L\'Express - 14.08.2019

(Nandana) #1

40 L’ E X P R E S S 14 AOÛT 2019


france


Mais qui en veut


à nos églises?


Vols et détériorations des lieux de culte
constituent l’essentiel des actes classés comme
antichrétiens. Mais il est rare que leurs auteurs
soient christianophobes.
Par Paul Conge

france


L


es cloches ne sonneront
plus à Ginasservis. Le
19 juillet, ce village du Var
de 1 700 âmes s’est réveillé
avec un trou béant dans
le cœur et sous les clochers de ses
deux chapelles. Pendant la nuit, des
pillards ont sévi. Ils ont décroché
les deux éléments en bronze, pour-
tant énormes, tels de vulgaires fruits
mûrs. « Je suis écœuré, comme tout le
monde ici », s’émeut le maire, Hervé
Philibert. Comment les voleurs ont-
ils dérobé ces objets situés en hau-
teur et pesant si lourd, 80 kilos et
53 kilos? Comment se sont-ils enfuis
sans être vus? « On n’a aucune idée
de la manière dont ils s’y sont pris »,
confesse un officier de gendarmerie.
L’édile confirme : « Ça a été réalisé très
proprement, du travail de pro. »
Assurément, ce forfait est l’un des
plus mystérieux de la série
d’actes de malveillance
qui frappent les églises en
France depuis des années.
Et qui continuent, en 2019,
de se multiplier comme des
petits pains. A Vendôme
(Loir-et-Cher), un taber-
nacle a été volé dans l’église
de la Madeleine. A Nîmes (Gard), les
murs de Notre-Dame-des-Enfants
ont été tapissés d’excréments... Rien
qu’en 2018, le ministère de l’Intérieur


  • chargé des cultes – a recensé 881 édi-
    fices chrétiens vandalisés, un chiffre
    en forte hausse depuis dix ans. Face


a carbonisé l’autel de la cathédrale
Saint-Alain. De l’aveu du curé, une
bêtise de jeunes qui a dérapé... « Sauf
qu’ils s’en sont pris à une cathédrale,
pas à des toilettes publiques, rétorque
le maire. C’est de la christianophobie.
Il faut appeler les choses par leur nom
si on veut traiter le problème. »
Les esprits s’échauffent. « C’est
un sujet explosif », murmure-t-on
Place Beauvau. Le baromètre des
actes haineux, publié par le minis-
tère de l’Inté rieur, est l’un des dos-
siers les plus brûlants de l’année. En
2019, il indiquait 1 063 « actes anti-
chrétiens » sur le sol français l’an-
née précédente –contre 541 anti-
juifs et 100 antimusulmans. Un
chiffre stable si on le compare à
ceux des dernières années (1 038 en
2017), mais en hausse de 220 % par
rapport à 2008. « 90 % des lieux de
culte ou des cimetières profanés sont
chrétiens, seuls 10 % sont israélites
ou musulmans », tonne Bernard
Carayon. A ses yeux, « tout le monde
s’en fout », en raison de « tabous » en
France, mais aussi d’une Eglise « sur
la défensive » après les scandales sur
la pédophilie de ses clercs.

à ces atteintes, le clergé catholique
demeure le plus souvent muet, de
façon à ne pas créer d’effet de conta-
gion. Tout juste si le porte-parole de
la Conférence épiscopale a réagi sur
Twitter : « Des églises incendiées,
profanées, saccagées. Nous ne pour-
rons jamais nous habituer à ce que
ces lieux de paix soient la proie de
violences. »
Ces cas de vandalisme se sont
malgré tout ébruités au-delà des seuls
diocèses concernés. Fin juin, depuis
les travées de l’Assemblée nationale,
la députée Les Républicains (LR)
Valérie Boyer a dénoncé une « épi-
démie ». Laurent Wauquiez, alors
président de LR, risqua, lui, le mot
« omerta », mi-mars, lorsque la porte
de l’église Saint-Sulpice, à Paris, fut
dévorée par un incendie – après une
querelle entre SDF, apprit-on par la

suite. Il accusa les médias de passer
ces déprédations « antichrétiennes »
sous silence. « Quand une synagogue
ou un lieu de culte musulman est la
cible, cela fait la Une des journaux »,
s’exclame Bernard Carayon, maire LR
de Lavaur (Tarn), où, en février, un feu

ON DÉNOMBRERAIT


TROIS MÉFAITS PAR JOUR,
DU TAG À L’INCENDIE

K. DAHER/HANS LUCAS
Carbonisée Une porte latérale de l’église Saint
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