8 |france VENDREDI 16 AOÛT 2019
0123
Le taux de chômage
à son niveau le plus
faible depuis dix ans
La majorité attribue cette baisse à « l’action
résolue et cohérente du gouvernement »
L
a lente décrue du chômage
se poursuit. Pour la troi
sième fois d’affilée, le nom
bre de demandeurs d’emploi a
baissé d’un trimestre sur l’autre :
sur la France entière (hors
Mayotte), le taux s’est établi à
8,5 % de la population active sur la
période marsjuin. Selon les chif
fres publiés mercredi 14 août par
l’Institut national de la statistique
et des études économiques
(Insee), la baisse est de 0,2 point
par rapport au début de l’année.
En France métropolitaine, cela
signifie que le nombre de person
nes qui cherchent du travail, se
lon la définition retenue par le
Bureau international du travail
(BIT), a reflué de 66 000 en un tri
mestre. Le taux s’établit à 8,2 % de
la population active, soit 2,4 mil
lions de chômeurs. Sur un an,
cela représente une baisse de
0,6 point. La tendance à la baisse,
débutée au mitan de l’année 2015,
se poursuit donc. Jamais le mar
ché de l’emploi ne s’était aussi
bien porté depuis dix ans.
L’amélioration concerne tou
tes les classes d’âge, mais parti
culièrement les jeunes, note
l’Insee. Leur taux de chômage a
baissé de 0,6 point sur le trimes
tre et de 1,5 point en un an. Pour
les personnes âgées de 25 à
49 ans, il s’agit respectivement
de – 0,2 point et – 0,7 point et
pour les plus de 50 ans, de 0,2 sur
les deux périodes.
Le chômage de longue durée
connaît aussi une amélioration :
même si 900 000 personnes
cherchent un emploi depuis au
moins un an, cela correspond à
une baisse de 0,1 point au prin
temps et de 0,4 point sur un an.
« Bonne nouvelle statistique »
Autre point notable, après avoir
progressé de 2016 à fin 2018, le
taux d’emploi en contrat à durée
indéterminée (CDI) semble avoir
atteint un plateau, se mainte
nant à un niveau stable depuis
lors. La part des CDD et de l’inté
rim qui a amorcé une décrue fin
2017 semble, elle, avoir atteint un
palier. De même, l’emploi à
temps complet progresse entre
le premier et le deuxième trimes
tre de l’année (+ 0,2 point) et sur
un an (+ 0,8 point), quand le
temps partiel recule : – 0,3 point
au printemps et – 0,7 point par
rapport à 2018.
« Depuis le début du quinquen
nat, s’est félicitée Muriel Péni
caud, la ministre du travail, le
nombre de chômeurs a diminué
de 300 000 personnes. Le taux de
chômage est passé de 9,6 %
à 8,5 %. » Selon elle, cette évolu
tion « s’explique par l’améliora
tion de tous les indicateurs sur le
marché du travail, qui reflète l’ac
tion résolue et cohérente du gou
vernement, et notamment des
transformations du code du tra
vail, de l’apprentissage et de la for
mation professionnelle, qui por
tent leurs fruits ». « Il faut conti
nuer les efforts, ajoute Fabien
Matras, député (La République en
marche) du Var, tout en se gar
dant de tout triomphalisme parce
qu’il y a encore beaucoup de chô
meurs. Mais cela montre que les
réformes vont dans le bon sens et
qu’elles finiront par payer. »
Car si la décrue a débuté en 2015,
le député est persuadé que la poli
tique menée par la nouvelle ma
jorité depuis 2017 a joué un rôle
non négligeable. La baisse du chô
mage, ditil, « est le résultat d’une
cohérence économique globale.
Un climat de confiance s’est ins
tauré, notamment chez les inves
tisseurs, et l’économie fonctionne
sur la confiance. C’est pour cela
que les investissements augmen
tent et que le chômage baisse ».
L’opposition se montre moins
enthousiaste. Eric Coquerel, dé
puté (La France insoumise) de Sei
neSaintDenis, pointe le fait que
si le nombre de chômeurs a baissé
de 66 000 au deuxième trimes
tre, le « halo autour du chômage »
a lui progressé de 63 000 person
nes sur la même période, tou
jours selon l’Insee. Ce « halo » cor
respond au 1,5 million de person
nes qui souhaitent un emploi
mais qui ne sont pas considérées
comme étant au chômage par le
BIT, soit parce qu’elles ne cher
chent pas activement soit parce
qu’elles ne sont pas disponibles
immédiatement.
