Les Echos - 20.08.2019

(vip2019) #1
augmente les risques pour l’écono-
mie. Cela a plongé le dollar australien
au plus bas niveau depuis dix ans. Il a
chuté à 67,51 cents. En 2011, il valait
1,103 dollar. Craignant un ralentisse-
ment de l’économie mondiale, plu-
sieurs banques centrales de la région
ont baissé leurs taux d’intérêt dans le
sillage de la Fed le 7 août. La Nouvel-
le-Zélande a baissé son taux d’intérêt
de 50 points de base, alors que le mar-
ché tablait plutôt sur un recul de 25
points. Le taux d’intérêt principal est
désormais à 1 %, un plus bas histori-
que. Le dollar néo-zélandais a perdu
5 % depuis mi-juillet et 7 % depuis
mars. En Inde et en Thaïlande, les
banques centrales ont suivi le même
mouvement. La roupie a chuté de
près de 5 % depuis mi-juillet.


  • LE WON (CORÉE DU SUD)
    La monnaie sud-coréenne a perdu
    près de 6 % face au dollar depuis fin
    juin. Le pays a pour principaux parte-
    naires commerciaux la Chine et les
    Etats-Unis. La dépendance de son
    économie vis-à-vis du commerce
    extérieur s’élève à 37,5 %. A la guerre
    commerciale s’ajoutent d’autres ris-


ques comme un renforcement des
restrictions des exportations de
Tokyo vers Séoul, concernant trois
composants essentiels aux semi-
conducteurs et aux smartphones
fabriqués en Corée. En juillet, les ten-
sions diplomatiques entre les deux
pays, issues d’un long contentieux
depuis la Seconde Guerre mondiale,
se sont encore aggravées. Enfin,
autre facteur, le ralentissement éco-
nomique en Corée d u Sud. La banque
centrale a décidé mi-juillet de revoir à
la baisse ses prévisions, de 2,5 à 2,2 %.
Et pour faire face à ces perspectives
inquiétantes, l’institut monétaire a
baissé ses taux d’intérêt mi-juillet, à
1,5 % contre 1,75 % auparavant.


  • LE RAND (AFRIQUE DU SUD)
    La devise est au plus bas depuis sep-
    tembre 2018. Depuis le 24 juillet, elle
    a chuté de 10 %. Ce repli tient à
    d’autres raisons que la guerre com-
    merciale. Les difficultés de l’opéra-
    teur public Eskom, qui fournit 90 %
    de l’électricité au pays, et qui croule
    sous une dette de 30 milliards de dol-
    lars, menacent l’économie nationale.
    Par ailleurs, à la tête du pays depuis


seulement trois mois, Cyril Rama-
phosa se trouve déjà en eaux trou-
bles. Il est accusé par la médiatrice de
la République d’avoir menti au Parle-
ment à propos des donations reçues
par son parti. La Haute Cour de Pre-
toria a décidé de suspendre l’enquête
mais depuis, des fuites dans la presse
font planer de nouveaux soupçons
de népotisme au sommet de l’Etat.


  • LE PESO ARGENTIN
    Avec une perte moyenne de 17 % face
    au dollar depuis le d ébut de l’année, l e
    peso argentin enregistre pour le
    moment la plus mauvaise perfor-
    mance parmi les monnaies des pays
    émergents. La chute du peso (–22 %
    depuis le 9 août) n’est pas directe-
    ment liée à la guerre commerciale. A
    deux mois de la présidentielle, la vic-
    toire aux primaires du péroniste de
    gauche Alberto Fernández a déclen-
    ché une crise. La situation dans le
    pays est grave. L’Argentine est minée
    par une inflation galopante, à 55 %
    sur un an, ainsi qu’un chômage
    important, à 10,1 %. Plus d’un tiers des
    Argentins vivent sous le seuil de pau-
    vreté et la dette publique a explosé.n


Les monnaies émergentes dans la tourmente


Laurence Boisseau
@boisseaul


L’escalade dans la guerre commer-
ciale entre la Chine et les Etats-Unis a
mis de nombreuses devises sous
pression à travers le monde. L’indice
MSCI des devises émergentes a
effacé la totalité des gains engrangés
depuis le début de l’année, en chu-
tant de 3 % depuis le 31 juillet. Tour
d’horizon des principales victimes.



