L\'Express - 14.08.2019

(Nandana) #1

14 AOÛT 2019 L’ E X P R E S S 61


ALEXANDRUM79/ISTOCKPHOTO


guerre des monnaies. En faisant chu-
ter la livre de 40 % face au dollar en
1931, le Royaume-Uni avait entraîné
des mesures similaires dans les autres
pays, ce qui n’avait fait qu’aggraver et
prolonger la Grande Dépression.

L’EUROPE SERA-T-ELLE
LE DINDON DE LA FARCE?
Première conséquence de l’escalade des
tensions sino-américaines : les Bourses
du Vieux Continent ont immédiate-
ment et lourdement chuté après que la
Chine a laissé sa devise décrocher. Des
places financières qui ont réagi encore
plus violemment que Wall Street, la
Bourse de New York. Etonnant? Pas
tant que ça. « L’Union européenne est
bien plus exportatrice que ne le sont les
Etats-Unis, notamment grâce à la puis-
sante industrie allemande. Ses places
financières sont donc bien plus sen-
sibles aux soubresauts du commerce
international », décrypte Stéphane
Déo, stratégiste à La Banque postale
Asset Management (LBPAM). Et cela
ne pourrait être qu’un début. « Si une
guerre des monnaies est déclarée, avec
des dépréciations successives du dollar
et du yuan, nous pourrions être les din-
dons de la farce, car cela aurait pour effet
d’apprécier, comparativement, l’euro »,
souligne Eric Dor, directeur des études
économiques à l’Iéseg. Ce qui renchéri-
rait d’autant le prix des produits expor-
tés par l’UE.
Ce scénario inquiète du côté de
Bruxelles, alors même que l’industrie
européenne est déjà à la peine, notam-
ment à cause de la crise automobile
allemande. Cette dernière subissant
de plein fouet le net ralentissement du
marché intérieur chinois, son premier
client. Les marges de manœuvre de la
Banque centrale européenne (BCE)
si la situation devait s’envenimer?
Limitées, voire nulles. « En ne remon-
tant pas ses taux quand la conjoncture
était bonne, la BCE s’est suicidée : si la
situation dérape, elle ne pourra abso-
lument rien faire », lâche Patrick Artus,
chef économiste chez Natixis.

CE CONFLIT POURRAIT-
IL FAIRE PLONGER DES
BANQUES DÉJÀ AFFAIBLIES?
La tempête boursière qui a suivi le
regain de tension entre la Chine et les
Etats-Unis a sévèrement bousculé le
secteur bancaire mondial. C’est par-
ticulièrement vrai pour les établisse-
ments européens. Le 6 août dernier,
l’indice STOXX 600, qui regroupe les
plus grandes d’entre elles, a ainsi tou-
ché son point le plus bas en trois ans.
Et pour cause, leur rentabilité ne cesse
de s’éroder. La raison? Les taux direc-
teurs de la BCE sont au plus bas depuis


  1. L’idée étant de rendre l’argent
    moins cher, afin de stimuler les inves-
    tissements dans l’économie réelle et


ARTPRESSE

31 juillet 5 août 7 août
Source : Bloomberg.

Taux de change du dollar
en yuans
(1 dollar =7,06 yuans)

6,88


7,0 5 7,0 6


Le 5 août, la Chine a laissé sa devise
plonger sous le seuil symbolique
des 7 yuans pour 1 dollar, du jamais-vu
depuis onze ans.

Le regain de tensions commerciales
entre la Chine et les Etats-Unis a ébranlé
les cours boursiers. Le 5 août, Wall Street
a enregistré sa pire journée de l’année.

31 juillet 5 août 7 août
Source : Boursorama.

Cours des principaux
indices boursiers

CAC 40

Dow Jones

DAX

25 717

12 189

5518 5266

11 676 11 641

5241

26 864 26 007

Steven Mnuchin qui engage vraiment
les hostilités, car elle permet de justifier
une contre-attaque monétaire des Etats-
Unis. D’autant que Donald Trump n’a
qu’une obsession : faire baisser le dol-
lar, qu’il juge trop élevé par rapport au
yuan, et aussi par rapport à l’euro. Il fait
lui-même des pieds et des mains pour
manipuler sa monnaie : alors que la
Reserve fédérale est en théorie indépen-
dante, il exige sans cesse qu’elle baisse
ses taux pour dévaluer le billet vert.
Si les deux puissances s’enga-
geaient dans une partie de ping-pong,
l’actuelle situation pourrait alors dégé-
nérer en une véritable et dramatique
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