Quant à Aurélien Pradié, député
(Les Républicains) du Lot, il recon
naît que « toute baisse du chômage
est une bonne nouvelle ». L’élu re
grette cependant que ce qui est
« vraiment en marche » soit « une
transformation de l’économie et
des emplois ». « On constate une
précarisation de l’emploi, déplore
til, un turnover toujours plus im
portant, des périodes de formation
qui augmentent sans garantie de
trouver du travail, ou l’explosion
des ruptures conventionnelles
dans des conditions parfois dou
teuses. » Il dénonce « une libérali
sation du marché de l’emploi à la
Uber, qui est une bonne nouvelle
statistique, mais une mauvaise
nouvelle pour les métiers ».
b. f.
Deux chercheurs décryptent les paradoxes
du raslebol fiscal
Le sentiment d’être injustement taxé s’accroît plus on s’éloigne des grandes villes
L
a crise des « gilets jaunes » a
montré l’exaspération fis
cale de ceux qui doivent
prendre leur voiture tous les jours.
Audelà, cette crise, puis le grand
débat organisé dans la foulée, ont
en grande partie servi d’exutoire à
un raslebol généralisé qui couve
depuis des années. Mais, lorsqu’on
l’observe dans le détail, le senti
ment d’injustice fiscale réserve
quelques surprises. C’est ce que
montrent les chercheurs Alexis
Spire (CNRS) et Kevin Bernard
(Ecole des hautes études en scien
ces sociales, EHESS) dans un article
rédigé pour la Revue de l’OFCE (Ob
servatoire français des conjonctu
res économiques).
Dans un pays où le niveau des
prélèvements obligatoires est
aujourd’hui le plus élevé d’Europe,
88 % des Français sont d’accord
avec l’idée selon laquelle « la
France est un pays où l’on paye trop
de charges et trop d’impôts ».
Et, à partir d’une enquête réali
sée en 2017 auprès d’un échan
tillon représentatif de 2 900 per
sonnes, les deux chercheurs mon
trent que les impôts considérés
comme les plus injustes sont la
contribution sociale généralisée
(CSG, 48 % des enquêtés), la taxe
foncière (45 %) et la taxe d’habita
tion (41 %). « Ce qui permet d’écar
ter l’hypothèse que les prélève
ments anciens seraient mieux ac
ceptés », écrivent les auteurs.
Plus surprenantes sont les con
clusions de l’analyse qu’ils ont
conduite sur les variations du sen
timent d’injustice fiscale en fonc
tion de différents critères.
Connaissance du système fiscal
« La variable du revenu est peu si
gnificative », notentils. Contraire
ment à ce que l’on pourrait penser,
ce n’est pas parce que l’on perçoit
de hauts revenus que l’on rejette
ipso facto l’impôt, sauf en ce qui
concerne celui qui porte sur la for
tune. « Les trois quarts des contri
buables d’un foyer imposable con
sidèrent que l’impôt sur le revenu
est juste, alors que les contribuables
qui n’y sont pas assujettis sont seu
lement 64 % à être de cet avis », écri
vent MM. Spire et Bernard.
Les deux auteurs montrent que
la conception politique que l’on a
de l’utilité de l’impôt apparaît plus
pertinente. Les fonctionnaires et
les sympathisants de gauche, atta
chés à l’Etat et aux services publics,
acceptent davantage la taxation
en raison des dépenses collectives
qu’elle permet de financer. A con
trario, à droite et chez les artisans,
cadres supérieurs et chefs d’entre
prise, « la conception de la justice
fiscale privilégie l’efficacité écono
mique sur toute considération rela
tive aux fonctions redistributives ».
Par ailleurs, au sein des classes
populaires, « où le travail constitue
de longue date une valeur cardi
nale », l’impôt apparaît de plus en
plus « comme un obstacle posé par
les gouvernants à la jouissance
d’une activité rémunérée. La notion
même de prélèvement est associée
à l’“assistanat”, par opposition
au travail considéré comme le
moyen d’accéder à une certaine di
gnité ». D’autres critères entrent en
ligne de compte. « Plus on s’éloigne
des grandes villes, plus le sentiment
d’être taxé injustement s’accroît »,
notent les chercheurs.
Dans les campagnes et dans les
petites villes (moins de 2 000 habi
tants), où les ouvriers sont encore
très présents, le raslebol est fort.
« Résider en zones rurales ou dans
les petites villes peut nourrir la con
viction d’être prélevé comme les
autres, sans pour autant jouir des
mêmes investissements publics ».
De même, ceux qui ont un di
plôme inférieur au bac jugent plus
injustes les prélèvements (sauf
pour la TVA et l’impôt sur la for
tune) que les diplômés. Les contri
buables les plus âgés sont moins
enclins que les jeunes à trouver
l’impôt injuste. Sauf en ce qui con
cerne la CSG : ils l’ont vue apparaî
tre, son taux s’élever, avant qu’Em
manuel Macron n’alourdisse cette
fiscalité pour les retraités.