  • LE DOLLAR AUSTRALIEN
    ET LE NÉO-ZÉLANDAIS
    La Chine est le premier partenaire
    commercial de l’Australie. L’incerti-
    tude crée par les différends commer-
    ciaux entre la Chine et les Etats-Unis


La dépréciation du yuan
a eu un effet domino sur
les devises émergentes.
Et en particulier, sur celles
du Sud-Est asiatique. Dans
d’autres régions du monde,
la sensibilité accrue des
investisseurs au risque
a amplifié leurs réactions
face aux problèmes locaux.


sous-valorisation de la livre »,
jugeait récemment le stratégiste
en chef sur les devises de Lom-
bard Odier, Vasileios Gkionakis.
« Néanmoins, les questions de
valorisation ne permettront pas de
soutenir la livre tant que la possibi-
lité d’une sortie chaotique de
l’Union européenne demeure. A
moyen terme, la trajectoire de la
livre dépendra de la forme que
prendra effectivement le Brexit »,
prévient-il.

De fortes turbulences
à venir
Sur les marchés, l’heure n’est pas
à l’optimisme et les opérateurs
du marché des changes s’atten-
dent encore à de fortes turbulen-
ces. La volatilité implicite à trois
mois de la livre face au dollar –
qui donne une idée des turbulen-
ces attendues autour du 31 octo-
bre, date butoir du Brexit – est
remontée depuis début juillet
autour de 12 %. Ce niveau n’a été
atteint qu’à t rois reprises ces der-
nières années. Les options poin-
tent, de leur côté, vers de futures
baisses de la devise face au dol-
lar. Certains envisagent même
une chute de la livre vers la parité
d’abord avec l’euro puis avec le
dollar en cas de Brexit désor-
donné. Contre la devise euro-
péenne, la livre est déjà tombée à
1,07 ces derniers jours.n

Bastien Bouchaud
@BastienBouchaud

Malheureusement pour les tou-
ristes britanniques en vacances à
l’étranger, les mauvaises nouvel-
les se sont accumulées pour la
livre sterling cet été. L’arrivée
de Boris Johnson au poste de
Premier ministre avec son dis-
cours sans concession a aug-
menté les risques d’un « hard
Brexit », c’est-à-dire d’une sortie
sans accord. Le taux de change
effectif de la livre – une mesure
de la valeur pondérée de la
devise face à celles des partenai-
res commerciaux du pays – a
chuté de près de 7 % depuis
début mai.

Des mouvements d’une
ampleur exceptionnelle
La livre sterling reste plombée
par le Brexit. Ce dernier accès de
faiblesse vient s’ajouter à la
dépréciation de la livre depuis
l’annonce du référendum sur
l’appartenance du Royaume-
Uni à l’Union européenne. Au
total, la livre a perdu plus de 20 %
de sa valeur depuis août 2015,
d’après les données de la Banque
d'Angleterre. Elle est passée sur
la période, de plus de 1,50 dollar à
1,20 ces derniers jours. Des mou-
vements de cette ampleur sur
une devise d’un pays développé
sont particulièrement rares. Ils
sont plus communs pour les
monnaies des pays émergents.
« Il y a peu de doutes que ces
mouvements ont entraîné une

La livre sterling a perdu
près de 7 % face à un
panier de devises depuis
le mois de mai. Certains
envisagent désormais
une chute vers la parité,
d’abord contre l’euro
puis contre le dollar.

La perspective d’un


hard Brexit plombe


la livre sterling


De même, Pékin manie l’arme du
change avec beaucoup de prudence.
Le franchissement, hautement sym-
bolique, des 7 yuans – le spécialiste de
la Chine George Magnus compare
cet événement à la fin de l’étalon or
ou du système de Bretton Woods –,
était avant tout une démonstration
de force et un avertissement à l’égard
du président américain. Mais affai-
blir le yuan face au dollar exposerait
le pays à d’importantes sorties de
capitaux, en dépit du dispositif de
contrôle des changes mis en place en
2016, et fragiliserait les entreprises
chinoises endettées en dollars. « Il est
probable que la Chine préférera garder
un taux de change dollar-yuan relati-
vement élevé afin de protéger sa
balance des capitaux de sorties trop
importantes, tout en s’assurant d’un
niveau relativement faible contre le
panier de devises de référence afin de
soutenir son compte courant », inter-
prètent les économistes de Citigroup.

