MX Magazine N°259 – Août 2019

(Nancy Kaufman) #1

L


e MX global, tant du côté Grand
Prix que Nationals US, est entré
dans la moiteur de l’été. On se gardera
d’invoquer le réchauffement clima-
tique comme le font, à la première
canicule venue, ceux qui, en hiver, rap-
pellent – à juste titre – qu’il ne faut
pas confondre météo et climat! De
fait, lorsqu’il s’agit de s’envoyer deux
fois 40 minutes en cette période, que
l’on soit en Floride ou en Indonésie,
on sait que, de toute façon, ça va être
brutal. Ça l’a d’ailleurs été.
En conditions « normales », on le sait,
le MX de top niveau est déjà un sport
d’une exigence radicale pour les or-
ganismes (un de ceux où le rythme
cardiaque doit se maintenir près de
son maximum pendant le plus long-

temps)... En y ajoutant le – considé-
rable – facteur dangerosité, il apparaît
même comme le sport extrême par
excellence ; il l’était d’ailleurs bien
avant que cela devienne une tendance
dans nombre de disciplines sportives.
Et il l’est encore davantage depuis
qu’Aldon Baker a démontré, avec un
certain Ricky Carmichael, qu’en pous-
sant plus loin encore l’engagement
dans la préparation physique, le taux

de réussite pouvait tourner à la razzia!
Pour autant, la préparation physique
ne fait pas tout et l’on sait que face
au défi de la chaleur et à préparation
équivalente, tous les athlètes ne sont
pas égaux (aucun n’étant par ailleurs
à l’abri de la défaillance). Voir un pi-
lote « taper le mur » lors d’une
manche disputée sous le cagnard ne
signifie donc nullement qu’on soit en
présence d’un fainéant! Mais, en
conditions extrêmes, celui qui n’est
pas en parfaite condition n’a aucune
chance de l’emporter et celui qui l’em-
porte, lui, l’est nécessairement (en top
condition). Au fil de sa carrière, un
pilote peut heureusement apprendre
à apprivoiser la chaleur, à l’exemple
d’un Tim Gajser, naguère tombé dans
les pommes lors d’un GP
MX2 en Thaïlande et qui
vient de dominer les deux GP
d’Indonésie en 450.
La déshydratation n’est pas
une affaire à prendre à la lé-
gère (l’infortuné Josh Lichtle
y a laissé la vie à Red Bud en
2011). Cette année, on a vu
Chase Sexton s’avérer inca-
pable de prendre le départ
de la seconde manche en Flo-
ride après avoir été au bout
de lui-même lors de sa vic-
toire dans la première! La
semaine suivante, à South-
wick, le jeune champion SX
Est a constaté qu’il n’était pas
remis et il s’est même abstenu
à Red Bud huit jours plus
tard, preuve des effets pro-
fonds et durables d’une dés-
hydratation sur l’organisme.
Pour leur part, Eli Tomac qui
s’entraîne en altitude dans le
Colorado sous la houlette de
son père et les membres de
la Baker’s Factory au complet
(Marvin Musquin, Jason An-
derson, Cooper Webb et Zach Os-
borne) s’accommodent fort bien de
la chaleur estivale jusqu’ici. Ken Roc-
zen, en revanche, a décroché de la
course en tête depuis que la chaleur
est apparue, lui qui tenait la plaque
rouge après les rounds californiens
de début de saison, inhabituellement
cléments. Dans le cas du gladiateur
allemand, il semblerait que les multi-
ples traitements antibiotiques suivis

Par Xavier Audouard

après ses opérations et aussi une in-
fection contractée suite au désastreux
SX de San Diego (il a été l’un des
plus affectés par l’affaire de la chaux
mélangée à la terre ce soir de pluie)
aient affecté son potentiel de résis-
tance à de tels efforts. En MX, face
aux conditions les plus radicales, le
moindre point faible est rédhibitoire.
Déjà, se réhydrater en profondeur et
dans le laps de temps réduit disponible
entre les deux manches (à peine plus
d’une heure aux US !) est une gageure.
Boire ne suffit pas. En milieu médical,
face à un tel besoin, une intraveineuse
de solution glucose/sels minéraux est
pratiquée. Selon l’ancien pilote de-
venu consultant média Jason Thomas,
recevoir – ou pas – une intraveineuse
entre les manches, c’est tout simple-
ment « le jour et la nuit »! Mais un
paddock n’est pas un « milieu médi-
cal » et le règlement interdit donc ces
pratiques. Si un pilote doit se faire ad-
ministrer ce type de traitement à l’in-
firmerie, on considère – non sans rai-
son – qu’après pareil « coup de
chaud », il est inapte à tout effort sup-
plémentaire à court terme (lors du
GP de Thaïlande déjà évoqué, Gajser
et Jordi Tixier n’avaient pas pu repar-
tir)...
Évidemment, on ne sait pas pour au-
tant ce qu’il se passe dans l’intimité
des motor-homes. Une infirmière lo-
cale s’était naïvement pointée à l’ac-
cueil de Millville en 2014 pour récu-
pérer son pass en expliquant qu’elle
était là « pour s’occuper de la réhy-
dratation de James Stewart entre les
manches ». Gros malaise. Le paradoxe
est donc qu’une mesure destinée à
protéger la santé des pilotes ouvre la
porte à une triche qui, sans constituer
un acte de dopage à proprement par-
ler, n’en fausse pas moins potentiel-
lement le résultat de la journée dans
de grandes proportions. Depuis le
« nurse-gate » (scandale) de Millville
et toujours selon Jason Thomas, la
pratique d’intraveineuses clandestines
aurait régressé et les faits cités plus
haut (Sexton, Roczen, etc) tendent à
accréditer cette thèse. Encore une fois,
on peut s’en féliciter sur le plan de
l’éthique sportive, tout en réalisant
que c’est plus dangereux pour la santé
des athlètes. Quel dilemme! Le MX
est décidément un sport de dingos.■

Chaleur et dilemme


« Se réhydrater en


profondeur et dans le laps


de temps réduit disponible


entre les deux manches


est une gageure... »


Il a fait chaud en
Indonésie, tout comme
il fait souvent très
chaud sur les épreuves
estivales US.
L’hydratation devient
un facteur clé dans
la réussite. (© PH)

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