au moment où les
deux puissances tentent pénible-
ment de relancer leurs négocia-
tions commerciales. Ces dernières
semaines, Washington a frappé
fort, en imposant à partir du 1er sep-
tembre de nouveaux droits de
douane sur 300 milliards de dollars
d’importations chinoises non
taxées et en approuvant la vente
d’armes américaines à Taïwan
pour 8 milliards de dollars, pro-
voquant la colère de Pékin. Mais
Donald Trump ne peut pas trop
tirer s ur la corde dans l a perspective

des élections américaines de 2020.
Le président américain, élu sur la
promesse du « Make America
Great Again », paierait cher en effet
une détérioration de l’économie
américaine en raison du bras de fer
engagé avec la Chine.

Quoi qu’il en soit, l’annonce met
un terme au flou qui régnait ces d er-
niers jours, y compris au sein même
de l’administration américaine.
Alors qu’une reconduction du sur-
sis semblait acquise, Donald Trump
avait semé le doute, dimanche soir,
en déclarant « ne pas vouloir du tout
faire affaire avec Huawei ». Le prési-
dent américain avait alors contredit
son propre conseiller économique,
Larry Kudlow, lequel avait déjà
annoncé sur la chaîne NBC ce nou-
veau « break » accordé aux sociétés
américaines... jusqu’au 19 novem-
bre prochain.n

lWashington a prolongé de trois mois un premier sursis


qui arrivait à échéance le 19 août.


lDonald Trump déclarait pourtant dimanche soir


« ne pas vouloir du tout faire affaire avec Huawei ».


TÉLÉCOMS


Mis sur liste noire en


mai, le géant chinois


des télécoms avait


perdu un à un


ses fournisseurs.


L’annonce met un
terme au flou qui
régnait ces derniers
jours, y compris au
sein de l’administra-
tion américaine.

HIGH-TECH & MEDIAS


Mardi 20 août 2019Les Echos

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