A court terme, le relatif apaise-
ment sur le front de la guerre com-
merciale pourrait calmer le jeu sur
le yuan. La semaine dernière, l’atten-
tion se portait s ur l’euro. Sur la pente
descendante face au dollar depuis
2018, celui-là était à 1,14 dollar fin
juin. En août, il est passé à deux
reprises sous 1,11. Une première fois
après la déception créée par la Fed
qui avait refusé de s’engager sur une
série de baisses de taux lors de sa
dernière réunion. Une deuxième
fois après des propos d’Olli Rehn, la
semaine dernière. Alors que la BCE
devrait assouplir sa politique en sep-
tembre, ce membre du Conseil des
gouverneurs a appelé, dans un
entretien au « Wall Street Journal »,
à un ensemble de mesures « percu-
tantes et significatives ». De quoi sus-
citer quelques tweets de Donald
Trump contre la Fed qui, selon lui,
ne fait rien p our lutter contre la suré-
valuation – avérée – du dollar.n

Sophie Rolland
@Sorolland


La guerre commerciale s’est dépla-
cée sur le terrain des monnaies, fai-
sant sortir le marché des changes de
sa léthargie cet été. Un indicateur très
regardé pour évaluer l a nervosité d es
cambistes, l’indice de volatilité antici-
pée du yen est remonté à son plus
haut niveau depuis janvier. Autre
jauge : le franc suisse en couronnes
norvégiennes. Cette parité reflète
très bien l’humeur des investisseurs.
Le franc suisse est la devise refuge
par excellence. La couronne norvé-
gienne, elle, est très cyclique et très
liée aux prix du pétrole. Elle a pris 4 %
depuis début août.
Les perturbations sur les devises
ont fortement déstabilisé l’ensemble
des marchés. Lorsque la Chine a
laissé le renminbi passer la barre de
7 yuans pour 1 dollar le 5 août der-
nier, les places financières mondia-
les ont tangué et Wall Street a perdu
3 % en une seule séance. Comme à
l’été 2015, l’évolution de la devise chi-
noise est devenue le sujet de préoc-
cupation numéro un des investis-
seurs. Autre symptôme de leur
stress : les valeurs refuges comme
l’or et les emprunts d’Etat se sont
envolées, les taux d’intérêt à travers
le monde battant en particulier de
nouveaux records de faiblesse.


« Manipulation de devise »
S’il est sans doute prématuré de par-
ler de g uerre des changes – avec inter-
ventions directes sur le marché –, en
revanche Washington et Pékin sont
engagés dans une véritable « guerre
froide », selon l’expression de Joa-
chim Fels, de Pimco. Les termes de
l’équilibre de la terreur? Côté améri-
cain, les droits de douane et une pos-
sible intervention directe sur le mar-
ché. Côté chinois, la dépréciation du
yuan. Fait inédit depuis les années
1990, le 5 août, le secrétaire au Trésor
américain a explicitement désigné la
Chine comme « un [pays] manipu-
lant sa devise »... Des termes très forts
que le Trésor é vitait jusque-là
d’employer au sujet de Pékin. « Le but
de la dévaluation de la monnaie chi-
noise est de gagner un avantage com-
pétitif déloyal dans le commerce inter-
national », assène le communiqué.
La plupart des observateurs souli-
gnent que Donald Trump ne peut
courir le risque de trop déstabiliser
les marchés avant les prochaines


MONNAIES


20 %

La perte en valeur de la livre
sterling depuis l’annonce du
référendum sur l’appartenance
du Royaume-Uni à l’Union
européenne, en août 2015,
d’après les données
de la Banque d'Angleterre.

élections. Ils ne croient pas à une
intervention des Etats-Unis sur le
marché des changes. Le fonds de sta-
bilisation de 22 milliards de dollars
dont dispose le Trésor, ou même les
réserves de change américaines,
pèsent peu par rapport à un marché
des devises où s’échange l’équivalent
de 5.000 milliards de dollars par jour.

Faute d’être coordonnée avec
d’autres pays, une intervention
aurait donc peu de chances de fonc-
tionner. Mais le caractère impétueux
de Donald Trump oblige à garder
toutes les options ouvertes.

L’évolution du yuan
est devenue le sujet
de préoccupation
numéro un
des investisseurs.

lL’ intensification des tensions entre les Etats-Unis et la Chine cet été a fortement touché les monnaies.


lLa nervosité sur le marché des changes est remontée à son plus haut depuis janvier. Des perturbations qui ont déstabilisé


Un été très mouvementé sur le marché


FINANCE & MARCHES


Mardi 20 août 2019Les Echos

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