Les Echos - 20.08.2019

(vip2019) #1
Toutes les devises ne sont pas
perdantes lorsque les marchés
financiers s’affolent. Le franc
suisse et le yen en particulier
tendent à s’apprécier. Les deux
devises sont c onsidérées
comme des valeurs refuges en
période de turbulences, cet été
n’a pas dérogé à la règle. Le
regain de tensions commercia-
les entre les Etats-Unis et la
Chine a fait grimper le franc le
yen de plus de 5 % face au dollar
depuis fin avril, dont un bond
d’environ 2 % depuis le début
du mois d’août. Le franc suisse
a lui aussi prospéré, gagnant
plus de 4 % contre le dollar
depuis fin avril. Le mouvement
est similaire face à l’euro. Les
deux devises affichent des plus
hauts d’environ 2 ans contre la
devise européenne, à respecti-
vement 1,08 franc et 118,2 yens
pour un euro.

Un véritable casse-tête
Pour les autorités suisses et
japonaises, l’appréciation de la
devise est un véritable casse-
tête. La Banque nationale suisse
(BNS) est d’ailleurs probable-
ment déjà intervenue sur les
marchés des changes pour
limiter l’appréciation du franc.
L’institut monétaire n’annonce
jamais ses interventions direc-
tes sur le marché, aussi les éco-
nomistes scrutent les dépôts à
vue des banques commerciales
auprès de la banque centrale
pour se faire une idée de ses
mouvements. Or ces dépôts ont

Considérés comme des
valeurs refuges, le franc
suisse et le yen se sont
appréciés au fil des
turbulences de marché
cet été. La Banque
nationale suisse serait
déjà intervenue début
août pour limiter
la hausse de sa devise.

« Le but
de la dévaluation
de la monnaie
chinoise est
de gagner
un avantage
compétitif déloyal
dans le commerce
international. »
LE TRÉSOR AMÉRICAIN

tés. « Le ralentissement de la crois-
sance signifie que moins de
nouveaux records sont atteints ».
La France compte parmi les
exceptions : les entreprises de
l’Hexagone ont été les plus géné-
reuses d’Europe et ont versé l’équi-
valent de 51 milliards de dollars au
deuxième trimestre, ce qui consti-
tue un plus haut historique. La
croissance s’e st élevée à 3,1 %. « Les
trois quarts des sociétés françaises
de l’indice ont augmenté leurs divi-
dendes par rapport au deuxième
trimestre 2018 et seul EDF l’a
réduit », souligne l’étude. En Alle-
magne, « seules les trois cinquiè-
mes des sociétés ont augmenté leurs
dividendes, ce qui est relativement
faible ». Le secteur automobile a
pesé sur l’ensemble, BMW et
Daimler procédant à des baisses.

Un recul de 5,3% en Europe
à 169,5 milliards de dollars
L’Europe (hors Royaume-Uni), où
les investisseurs reçoivent 70 % de
leurs revenus de dividendes au
cours du deuxième trimestre, est
de loin la région qui a enregistré la
moins bonne performance : les
dividendes ont chuté de 5,3 % à
169,5 milliards de dollars, en rai-
son notamment de la faiblesse de
l’euro face au dollar. L’impact du
ralentissement économique mon-
dial sur les profits des entreprises
européennes est plus marqué
qu’ailleurs.
Outre-Atlantique, le montant
des dividendes ressort en hausse

de 4,4 %, à 132,9 milliards de dol-
lars. Ce qui correspond toutefois
au « rythme de progression le plus
lent en deux ans ». « Les dividendes
du secteur bancaire ont continué
d’enregistrer une solide croissance
mais les fabricants automobiles ont
maintenu leurs dividendes au
même niveau, reflétant les défis
structurels croissants auxquels le
secteur est confronté à l’échelle
internationale. »
Alors que, depuis 2015, les
dividendes mondiaux d u
deuxième trimestre n’ont cessé de
croître, ils « ont augmenté de façon
extrêmement rapide au cours des
deux dernières années et le ralentis-
sement auquel nous assistons n’est
donc pas une source d’inquiétu-
des », estime Ben Lofthouse, chez
Janus Henderson.
Pour l’année 2019, la société de
gestion maintient ses prévisions
inchangées et table sur un montant
record de 1.430 milliards de dollars
de dividendes, soit une hausse
annuelle de 4,2 %. —C. F.

51

MILLIARDS DE DOLLARS
Le montant des dividendes
versés par les entreprises
françaises, les plus généreuses
d’Europe, au deuxième
trimestre 2019.

augmenté de 2,8 milliards de
francs durant la première
semaine d’août. Il s’agit de leur
plus forte hausse en deux ans.
Les banques centrales des
deux pays o nt u n autre o util pour
peser sur la valeur d e leur devise :
la politique monétaire. Des taux
d’intérêt faibles en diminuent
l’attractivité. Mais les deux insti-
tuts sont engagés depuis
plusieurs années dans des politi-
ques monétaires exceptionnelle-
ment accommodantes, ce qui
limite leur marge de manœuvre.
Avec son taux directeur d e
–0,75 %, la Suisse est déjà la
championne mondiale des taux
négatifs. Mais face à la perspec-
tive d ’une baisse d es t aux en zone
euro lors de la prochaine réu-
nion de la Banque centrale euro-
péenne (BCE), les économistes
d’UBS s’attendent désormais à ce
que la BNS suive le mouvement.