Les femmes, enfin, sont « signifi
cativement plus nombreuses que
les hommes » à trouver injuste
l’impôt sur le revenu, la CSG et la
TVA. C’est particulièrement le cas,
expliquent les auteurs, dans les
milieux populaires, là où les fem
mes sont davantage chargées de
tâches telles que la déclaration de
revenus, ce qui « les place en situa
tion d’être plus directement con
frontées au sentiment d’injustice
fiscale ».
benoît floc'h
Affaire Vecchi : le parquet requiert
un supplément d’information
La justice examine le cas d’un Italien condamné à douze ans de prison
pour violences commises en 2009 et arrêté en Bretagne le 8 août
rennes envoyé spécial
V
incent Papale a été ar
rêté jeudi 8 août à
SaintGravé, dans le
Morbihan. C’est du
moins le nom qui figurait sur un
document que les policiers de la
brigade nationale de recherche
des fugitifs ont trouvé sur lui ce
matinlà, alors qu’il allait travailler.
Pour ses amis de Rocheforten
Terre, Malansac et autres villages
du pays de Questembert, c’était
simplement Vincent, ou alors Vin
cenzo, puisque ce peintre en bâti
ment de 46 ans, établi en Bretagne
depuis 2011, est italien.
« Ici, les gens s’appellent par leur
prénom, et on ne leur demande par
leur pedigree quand ils arrivent »,
explique Elise, qui ignorait donc,
comme tous les autres, que leur
ami s’appelait en réalité Vincenzo
Vecchi, qu’il avait été condamné à
de lourdes peines pour des violen
ces commises lors de manifesta
tions à Gênes et à Milan en 2001 et
2006, et que deux mandats d’ar
rêt européens avaient été émis
contre lui par les autorités judi
ciaires italiennes.
« Libérez Vincenzo »
« C’était quelqu’un d’assez discret ;
maintenant on comprend pour
quoi », dit Elise, qui décrit Vin
cenzo comme « un voisin, un pote,
le type avec qui on part se balader
ou faire du canoë ». Passé la « sidé
ration », les habitants de Roche
fortenTerre et alentour ont lancé
des opérations de soutien pour
leur camarade, parfaitement in
séré, au dire de tous, et impliqué
comme beaucoup dans la vie asso
ciative locale, mais désormais sur
le point d’être renvoyé de l’autre
côté des Alpes.
Entre 200 et 300 personnes ont
ainsi fait une heure de route, mer
credi 14 août, pour se rassembler
sur le parvis de la cour d’appel de
Rennes, où le sort de Vincenzo
Vecchi se joue devant la chambre
de l’instruction. « Libérez Vin
cenzo », réclament les banderoles.
L’inquiétude est vive, mais l’at
mosphère chaleureuse, et le ras
semblement calme.
Peu avant midi, l’audience dé
bute dans une petite salle où dix
sept membres du comité de sou
tien – ses amis les plus proches –
ont été autorisés à prendre place.
Sorte de Steve Jobs à moustache,
Vincenzo Vecchi, entouré de gen
darmes dans son box vitré, les ac
cueille avec un sourire et des clins
d’œil discrets derrière ses lunettes.
La présidente de la cour rappelle
les faits qui lui ont valu deux con
damnations en Italie, en 2007 et
en 2009, à respectivement quatre
ans et douze ans et demi de prison.
La première, devenue « irrévoca
ble » en 2008, concerne des violen
ces commises lors d’une contre
manifestation à Milan, en 2006,
face au rassemblement du parti
d’extrême droite Movimento So
ciale Fiamma Tricolore.
Bien plus lourde, la condamna
tion de 2009, devenue « irrévoca
ble » en 2012, concerne les violen
ces qui avaient marqué les mani
festations antiG8 à Gênes,
en 2001, lors d’un weekend au
cours duquel un jeune militant
avait été tué par un policier. Outre
des dégradations et un port d’ar
mes prohibé, Vincenzo Vecchi est
accusé d’avoir « poursuivi un pho
tographe qui prenait des photos
des dégradations, et de l’avoir
frappé avec un bâton et volé son
appareil », explique la présidente
de la cour, lisant le mandat d’arrêt
européen. La procédure, bien plus
simple que celle de l’extradition,
qu’elle a remplacée en 2002 dans
l’espace Schengen, permet aux
autorités judiciaires des pays con
cernés de se voir remettre rapide
ment leurs ressortissants en fuite.
En 2016, 16 636 mandats d’arrêt
européens ont été émis ; 5 812 ont
été exécutés.
Supplément d’information
La justice n’a pas à rejuger les « af
faires Vecchi » : les décisions de la
justice italienne ne peuvent être
remises en cause. Elle doit en re
vanche s’assurer que les procédu
res se sont déroulées dans les rè
gles, c’estàdire que l’intéressé a
pu se défendre – en étant présent
ou représenté à ses procès, ou au
moins en ayant été convoqué dans
les règles de l’art – ou qu’il dispose,
dans le cas contraire, de voies de
recours pour être rejugé.
