L\'Express - 14.08.2019

(Nandana) #1

14 AOÛT 2019 L’ E X P R E S S 83


Sylvette Baudrot : Hitchcock, Tati, Resnais et moi


joyeuse, réalisé par Gene Kelly. Il était
l’une de mes idoles. Un jour, pen-
dant le tournage, je lui dis avoir vu
tous ses films et que, c’est dommage,
dans le seul qu’on fait ensemble, il ne
danse pas. Il me fait signe – « Come,
Sylvette! » –, m’entraîne dans un coin
du studio, et là, rien que pour moi, il
exécute quelques pas de danse. Vous
imaginez, j’étais aux anges!


L e ré a l is a te u r ave c l e q u e l vo u s avez
le plus collaboré reste Alain Resnais...
S. B. 17 films! Le premier, c’était
Hiroshima mon amour [1959], avec
Emmanuelle Riva, qu’on a fait au
Japon. Il cherchait une scripte par-
lant l’anglais pour communiquer
avec l’équipe technique japonaise.
On était cinq à correspondre au pro-
fil et à postuler. Le petit truc qui a fait


la différence, c’est quand j’ai évoqué
ma passion pour les comédies musi-
cales américaines, que lui aussi ado-
rait. Après, je n’ai pas cessé de travail-
ler avec lui, jusqu’à sa disparition.
Comme ceux de Costa-Gavras, avec
lequel j’ai tourné six fois, les films de
Resnais étaient très bien préparés, très
bien découpés. Polanski, lui, acteur à
la base, a besoin de parler aux comé-
diens, d’être devant la caméra. Les
méthodes de travail des metteurs en
scène diffèrent, mais moi, chaque fois,
je me concentre sur le film du moment,
j’oublie tous les autres.

Avec l’évolution des outils
cinématographiques, avez-vous changé
votre manière de travailler?
S. B. Non, je fais exactement comme
avant. J’écris tout, au brouillon puis au

propre. J’ai besoin du contact avec le
stylo. Le métier a été facilité par l’arri-
vée du combo [écran de contrôle], mais
la scripte reste utile pour le minutage
du film avant le tournage et pour cer-
tains raccords quand, par exemple,
on tourne plusieurs séquences dans
une même pièce. La profession a bien
changé. Dans les années 1950, on ne
pouvait pas travailler sans carte pro-
fessionnelle, et obtenir ce sésame
était un parcours du combattant : il
fallait effectuer quatre stages, dont
un de montage. Les places étaient
très chères! En 1949, après l’Idhec,
je me suis démenée pour décrocher
ces fameux stages. J’ai eu la chance
de faire le premier avec Yves Allégret
sur Manèges et le deuxième, la même
année, sur Orphée de Jean Cocteau.
Deux expériences inoubliables.

Script Girl
Sylvette a travaillé
pour le gratin
du cinéma.
Ici, de g.à dr.
et de haut en bas,
La Main au collet,
d’Alfred Hitchcock,
J’accuse, de Roman
Polanski – qui sort
cet automne –,
La Route joyeuse,
de Gene Kelly,
et Hiroshima
mon amour,
d’Alain Resnais.


MGM/COLLECTION CHRISTOPHEL

GAUMONT DISTRIBUTION

ARGOS/COLLECTION CHRISTOPHEL

COLLECTION CHRISTOPHEL:PARAMOUNT PICTURES/AFP
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