Temps - 2019-08-13a

(avery) #1

ANOUCH SEYDTAGHIA
t @Anouch


Huawei croit avoir trouvé une
solution. Ou en tout cas, fait bien
semblant. Vendredi, la multina-
tionale chinoise présentait Har-
monyOS à Dongguan (sud de la
Chine), lors de sa conférence des
développeurs. HarmonyOS, c’est
la réponse de Huawei aux menaces
américaines de le priver d’An-
droid, le système d’exploitation de
Google. En apparence, le groupe
chinois a réussi, en l’espace
de quelques semaines, à
développer son propre sys-
tème pour smartphone.
Mais en réalité, la mission
s’annonce quasiment impossible
pour Huawei. D’autant qu’en
parallèle, Google développe un
système pour se rendre plus indis-
pensable encore.
Les dirigeants de Huawei n’avaient
pas le choix. Dès la mi-août, le
numéro un chinois des télécoms ne
devrait a priori plus avoir accès aux
technologies d’aucun fournisseur
américain. Cette décision, annon-
cée par Washington en mai, n’est
pas définitive: la semaine dernière,
l’administration Trump évoquait un
assouplissement de cet embargo,
avant de revenir en arrière ven-
dredi. Accusé par les Etats-Unis –
sans aucune preuve publique à
l’appui – d’espionnage à la solde de
Pékin, mais surtout au cœur d’une
guerre commerciale qui ne faiblit
pas, Huawei a toutes les raisons de
faire comme si l’accès à Android lui
sera coupé prochainement.
Sur le papier, son HarmonyOS est
séduisant. La multinationale
chinoise le présente comme un sys-
tème d’exploitation complet, non
seulement destiné à équiper des
smartphones, mais aussi tous les
appareils connectés. Huawei a évo-
qué des écrans intelligents, des
montres, des systèmes pour voi-
tures, des enceintes connectées...
Le premier appareil équipé d’Har-
monyOS sera un téléviseur
connecté, commercialisé cette
semaine en Chine. Il sera équipé


d’une caméra rétractable pour les
appels vidéo et intégrera un sys-
tème de reconnaissance faciale.

Des promesses floues
L’ensemble est prometteur. Mais
encore extrêmement flou. Car
Huawei n’a rien montré du fonc-
tionnement de HarmonyOS. Il n’a
rien dit de sa date de lancement
sur les smartphones. Et n’a pas du
tout parlé des applications qui
tourneront avec ce système – hor-
mis sa promesse d’investir l’équi-
valent d’un milliard de francs pour
leur développement, dont 80%
hors de Chine.
HarmonyOS pourrait être un suc-
cès en Chine, qui est une sorte d’In-
ternet à part sur la carte mondiale:
Google, Facebook ou encore Twitter

y sont absents, permettant à des
sociétés domestiques d’y déployer
avec succès des services innovants.
Mais hors de l’Empire du Milieu,
HarmonyOS aura beaucoup de mal
à exister. Si Windows Mobile a dis-
paru, c’est en grande partie parce
que les développeurs n’avaient pas
créé suffisamment d’applications
pour le rendre attractif. Huawei a
beau être une société innovante,
HarmonyOS sera peut-être un sys-
tème efficace et séduisant, ce ne
sera sans doute pas suffisant pour
percer hors de Chine.
D’autant que, face à lui, Google
affiche une puissance impression-
nante. Son système Android tourne
aujourd’hui sur 86,7% des smart-
phones vendus dans le monde selon
la société de recherche IDC, le solde
n’appartenant qu’à une seule
société, Apple. Et cette domination
va se poursuivre, à en croire les
bribes d’informations que lâche
régulièrement Google concernant
l’un de ses projets: Fuchsia.

