Les Echos - 20.08.2019

(vip2019) #1
de la Fed pour glaner des indices sur
la trajectoire future des taux d’inté-
rêt américains. Mais c ontrairement
à l’an dernier – où l’incertitude por-
tait sur le nombre de hausses de
taux à venir – c’e st c ette fois
l’ampleur d es p rochaines baisses d e
taux qui préoccupe les investis-
seurs. Depuis début août, les mar-
chés assignent une probabilité
implicite de baisse de taux de 100 %
en septembre. Et entre 20 % et 40 %
de chance d’une baisse significative
de 50 points de base.

Une dynamique inédite
Pour JPMorgan, une seule baisse
de taux (25 points de base) est à
attendre. « La Fed est la banque cen-
trale des Etats-Unis et la menace sur
la croissance mondiale vient
d’ailleurs », soutient l a banque amé-
ricaine. Cette dernière souligne
cependant que la Fed avait justifié
sa baisse de taux de juillet, la pre-
mière en dix ans, par « la menace
d’un impact négatif pour les Etats-

économiste, Lewis Alexander,
auprès de Bloomberg.
La Réserve fédérale est en effet
loin d’être la seule banque centrale
à avoir adouci sa politique moné-
taire face au risque d’un ralentisse-
ment économique. Plus d’un tiers
des banques centrales couvertes
par la Banque des règlements inter-
nationaux (BRI) ont agi en ce sens
au cours des six derniers mois, rap-
porte Fitch. Une dynamique inédite
depuis 2009. Dans ce contexte,
Jackson Hole sera également l’occa-
sion de jauger de la capacité des
banquiers centraux mondiaux à
échanger et à coopérer. En 2008,
l’action coordonnée de la BCE et de
la Fed s’était révélée déterminante.
Depuis, le repli sur soi a gagné du
terrain. Le sommet de l’an dernier
avait ainsi été marqué par l’absence
de Mario Draghi et du gouverneur
de la banque centrale du Japon. La
liste des intervenants de c ette année
sera connue au dernier moment,
jeudi.n

Jerome Powell doit rassurer les marchés


Bastien Bouchaud
@BastienBouchaud


Le symposium annuel des banques
centrales s’ouvre ce jeudi à Jackson
Hole, dans le Wyoming, en plein
ralentissement de l’économie mon-
diale. Le gouverneur de la Réserve
fédérale, Jerome Powell, pronon-
cera vendredi un discours sur les
« défis de la politique monétaire ».
Une thématique dans l’air du
temps, alors que la Fed est la seule
grande banque centrale à disposer
d’une marge de manœuvre subs-
tantielle pour b aisser ses t aux direc-
teurs. Les investisseurs passeront
au crible le discours du gouverneur


La réunion annuelle
de banquiers centraux
et d’économistes
à Jackson Hole s’ouvre en
fin de semaine. Le discours
du gouverneur de la Fed
vendredi sera scruté
par les marchés.


menace économique. La Chine a
annoncé lundi u n plan de dévelop-
pement de la métropole de Shen-
zhen, qui vise à la faire figurer d’ici
à 2025 « aux tout premiers rangs
des villes du monde en termes de
puissance économique et de qualité
du développement ». Pékin a fait
savoir que cette initiative fera de
Shenzhen « un meilleur endroit
que Hong Kong, où les manifesta-
tions radicales des deux derniers
mois ont jeté une ombre durable sur
son rôle de plate-forme financière
internationale ». Shenzhen a déjà
connu dans les années 1990 un
développement accéléré, deve-
nant l’une des plates-formes chi-
noises de l’industrie et des techno-
logies. Les groupes Tencent, géant
de l’Internet, et Huawei (télécom-
munications) y ont leur siège
social.

Inquiétudes
La veille, la ministre canadienne
des Affaires étrangères, Chrystia
Freeland, et la responsable de la
politique étrangère de l’Union
européenne, Federica Mogherini,
avaient exprimé leur inquiétude
dans un communiqué : « Les liber-
tés fondamentales, y compris la
liberté de réunion pacifique, et le
degré élevé d’autonomie de Hong
Kong [...] sont garantis par la Loi
fondamentale et les accords inter-
nationaux, et doivent continuer à
être respectés. » « Le Quotidien du
Peuple », l’organe officiel du Parti
communiste chinois, a condamné
lundi les influences étrangères qui
chercheraient à attiser le mouve-
ment de contestation. Un mouve-
ment qui se solde désormais par
700 arrestations. —C. N.

Washington, Ottawa et Bruxelles
ont, chacun à leur manière, accen-
tué la pression sur Pékin au lende-
main d’une manifestation de près
de 1,7 million de personnes, selon
les organisateurs, dimanche à
Hong Kong. Ce défilé sous une
pluie battante concluait une
dixième semaine d’affilée de con-
testations en faveur de la démo-
cratie et l’état de droit. En plein
bras de fer commercial avec Pékin,
Donald Trump a précisé diman-
che soir qu’une poursuite de la
répression à Hong Kong nuirait
aux relations sino-américaines.
« Je p ense qu’il serait difficile de con-
clure un accord s’ils exercent de la
violence, si c’est une autre place Tia-
nanmen », a déclaré le président
américain en allusion à la répres-
sion de la contestation étudiante
par l’armée chinoise sur la place
centrale de Pékin, qui aurait fait
3.000 morts le 4 juin 1989.
Le « Global Times », quotidien
chinois proche du pouvoir, a
assuré que « l’incident à Hong
Kong ne sera pas une répétition de
l’incident politique du 4 juin 1989 ».
Sans toutefois l’écarter totale-
ment, affirmant que « cette option
est à l’évidence à sa disposition ».
Les autorités chinoises ont fait dif-
fuser des images d’une centaine de
camions et de blindés de transport
de troupes à Shenzhen, en ban-
lieue du territoire autonome.
Autre manière d’accentuer la
pression sur Hong Kong, la

Alors que les manifesta-
tions à Hong Kong
entament leur onzième
semaine, les autorités de
Pékin n’en démordent pas.