Pour le moment, la Banque du
Japon reste en retrait. Les opéra-
teurs s’attendent à ce qu’elle
adapte bientôt sa communica-
tion. Une intervention directe de
la banque centrale sur les mar-
chés est moins probable à court
terme. Contrairement à la
Suisse, le Japon est en effet dans
le viseur des autorités américai-
nes : une intervention directe ris-
querait d’attirer l’attention du
président américain. —B. B.

Etienne Goetz
@etiennegoetz

Le renminbi, ou « monnaie du
peuple » en mandarin, demeure
un objet non identifié dans le
monde de la finance. Contraire-
ment au dollar ou à l’euro, le yuan
est peu utilisé en dehors des fron-
tières et n’est pas entièrement con-
vertible. Par ailleurs, alors que
l’immense majorité des devises
dans le monde s’échangent libre-
ment à des taux déterminés par
l’offre et la demande, le yuan, lui,
est encore très encadré par la ban-
que centrale (PBoC pour People’s
Bank of China).
L’un de ses principaux outils
est le taux pivot fixé à 9 h 15 tous
les jours. Le marché décide
ensuite de sa valeur et au cours de
la séance, le yuan peut évoluer
jusqu’à 2 % au-dessus ou au des-
sous du cours de référence. Le
taux est calculé sur la base de
nombreux facteurs, comme le

taux de la veille et l’évolution face
à un panier de devises, dont le dol-
lar et l’euro.
En 2017, l’institut d’émission a
introduit des « facteurs contra-
cycliques » pour éviter des
« fixings » trop à la hausse ou trop
à la baisse. Cette mesure a été
interprétée par les investisseurs
comme une volonté de Pékin de
limiter l’influence du marché sur
le taux de change.

Pour contrôler le taux de
change, la banque centrale peut
aussi intervenir sur le marché en
puisant dans ses réserves en
devises étrangères. Jusqu’en
2013, elle a massivement acheté
des dollars pour empêcher le
renminbi de s’apprécier. Depuis
2014, elle vend au contraire des
billets verts p our limiter l a dépré-
ciation de sa devise.
Bien que le renminbi soit
encore encadré, ces dernières
années ont été marquées par un
véritable bond en avant dans la

libéralisation de la devise chi-
noise. Jusqu’e n 2005, elle était
strictement arrimée au dollar.
Cette pratique du « peg », en cours
depuis 1994, a été abandonnée.
Brièvement rétabli juste après la
crise financière, l’arrimage s’est à
nouveau relâché et le cours évolue
aujourd’hui plus librement.

Une influence
en pleine expansion
L’internationalisation de la mon-
naie chinoise progresse à petits
pas. Le géant économique repré-
sente 10 % du commerce mon-
dial, mais moins de 2 % des paie-
ments dans le monde s ont
réalisés en yuans. Son usage a
décollé depuis le milieu des
années 2010. En 2016, il a intégré
les autres devises du Fonds
monétaire international dans la
composition des droits de tirage
spécial (DTS).
Les banques centrales sont
d’ailleurs de plus en plus nom-
breuses à détenir des yuans. C’est
le cas notamment de la Banque de
France. Les autorités ambition-
nent de rendre le yuan totalement
convertible d’ici à 2020. Pour
accélérer son ouverture et éten-
dre son influence économique, la
Chine a développé une bourse du
pétrole avec des contrats à terme
cotés en yuan.n

Yuan : le fonctionnement


d’une monnaie atypique


La devise chinoise
est encore largement
encadrée par la banque
centrale chinoise, notam-
ment par le taux pivot fixé
tous les jours à 9 h 15.
Les autorités poursuivent
la lente internationalisa-
tion de la devise.

La Suisse et le Japon


tentent de limiter la


hausse du franc et du yen


les places financières.


des devises


Les entreprises ont versé 513,8 mil-
liards de dollars à leurs actionnai-
res sous forme de dividendes au
deuxième trimestre, d ans le
monde. Un montant record, selon
l’étude de référence de la société de
gestion Janus Henderson Inves-
tors, q ui s e penche s ur les 1.200 p lus
grosses sociétés cotées.
Le « taux de croissance [des divi-
dendes] a été le plus faible en plus de
deux ans », tempère toutefois le
rapport. La hausse atteint 1,1 %,
freinée par la solidité du dollar. La
croissance sous-jacente s’élève à
4,6 %. « C’est objectivement un bon
résultat, mais inférieur à la crois-
sance à laquelle nous nous étions
habitués au cours de ces deux der-
nières années ». Le gestionnaire
d’actifs évoque la décélération de
l’économie mondiale et son inci-
dence sur les bénéfices des socié-

BOURSE


Les entreprises
françaises, qui paient
le plus de dividendes
en Europe, ont versé
un montant record au
deuxième trimestre.

Le taux de croissance
mondial sous-jacent
est néanmoins le plus
faible enregistré
en plus de deux ans.

A 513,8 milliards de dollars,


les dividendes mondiaux


battent un nouveau record


Les banques
centrales suisse
et japonaise
sont engagées
dans des politiques
monétaires très
accommodantes,
ce qui limite
leur marge
de manœuvre.

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La devise chinoise
peut évoluer jusqu’à
2 % au-dessus ou
au dessous du cours
de référence.

Les Echos Mardi 20 août 2019 FINANCE & MARCHES// 19

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