L\'Express - 14.08.2019

(Nandana) #1

82 L’ E X P R E S S 14 AOÛT 2019


culture


facétieux aussi – il aimait bien les bons
mots grivois –, et sa gourmandise, lui
qui raffolait de la cuisine française.
C’était quelqu’un qui savait exacte-
ment ce qu’il voulait, pas du genre à
beaucoup parler aux acteurs, mais
toujours à l’écoute. Quand je lui ai
fait remarquer que la chemise prépa-
rée pour Cary Grant par l’habilleuse
américaine ne correspondait pas
aux modèles français d’après guerre,
il l’a changée par un pull rayé, celui
que l’on voit à l’écran. Il ne regardait
quasiment jamais dans la caméra.
Les scènes, il les visualisait à travers
le cadre qu’il formait avec ses doigts
en écartant ses mains.

On dit que vous avez dansé la valse
avec Gene Kelly...
S. B. En fait, non, pas du tout, l’anec-
dote a été déformée! A l’époque, les
syndicats, et c’est une bonne chose,
imposaient aux productions améri-
caines tournées en France d’embau-
cher une partie de l’équipe sur place.
C’est ainsi que, au printemps 1956, je
me suis retrouvée scripte sur La Route

Avant Mon oncle, vous aviez déjà
travaillé à la Victorine, sur le dernier
fi l m d e L a u re l e t H a rd y...
S. B. Oui, Atoll K, de Léo Joannon,
en 1950. Le réalisateur était français,
les acteurs parlaient français, italien
ou anglais. Chacun jouait dans sa
langue, le doublage se faisait après.
A l’époque, les scriptes françaises
qui parlaient anglais se comptaient
sur les doigts d’une main. Comme je
connaissais aussi l’italien, on m’a prise
sur le film. C’est à Alexandrie que j’ai
fait mon apprentissage linguistique.
Là-bas, c’était un brassage perma-
nent, toutes les origines se côtoyaient.
Regardez cette photo [elle montre un
cliché jauni par le temps], je pose avec
ma sœur et Youssef Chahine, notre
copain de jeunesse, qui allait devenir
un grand cinéaste.

S u r l a C ô te d ’A z u r, vo u s avez a u ssi
travaillé sur le tournage de La Main
au collet (1955), d’Alfred Hitchcock.
Quel souvenir gardez-vous de lui?
S. B. Son cigare. C’est la toute pre-
mière chose que j’ai vue de lui. Son côté

La baie des Anges,
star du cinéma

N


ice serait-elle la véritable
capitale du septième art?
Au vu de la Biennale des arts,
qui fête le cinéma sur la baie
des Anges, la réponse
est oui. « Nice est devenue
Cinémapolis. Il y a ici environ
13 troupes qui tournent »,
écrit, en 1917, le réalisateur
Louis Feuillade à l’acteur
Marcel Lévesque.
Au musée Masséna,
Jean-Jacques Aillagon
et Aymeric Jeudy déroulent
une immense fresque
chronologique, de 1896,
quand les frères Lumière
tournent ici les premières
images animées du mythique
Carnaval, à nos jours,
la Victorine étant toujours
active. Avec la complicité
de la Cinémathèque française,
extraits, affiches, photos
de tournages et documents
racontent l’histoire d’amour
entre le grand écran et la ville.
Un temps fort à prolonger
avec la balade parsemée
de clichés de Léo Mirkine
et de son fils Yves,
lignée emblématique
de photographes de plateau
(Abel Gance, Duvivier, Carné,
Cocteau, Vadim, Pagnol...).
Expositions à Nice
(Alpes-Maritimes)
jusqu’au 30 septembre :
Nice, Cinémapolis au musée
Masséna, et La Victorine
dans l’œil des Mirkine
à l’aéroport de Nice-Côte d’Azur,
sur la promenade du Paillon
et aux studios de la Victorine.

ANDRÉ DINO/LES FILMS DE MON ONCLE/SPECTA FILMS/CEPEC

J. GILLETTA/BIBLIOTHÈQUE DU CHEVALIER DE CESSOLE


Concentrée
Sylvette Baudrot
pendant le tournage
du film Mon oncle,
de Jacques Tati
(hiver 1956).

Mythique La villa la Victorine,
vers 1901, avant la naissance
des célèbres studios.
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