L’avocat général prend la parole
en premier. Il demande à la cour
« d’accorder aux autorités italien
nes la remise de Vincenzo Vecchi »,
affirmant que le mandat d’arrêt re
latif à la condamnation milanaise
est « recevable et valable ». Mais il
estime dans le même temps que
celui lié à la condamnation à Gê
nes est incomplet : « La cour sem
ble insuffisamment informée, une
information complémentaire sem
ble indispensable. »
L’avocate de Vincenzo Vecchi
s’engouffre dans la brèche pour
demander à son tour un supplé
ment d’information, et ainsi obte
nir un délai pour son client. « Il
manque un certain nombre d’élé
ments essentiels », estime Me Ca
therine Glon, qui dit notamment
n’avoir aucune preuve que son
client ait été présent au moment
de l’énoncé de la décision de Gênes
en 2012, par exemple.
Par ailleurs, l’avocate évoque une
éventuelle prescription des faits
de Milan, qui annulerait le mandat
d’arrêt, selon elle. Enfin, Me Glon
s’inquiète des conditions de dé
tention qui attendent son client en
Italie, faisant référence à l’arti
cle 41 bis, « qui permet des condi
tions exceptionnelles de détention,
pour ceux qu’on considère comme
des prisonniers politiques, incom
patibles avec la Convention euro
péenne des droits de l’homme. Il
appartient aux autorités judiciaires
françaises de vérifier qu’on ne porte
pas atteinte à la sécurité de [son]
client ». « Je n’ai rien à ajouter », con
clut Vincenzo Vecchi, peu disert.
Une décision sera rendue le
23 août. Si la cour souhaite un sup
plément d’information, les autori
tés judiciaires italiennes auront
dix jours pour le lui faire parvenir,
après quoi une nouvelle date
d’audience sera fixée, et le sort de
Vincenzo Vecchi sera de nouveau
en jeu. A la sortie de la cour d’appel
de Rennes, Elise est un peu soula
gée : « On avait imaginé le pire, on
craignait l’extradition directe. »
JeanBaptiste s’adresse à la foule
du haut des marches : « On a com
mencé en lançant des bouteilles à
la mer, on ne pensait pas que ça al
lait susciter autant de réactions.
Merci d’être là, on a fait un travail
formidable, c’est magnifique! » La
foule applaudit.
Cet Italien arrivé par amour à
RochefortenTerre il y a treize ans
voit derrière l’arrestation de Vin
cenzo Vecchi la main du ministre
italien de l’intérieur, Matteo
Salvini. « C’est la bête immonde qui
revient, il a besoin d’avoir un tro
phée de chasse. Eh bien, le trophée
de chasse, ça ne sera pas Vin
cenzo! », ditil, avant d’admettre :
« C’est mission impossible, on sait
que ça va être difficile, mais on a
décidé de tout essayer. C’est clair,
on va continuer. »
henri seckel
Entre 200 et
300 personnes se
sont rassemblées
sur le parvis
de la cour d’appel
de Rennes
Fonctionnaires et
sympathisants de
gauche, attachés
à l’Etat et aux
services publics,
acceptent
davantage
la taxation
Le taux s’établit
à 8,2 % de la
population active
en France
métropolitaine,
soit 2,4 millions
de chômeurs
D R O G U E
Saisie « exceptionnelle »
de cocaïne au Havre
Les douaniers ont réalisé la
« saisie exceptionnelle » d’une
tonne de cocaïne, dans la nuit
de lundi à mardi, au Havre
(SeineMaritime), a annoncé,
mercredi 14 août, Gérald Dar
manin, ministre de l’action et
des comptes publics. Cette
opération porte sur une va
leur estimée à 74 millions
d’euros sur le marché illicite
de la revente. – (AFP.)
P O L I C E
Plainte pour torture
après une interpellation
Un jeune homme interpellé
vendredi 9 août à SaintOuen
(SeineSaintDenis) a porté
plainte contre les policiers,
mercredi 14 août, pour actes
de torture. Il assure avoir
« reçu des coups de pied par
les fonctionnaires de police »
et « plusieurs coups de pisto
let à impulsion électrique [ta
ser] sur ses organes géni
taux » dans le fourgon de
police qui le conduisait au
commissariat. – (AFP.)
F É M I N I C I D E
Une femme retrouvée
morte dans l’Aube
Le corps d’une femme a été
retrouvé, mardi 13 août, dans
le cabanon de jardin de son
domicile à RomillysurSeine
(Aube). Son conjoint, qui a
fait une tentative de suicide,
est suspecté. Une enquête a
été ouverte pour « homicide
volontaire ». – (AFP.)