L\'Express - 14.08.2019

(Nandana) #1

6 L’ E X P R E S S 14 AOÛT 2019


la semaine


L’INQUIÉTUDE


Matteo Salvini,


le capitaine


naufrageur


M


inistre de l’Intérieur
ou secrétaire d’Etat
aux pâtés de sable?
Au gré d’une longue tournée
des plages du sud de l’Italie,
achevée le 11 août en Sicile, le
duce de la Ligue (extrême droite),
Matteo Salvini, a accumulé les
selfi es, déjeuné torse nu en bord
de mer, joué les DJ et martelé
ses anathèmes antimigrants.
Depuis le sabordage, trois jours
plus tôt, de la coalition forgée
avec le Mouvement 5 étoiles de
Luigi Di Maio, aux commandes
depuis quatorze mois, celui
que ses fans surnomment
« Il Capitano », fort de son
triomphe lors des européennes
de mai – 34 % des suff rages –
et pourvu de sondages
prometteurs, exige la tenue
dès octobre prochain d’élections
législatives anticipées (voir
ci-contre). Quitte à pactiser
le moment venu, dans l’espoir
de sceller une alliance
majoritaire robuste avec les
postfascistes de Fratelli d’Italia,
le parti europhobe qu’anime
Giorgia Meloni, mais aussi avec
Silvio Berlusconi, le « Cavaliere »
vieillissant, toujours avide
de remonter en selle.
Le hic? Le seul à détenir
le pouvoir de dissoudre le
Parlement est le président,
Sergio Mattarella, qui rechigne
à convoquer l’électorat
au moment où son pays, endetté,
doit adopter le prochain budget
tout en marchandant avec
Bruxelles. Si le retour aux urnes
paraît inéluctable à moyen
terme, ce démocrate-chrétien
envisagerait de confi er à l’actuel
président du Conseil, Giuseppe
Conte, le soin de former un

cabinet de techniciens. Option
privilégiée par deux anciens
chefs de gouvernement de
centre gauche. Matteo Renzi
préconise ainsi la mise en place
d’une équipe « institutionnelle »,
afi n de « sauver l’Italie » du péril
d’une « dérive extrémiste »
et de préparer les futurs scrutins
dans une relative quiétude.
Quant à Enrico Letta, il estime
urgent de conjurer le spectre
du « chaos politique »
et d’entraver l’aventurisme
d’un Salvini qui, à ses yeux,
« pourrait entraîner le pays
hors de l’Europe ». En clair,
le précipiter sur la voie d’un
« Italexit ». Poussé par les vents
porteurs du populisme, du
souverainisme et de l’obsession
identitaire, le capitaine Salvini
veut aller vite. A l’inverse,
ses adversaires tentent, faute
de mieux, de freiner sa course.
Le temps peut-être, pour
l’ancien journaliste natif
de Milan, plagiste à ses heures,
de mesurer la portée de cette
évidence : bains de pieds
et bains de foule ne suffi ront
pas à mener la Botte à bon port.
Vincent Hugeux

Bains de foule La tournée
des plages de Matteo Salvini
s’est achevée le 11 août en Sicile.

A. PARRINELLO/REUTERS

ON EN PARLE
De quelles armes dispose
Salvini pour faire tomber
le gouvernement Conte?

Il mise sur le vote d’une
motion de censure d’ici
au 20 août. Quitte à sommer
ses élus de sacrifi er leurs
vacances. Salvini se dit en outre
prêt à ordonner la démission
des sept ministres de la Ligue,
minoritaire à la Chambre
des députés comme au Sénat.

Pourquoi déclencher cette
offensive en pleine trêve estivale?

Le ministre de l’Intérieur rêve
de traduire en sièges l’inversion
du rapport de force entre son
parti et le Mouvement 5 étoiles
(M5S). Les derniers sondages
lui promettent 36 à 38 % des
voix, alors qu’aux législatives
de 2018 il n’en a recueilli que
17,4 %, contre 32,7 % à la
formation « antisystème ».

Comment expliquer une telle
rupture entre les deux
partenaires populistes?

Salvini reproche à ses
ex-alliés leur frilosité,
notamment sur les baisses
d’impôts. Fondateur du M5S,
Beppe Grillo est sorti
de son silence pour appeler
à la formation d’un « front
républicain » contre
« les barbares ». Ambiance...
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