Fuchsia, projet majeur
de Google
Fuchsia, dont la multinationale
américaine a commencé à parler en
octobre 2017, est à la base une idée
simple: rapprocher, voire fusion-
ner, Android et Chrome OS, le sys-
tème d’exploitation pour ordina-
teurs portables. A terme, Fuchsia
devrait surtout faire tourner tous
les objets connectés de Google, des
assistants personnels aux voitures,
en passant par les appareils de
domotique. C’est un projet colossal
qui ne devrait se concrétiser sur
smartphone que dans plusieurs
années: le but de Google est de
rendre ses appareils encore plus
interdépendants – et par là même
ses clients plus dépendants de lui-
même – et il fera très attention à ne
pas casser l’extraordinaire machine
commerciale qu’est Android.
On ne peut que souhaiter à
Huawei de réussir avec Harmo-
nyOS, pour apporter un peu de
concurrence dans un monde ultra-
dominé par Google. Mais sans se
faire d’illusions. ■

Le système HarmonyOS tournera, selon Huawei, autant sur les smartphones et les téléviseurs connectés que les montres. Mais la société chinoise n’a
encore rien montré de ce logiciel. (FRED DUFOUR/AFP)

Huawei, miroir de la domination de Google


TÉLÉCOMS La multinationale chinoise présentait vendredi son système HarmonyOS, censé remplacer Android si l’embargo américain devait


se concrétiser. Mais Huawei aura de la peine à convaincre hors de Chine. En face, Google a de nouveaux projets pour étendre sa domination


La plateforme
Deliveroo
va quitter
l’Allemagne
La plateforme
britannique de
livraison de plats
à domicile
Deliveroo, aux
prises avec ses
livreurs en France,
va quitter
l’Allemagne cette
semaine pour se
concentrer sur
d’autres marchés
à plus forte
croissance, a
appris l’AFP lundi.
Opérant en
Allemagne depuis
avril 2015,
la société
britannique va
arrêter ses
livraisons à
compter du
16 août. AFP

MAIS ENCORE

Lundi, Huawei a envoyé un e-mail
aux médias pour tenter de rassurer
les utilisateurs de ses produits. La
société évoque «des événements
inédits» s’étant produit ces derniers
mois et affirme que «la bonne nou-
velle pour nos utilisateurs est que
rien ne va changer passé le 19 août.
Tous les smartphones, tablettes et
PC Huawei déjà vendus et ceux dis-
ponibles sur le marché continueront
de recevoir les mises à jour de sécu-
rité, les mises à jour Android et l’as-
sistance Microsoft.»
La société écrit aussi que «tous les
utilisateurs ayant déjà acheté ou

étant sur le point d’acheter un smart-
phone Huawei vont continuer d’avoir
accès à leur environnement applica-
tif comme ils l’ont toujours fait
jusque-là» et se sent même obligée
d’annoncer que «tous les produits
continueront d’être couverts par la
garantie constructeur».
Par contre, et cela ne figure logi-
quement pas dans le communiqué,
il n’est pas du tout certain que des
smartphones Huawei vendus dans
quelques mois puissent toujours être
équipés d’Android. Aujourd’hui, l’en-
treprise détient 17% du marché mon-
dial des smartphones. ■ A. S.

Huawei tente de rassurer ses clients

TECHNOLOGIE

86,7%


Android, de Google, est
présent sur 86,7% des
nouveaux smartphones
vendus dans le monde.

1
Huawei a promis
d’investir l’équivalent
d’un milliard de francs
pour le développement
d’applications pour
HarmonyOS.

ANALYSE

PROPOS RECUEILLIS PAR SERVAN PECA
t @servanpeca


La semaine dernière, en plein
cœur de l’été, Gerofinance-Dunand
a officialisé le rachat de Régie du
Rhône à Genève. Cette acquisition,
la plus importante jamais réalisée
par le groupe (mais dont le mon-
tant n’est pas communiqué) pro-
pulse l’entité genevoise au rang de
leader romand du secteur des
régies immobilières. «Etre numéro
un n’a jamais été notre objectif»,
précise son président, Jérôme Féli-
cité, à la tête d’un groupe qui passe
d’environ 450 à 600 collaborateurs
et de 500 à 900 millions de francs
d’état locatif.


Pourquoi avoir racheté Régie du
Rhône?
Jérôme Félicité: Comme
d’autres régies, la nôtre a été
approchée par son propriétaire, le
groupe Investis. Ce n’est pas une
acquisition dans laquelle nous
nous serions lancés activement.
Mais à titre personnel, je suis avec
attention Régie du Rhône depuis
longtemps et j’ai toujours apprécié


le travail des dirigeants. Ils ont
souvent été inventifs, ils se mon-
trés précurseurs dans le domaine
de la numérisation, notamment
dans les services aux locataires.

