L\'Express - 14.08.2019

(Nandana) #1

36 L’ E X P R E S S 14 AOÛT 2019


Les gynécologues disent l’inverse.
Dans l’interview donné au Parisien, le
27 juillet, Pia de Reilhac, présidente de
la Fédération nationale des collèges
de gynécologie médicale, s’alarme. Les
sites pornographiques, assure-t-elle,
« exaltent la performance, le rapport
dominant-dominé, imposent une
norme. Conséquence : de plus en plus
de jeunes fi lles nous confi ent qu’elles
n’éprouvent pas de plaisir avec leurs
partenaires. Et on observe une grande
détresse. Les sexologues ont déjà lancé
une alerte sur l’infl uence du porno,
mais ils ne le disent pas assez fort. »

« RIEN DE TRÈS NOUVEAU »
Etre entendus, mais quoi dire, alors
que les images sont accessibles depuis
n’importe quel téléphone portable?
Que, dès l’entrée au collège ou presque,
un ado saura ce qu’est une « biffl e » ou
une « éjac faciale »? Dans un sondage
que l’Ifop a mené sur la vie sexuelle des
Françaises pour le magazine Elle, en
février, quasiment 1 femme sur 2
indique avoir « surfé sur un site pour y
voir des fi lms ou des images pornogra-
phiques ». Parmi elles, 59 % ont moins
de 30 ans... Pourtant, d’après les sta-
tistiques de l’Ifop, cette génération
reste la moins consommatrice de sex-
toys (31 %, contre 43 % en moyenne),
celle qui se masturbe le moins (70 %,
contre 76 % en moyenne), et celle qui

l’Institut national de la santé et de la
recherche médicale (Inserm), spécia-
liste des questions de santé sexuelle, en
est convaincue : « On observe, depuis
quelques années, une diversifi cation
des sources d’information sur la sexua-
lité, qui s’est fortement accentuée avec
l’explosion du numérique. Les adultes
ont perdu le monopole de la parole, et
donc le monopole du contrôle sur la
sexualité des jeunes, les fi lles en parti-
culier. D’où un phénomène de panique
morale, alors qu’aucune étude sérieuse
n’étaie l’impact négatif spécifi que de la
pornographie sur leur comportement
sexuel. »

plutôt qu’à la performance physique ;
et ils continuent de réprouver la fi lle
qui revendique – au même titre qu’un
homme – un authentique désir d’aven-
tures sans lendemain.
« Il y a un fantasme incroyable à
propos de la sexualité des jeunes, dont
on entend souvent dire qu’ils feraient
“n’importe quoi” », constate Sarah
Durocher, accueillante au Planning
familial. « Nous ne faisons pas du tout
ce constat-là. L’âge moyen du premier
rapport est stable, et le plus souvent il
est protégé. Le nombre d’avortements
n’a pas bougé non plus... En revanche,
une chose a vraiment changé en vingt
ans : la masse d’informations à laquelle
tout le monde a accès. » Internet tient
lieu de bible, là où l’Education natio-
nale reste frileuse, et le milieu paren-
tal pas le meileur endroit pour « parler
cul ». « Les jeunes ont besoin de lieux
de parole, conclut Sarah Durocher. Les
garçons, surtout : les fi lles abordent
souvent le sujet avec leur mère au
moment des premières règles, ou de la
première visite chez le gynéco. Mais
qui discute avec les garçons de leur
première éjaculation? »
Les forums de discussion, très pri-
sés dans cette génération, sont ainsi
devenus une source d’apprentissage,
au même titre que l’information médi-
cale ou scolaire, la presse spécialisée,
les journaux d’actualité ou le modèle
parental. Nathalie Bajos, chercheuse à

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Rencontres Aujourd’hui, la rationalité l’emporte. Le partenaire idéal est souvent
recruté pour un soir ou pour un mois, en cochant des cases sur son portable.

Fleur bleue Le romantisme
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