Les Echos - 20.08.2019

(vip2019) #1

Les Echos Mardi 20 août 2019 SÉRIES D'ÉTÉ// 09


LE MONDEDANSVOTREASSIETTE


SÉRIED’ÉTÉ

L’Afrique accro au riz asiatique


INFOGRAPHIE// Crise démographique et urbanisation ont poussé le continent africain à bousculer son régime alimentaire au profit


du riz. Il importe aujourd’hui près d’un quart du marché du riz mondial, marché largement dominé par les producteurs asiatiques.


A


ujourd’hui, la moitié du riz
exporté par l’Inde et la Thaïlande
débarque sur les côtes du conti-
nent africain, en particulier à l’ouest.
Même la Chine, pourtant très protectrice
avec son riz, y voit un moyen d’étendre
son influence sur le marché africain.
Depuis trois ans, Pékin y liquide ses
stocks tout en tissant des partenariats
avec les gouvernements locaux pour
développer la filière et imposer ses varié-


s’efforcent de devenir autosuffisants pour
recouvrer leur souveraineté alimentaire.

Le riz sera nigérian ou ne sera pas
Le Nigeria en est l’exemple le plus prégnant.
Le gouvernement Buhari a ainsi fait du riz
une arme politique. Le pays l e plus peuplé du
continent (190 millions d’habitants) était
encore deuxième importateur de riz mon-
dial en 2015, avant de fermer subitement ses
frontières pour privilégier la production

nationale. Le riz sera nigérian ou ne sera pas.
Trois ans plus tard, le riz local s’est
implanté mais bien trop peu pour satisfaire
la demande de ce pays en pleine explosion
démographique. Pour compenser, des mil-
liers de tonnes de riz asiatique arrivent cha-
que mois illégalement du voisin béninois,
alimentant les tensions à la frontière.
Pour Patricio Mendez Del Villar, écono-
miste au Cirad (1), les obstacles à la produc-
tion sont encore multiples : aléas climati-

tés. Un pari semble-t-il réussi puisque le
futur directeur de l’Organisation des
Nations unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO) sera chinois, élu en
partie grâce aux votes africains.
En conséquence, le continent, qui s’ali-
mentait essentiellement de mil et de sorgho
cultivés sur place, est désormais exposé à
l’instabilité des marchés internationaux du
riz. Pour y remédier, de nombreux pays tels
que le Mali, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire

ques, mauvaise organisation de la filière et
surtout manque d’infrastructures. « Ces
pays doivent miser sur une alimentation plus
diversifiée », estime-t-il. Mais le chemin est
encore long. On estime aujourd’hui que
70 % du riz mangé au Nigeria n’est pas local.
Le riz asiatique a encore de beaux jours
devant lui.

(1) Centre de coopération internationale en
recherche agronomique pour le développement.

par Joséphine Bichareil, Catherine Drion, Jules Grandin, Marie Toulemonde
Demain : La moutarde, un grain peut en cacher un autre
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