Comment interpréter cette transac-
tion, au regard de l’état actuel du
marché, notamment de la suroffre qui
menace le marché des logements
locatifs? Nous sommes un presta-
taire de services, pas une société
de promotion. Nous ne sommes
donc pas en première ligne

Avec 50 000 baux et 900  millions
d’état locatif, vous devenez la plus
importante régie de Suisse romande.
A quel point est-ce important? J’ai
toujours dit qu’être numéro un
n’était pas notre objectif. En
revanche, comme dans d’autres
secteurs, il y a une concen-
tration en cours, parce que
grandir comporte plu-
sieurs avantages. Nous
allons pouvoir rationaliser
certaines choses. Et nous aurons
accès à de nouveaux pans de clients.

Concrètement, à quels changements
faut-il s’attendre? Nous n’avons
aucun besoin de fusionner à
grande vitesse. Nous nous offrons
donc le temps de la réflexion. Mais
nous avons mené une analyse en
profondeur de quatre mois, avant

de confirmer notre intérêt. Il y a
donc déjà des pistes qui sont explo-
rées. Régie du Rhône a une philo-
sophie similaire à la nôtre, avec
une volonté d’être proche des
clients, une vision fine et locale,
avec des collaborateurs qui sont
de la région dans laquelle ils tra-
vaillent. C’est pour cette raison que
nous comptons 17 filiales en Suisse
romande. Mais il y a aussi des dif-
férences intéressantes entre nous.

Par exemple? Les conditions sala-
riales sont meilleures chez l’une,
tandis que les conditions sociales
sont meilleures chez l’autre.

A ce propos, cette acquisition mène-
ra-t-elle à des suppressions de
postes? Non, au contraire, nous
sommes en expansion. Au cours
des quatre dernières
années, avant ce rachat,
l’état locatif a progressé
d’environ 130  millions
pour atteindre 500 mil-
lions de francs. Et nous sommes
en train de finaliser le quartier de
l’Etang, à Vernier, l’un des plus
grands projets immobiliers du
pays. Il va représenter environ
60 millions de francs de nouvel
état locatif, soit du travail pour 25
à 30 personnes. Ces collabora-
teurs, pour l’instant, nous ne les
avons pas. ■

«Etre numéro un n’a jamais été notre objectif»


IMMOBILIER Les régies Gerofi-
nance-Dunand viennent de rache-
ter Régie du Rhône. «Ils nous
ressemblent et ont toujours été
inventifs», justifie le président du
groupe, Jérôme Félicité


JÉROME FÉLICITÉ
PRÉSIDENT DE
GEROFINANCE-
DUNAND

«Le quartier de


l’Etang, à Vernier,


représente du


travail pour 25 à


30 personnes. Ces


collaborateurs,


pour l’instant, nous


ne les avons pas»


INTERVIEW

Des failles dans les accès

sécurisés de Dormakaba?

Le concepteur suisse d’accès sécurisés aux
bâtiments Dormakaba a pris connaissance
de nouveaux éléments concernant de
potentielles failles de sécurité dans
certains de ses systèmes. Un chercheur les
a détaillées lors de la convention annuelle
Def Con de pirates informatiques à Las
Vegas le week-end dernier. A l’issue de
plusieurs années de recherches, Mike
Davis est venu à bout des serrures de
sécurité dédiées aux distributeurs de
billets automatiques ainsi que de la gamme
de serrures électroniques destinées aux
commerces et à l’industrie développées
par la société zurichoise. AWP

Les investisseurs chinois

délaissent la Suisse

L’intérêt des entreprises chinoises à
investir en Suisse et en Europe a continué
de faiblir au premier semestre. En Suisse,
seules trois transactions ont été recensées,
contre sept douze mois plus tôt, pour un
volume d’investissements divisé par
quatre, à 96 millions de dollars, selon une
étude du cabinet EY publiée lundi. Sur le
plan européen, la valeur des acquisitions
chinoises s’est effondrée de 84%, à
2,4 mil liards de dollars, pour un total de
81 rachats et prises de participation,
contre 113 au premier semestre 2018. AWP

EN BREF

Economie 7

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