Pékin s’isole


de la communauté


internationale


mistes jugent même qu’elles influen-
cent ses décisions.
Au-delà des Etats-Unis, la prévi-
sion d’un ralentissement de la crois-
sance mondiale fait quasiment con-
sensus, avec près d’un tiers des
sondés qui anticipent 3 à 3,24 % de
croissance cette année, contre 3,6 %
l’an dernier. Pour 80 % des écono-
mistes, la Banque centrale euro-
péenne (BCE) et la Banque du Japon
(BoJ) devraient emboîter le pas à la
Fed et baisser leurs taux dans les
deux prochaines années.
Parmi les sujets de préoccupa-
tion, les négociations commerciales
en cours avec la Chine suscitent peu
d’espoir : seuls 5 % des sondés
croient à la signature d’un accord
commercial global, alors même
que l’enquête a été réalisée avant le
dernier coup de chaud entre les

deux puissances, qui a notamment
vu Washington annoncer une
nouvelle salve de taxes douanières,
puis renoncer à certaines et accuser
Pékin de manipuler sa devise.
Le pessimisme domine égale-
ment sur le Brexit. Interrogés au
moment de l’arrivée au pouvoir du
Premier ministre, Boris Johnson, les
économistes ont bien du mal à ima-
giner une sortie organisée du Royau-
me-Uni de l’Union européenne :
40 % d’entre eux tablent sur un « no
deal » le 31 octobre et 20 % sur un
« hard Brexit » – avec sortie brutale
du marché douanier et du marché
unique. Une autre source d’incerti-
tude pour la croissance mondiale.

(


Lire l’éditorial
de Lucie Robequain
Page 10

lLa majorité des économistes américains interrogés par la NABE anticipent toujours une entrée en récession.


lIls ont toutefois retardé leurs prévisions en raison de la politique menée par la Fed, dont ils défendent l’indépendance.


Aux Etats-Unis, la récession attendue

pour 2020 ou 2021

Sophie Amsili
@samsili


A quand la prochaine récession aux
Etats-Unis? Le scénario s’est telle-
ment imposé dans l’esprit des inves-
tisseurs qu’il a suffi d’une
brève inversion de la courbe des
taux la semaine dernière pour faire
plonger les marchés.
Mais pour la majorité des
226 économistes interrogés
par la National Association for Busi-
ness Economists (NABE), la réces-
sion n’est pas pour tout de suite : ils
ne sont plus que 2 % à l’anticiper d’ici
à la fin de l’année dans ce sondage
réalisé en juillet et publié lundi,
contre 10 % il y a six mois.
Certes, le scénario d’une entrée en
récession tient toujours la corde,
avec une large majorité (72 %) des
sondés qui l’anticipent dans les deux
prochaines années. Mais une partie
d’entre eux ont repoussé l’échéance :
38 % des sondés tablent désormais
sur 2020 (4 points de moins qu’il y a
six mois) et 34 % en 2021 (9 points
de plus).
Pourquoi un tel report? « Les per-
sonnes interrogées estiment que
l’expansion sera prolongée par le
changement de politique monétaire »,
explique la présidente de la NABE,
Constance Hunter. Et ce, même si
92 % des sondés ont répondu avant
l’annonce, le 31 juillet, par la Réserve
fédérale américaine d’une baisse d es
taux d’un quart de point.


L’ indépendance
de la Fed défendue
Plus globalement, la politique de la
Fed est toujours approuvée par une
majorité des sondés (62 %). C’est tou-
tefois 12 points de moins qu’e n
février. Ces économistes désormais
critiques à l’égard de la politique
monétaire ne sont pas d’accord sur
le remède : ils ont grossi les rangs à la
fois de ceux qui la jugent « trop sti-
mulante » (25 %) et ceux qui, au
contraire, l’e stiment « trop restric-
tive » (10 %).
Mais qu’importe leur jugement
sur ses actions, quasiment tous les
économistes se rejoignent sur un
principe : la Fed doit rester indépen-
dante de l’exécutif. D’ailleurs, plus de
la moitié d’entre eux (55 %) voient
d’un mauvais œil les critiques à répé-
tition de Donald Trump à l’égard du


INTERNATIONAL


président de l’institution, Jerome
Powell, car elles nuisent à la con-
fiance du public dans l’institution,
estiment-ils. Un quart des écono-

« Les personnes
interrogées
estiment
que l’expansion
sera prolongée
par le changement
de politique
monétaire. »
CONSTANCE HUNTER
Présidente de la National
Association for Business
Economists

Unis de facteurs mondiaux néga-
tifs ». Une ouverture sur l’interna-
tional inhabituelle pour la banque
centrale américaine. Le sympo-
sium p ourrait justement être l’occa-
sion pour Jerome Powell de déve-
lopper sa vision de l’impact des
« externalités internationales pour
la politique monétaire », selon
Nomura. « L’importance des risques
extérieurs, et à quel point ils comp-
tent réellement pour les Etats-Unis,
est un sujet central du débat politique
en ce moment », a souligné son chef

La Réserve fédérale
est loin d’être la seule
banque centrale
à avoir adouci sa
politique monétaire
face au risque
d’un ralentissement
économique.

MONDE


Mardi 20 août 2019Les Echos

Free download pdf