L\'Express - 14.08.2019

(Nandana) #1

14 AOÛT 2019 L’ E X P R E S S 93


L’attrait pour les médecines alternatives
s’explique-t-il par ce besoin d’écoute dont
vous parlez?
G. V. Très certainement. Dans ces approches, le méde-
cin prend le temps, et c’est le temps qui manque à la
médecine. Notre médecine est trop technique, trop
mécanique. Le malade attend d’être porté. Il faut
retrouver le goût de la parole et de l’humanisme.

Que pensez-vous de l’homme « suraugmenté »
et quasi immortel annoncé par les transhumanistes?
G. V. L’idée de vouloir prolonger la vie de centaines
d’années n’a pas de sens. La nature a choisi la repro-
duction pour provoquer des mutations permet-
tant à l’espèce de s’adapter. Pour évoluer, il faut
naître, croître et mourir. Augmenter le QI est tout
aussi stupide, car les humains n’échapperont pas
pour autant aux différences entre eux. Il y aura tou-
jours le même ratio de surdoués et de sous-doués. Et
si, demain, on implante des puces dans le cerveau
d’hommes sains, l’être humain deviendra un objet
entre les mains de l’ingénieur, voire du hacker. Ce
sont des visions mécaniques et démiurgiques qui ne
prennent pas en compte les êtres d’affection, de colla-
boration et d’amour que nous sommes.

M a is l ’a l l o n g e m e n t d e l a v i e n’es t- i l p a s u n p ro g rès e n s o i?
G. V. Bien sûr. Sur le fond, il pose la question de la
cohabitation des générations et de la réorganisation
de nos systèmes d’assistance. Je crois que nous sau-
rons adapter les outils de la modernité aux plus âgés.

On s’intéresse de plus en plus à l’ergo-
nomie du vieillissement, par exemple,
qui est la même que celle de la petite
enfance. Nous pourrons créer des lieux d’architec-
ture, développer de nouveaux marchés. Nous allons
vers une société de partage entre générations grâce
aux outils numériques.

De quelle façon peut-on faire bénéficier le plus grand
nombre des avancées médicales?
G. V. L’assurance-maladie dépense 200 milliards
d’euros en remboursement de soins. Un « pognon
de dingue », comme dirait notre président de la
République. Malheureusement, on gâche des dizaines
de milliards en prescriptions de biologie et d’image-
rie inutiles, en transports en ambulance et en arrêts
de travail injustifiés. Si vous réduisez de moitié les
examens radiologiques, cela n’aura aucune inci-
dence pour le patient! En revanche, si cet argent
était mieux utilisé, nous pourrions faire profiter un
bien plus grand nombre de patients de prothèses à
35 000 euros. Nous avons les moyens financiers d’une
redis tribution efficace à condition d’éviter le gâchis.

Comment conjuguer progrès et éthique?
G. V. Le progrès se fonde sur la connaissance. L’éthique,
elle, n’apporte pas plus de savoirs, mais plus de lien
entre les hommes. Elle n’est jamais un progrès, elle
est le fruit d’une réflexion de la société à un moment
donné. La médecine, quant à elle, a les moyens tech-
niques de nous transformer, mais c’est à nous d’évaluer

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Positif Les outils
numériques vont
développer une société
fondée sur le partage
entre les générations.
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