Télérama Magazine N°3630 Du 10 Août 2019

(Nancy Kaufman) #1

166 t On aime un peu... y ... beaucoup u ... passionnément r ... pas du tout I Pas vu mais... faut voir


câble | satellite


u 22.35 Ciné+ Club Film


Un homme intègre


| Film de Mohammad Rasoulof (Lerd, Iran, 2017)
| 115 mn. VO | Avec Reza Akhlaghirad (Reza),

Soudabeh Beizaee (Hadis), Nasim Adabi


(la mère de l’étudiante).


| GeNRe : RéSIStANce.

Mohammad Rasoulof est un cinéaste cou-


rageux, condamné le 23 juillet dernier par


un tribunal de Téhéran à un an de prison


ferme, puis deux ans d’interdiction de


sortie du territoire. Ce brûlot, tourné en

2017, n’en prend que davantage de force,


impressionnant thriller social, charge im-


placable contre la corruption généralisée


au pays des mollahs.


Dans Un homme intègre, tout s’a chète,

tout se négocie : un coup de pouce pour


qu’une plainte soit traitée en priorité par


le juge ; un certificat bidon délivré par un


médecin légiste complaisant... Reza, mo-


deste éleveur de poissons rouges, semble


le seul à refuser ce système de petits arran-


gements et de passe-droits où tout le

monde est complice. Dans ce contexte, les


y 22.25 OCS Géants Film

Un frisson dans la nuit


| Film de clint eastwood (Play Misty for me, USA, 1971)
| Scénario : Jo Heims et Dean Riesner | 105 mn. VM | Avec clint eastwood
(Dave Garver), Jessica Walter (evelyn Draper), Donna Mills (tobie Williams).
| GeNRe : tHRIlleR JAzzy.
Animateur de radio en Californie, Dave reçoit régulièrement la
même demande d’une auditrice : diffuser Misty, d’Erroll Garner.
Il finit par passer la nuit avec elle. Mais elle devient envahissante...
Les fans de jazz vous le diront : Misty est un des sommets de l’art
d’Erroll Garner, une mélodie sirupeuse qui recèle des trésors, des
silences impromptus, des langueurs qui frisent la dissonance.
Sous la chanson d’amour romantique, le mystère de l’improvisa-
tion « garnérienne », avec son décalage caractéristique entre la
main droite et la main gauche. Le film témoigne de la même ambi-
guïté : sous l’apparente paix de la petite ville californienne couve
la violence. De l’amour fou à la folie, il n’y a qu’un pas, vite franchi...
La force d’Un frisson dans la nuit, c’est son réalisme, qui rend
l’escalade de l’horreur très impressionnante. Hollywood raffo-
lera vite de ces thrillers paranoïaques — dont Liaison fatale, au
scénario assez proche, constituera l’un des pires avatars. Clint
Eastwood, qui signe là sa première mise en scène, très inspirée,
s’offre un rôle inhabituel, un homme- objet qui séduit par sa
voix puis par son corps, et devient victime de la liberté sexuelle.
— Aurélien Ferenczi

u 21.00 Mezzo Live HD Opéra

Tosca


| Opéra de Giacomo Puccini. livret : luigi Illica
et Giuseppe Giacosa, d’après la pièce
de Victorien Sardou | enregistré au théâtre
de l’Archevêché, à Aix-en-Provence, le 9 juillet
2019, los du festival d’Aix-en-Provence
| Direction musicale : Daniele Rustioni
| Mise en scène et vidéo : christophe Honoré
| Scénographie : Alban Ho Van. costumes :
Olivier Bériot. lumières : Dominique Bruguière
| Réalisation : Philippe Béziat (France, 2019)
| 120 mn. Inédit | Par l’Orchestre, le chœur
et la Maîtrise de l’Opéra de lyon
| Avec Angel Blue (Floria tosca), catherine
Malfitano (la prima donna), Joseph calleja
(Mario cavaradossi), Alexey Markov (Scarpia).
Pour qui connaît peu ou pas du tout l’opé-
ra de Puccini, cette production festivalière
n’est pas le moyen le plus aisé de l’aborder.
Mais pour les lyricomanes un brin aventu-
riers, quel plaisir de redécouvrir Tosca
sous un jour aussi inattendu! Moins fasci-
né par l’œuvre que par les mythes qu’elle
a suscités, le cinéaste Christophe Honoré
dédouble la figure de la cantatrice Floria
Tosca, pour raconter le difficile passage de
flambeau entre une ancienne diva (Cathe-
rine Malfitano) et une jeune chanteuse
(Angel Blue). Tosca devient un drame au-
tour de la transmission, filmé en direct,
façon documentaire. Saluons la dextérité
du réalisateur, qui parvient à intégrer
presque naturellement cette présence
constante de la vidéo. Le plateau vocal
fait plus que jouer le jeu. Et la direction
musicale de Daniele Rustioni éblouit par
son attention aux détails comme par sa
limpidité. — Sophie Bourdais
A voir aussi sur Arte concert et culturebox.
compte rendu exhaustif à lire sur télérama.fr.
Rediff. : 19/8 à 6.00, 20/8 à 17.00, 21/8 à 13.00,
22/8 à 2.00, 25/8 à 9.30. Mezzo : 29/8 à 12.30. Jean L

Ouis Fernandez

Par Christophe Honoré, qui remet du rouge sur la déjà très sanguine diva de Puccini (Catherine Malfitano et Angel Blue).

intérêts économiques, le pouvoir poli-
tique et les interdits religieux se confondent
pour mieux contrôler les citoyens. Et
exclure tous ceux qui ne rentrent pas dans
le rang... Rasoulof entretient, par sa mise
en scène chirurgicale, une tension perma-
nente. Le film devient vite un cauchemar
éveillé aux images et aux sons traumati-
sants. Dès que Reza pense avoir résolu un
problème, il doit faire face à une nouvelle
catastrophe, plus dramatique encore.
Son beau-frère l’avait prévenu : « Certains
apprennent vite, d’autres moins. » Reza,
lui, prendra son temps, mais s’endur cira.
A son tour, il ourdira une machination
machiavélique... Et quelle ironie! Voilà
l’homme intègre récompensé pour son
intransigeance par ce système corrup-
teur qu’il a tant combattu... et dont il
pour rait, s’il le souhaitait, devenir l’un
des rouages interchangeables. Terrible
morale, pessimiste et rageuse, de ce grand
film. — Samuel Douhaire

Télérama 3630-3631 07 / 08 / 19
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